Mars 2023 - Mot du Supérieur
Chers fidèles,
Le mois de mars est traditionnellement consacré à saint Joseph. Voilà une belle figure que la dévotion populaire n’a cessé de mettre en valeur au cours des siècles, guidée en cela par les textes et les encouragements du magistère de l’Eglise.
Mais en y réfléchissant quelques instants, voilà une dévotion dont on pourrait avoir quelques difficultés à expliquer le succès. En soi, rien ne semble mettre saint Joseph spécialement en valeur. On pourrait presque dire que tout ce qu’il connaît d’extraordinaire dans sa vie, il le vit par l’intermédiaire d’autres personnes, que ce soit la sainte Vierge Marie ou l’Enfant Jésus. De plus, cette simplicité est non seulement une réalité qui lui est comme imposée, mais c’est aussi un style de vie qu’il choisit : on ne lit aucune parole de saint Joseph dans l’Evangile et tout son agir est d’une discrétion remarquable ! Alors comment expliquer sa popularité ? Pourquoi un tel succès pour quelqu’un de si effacé et de si discret ?
En fait, c’est justement cette absence d’agitation qui attire. C’est cette figure calme et discrète, liée en même temps à un agir prudent et fidèle, qui fait de saint Joseph, à juste titre, un saint si apprécié. On pourrait presque le surnommer le saint de la force tranquille : il suit la vocation que le Bon Dieu lui a donnée avec patience et persévérance. C’est exactement ce qu’il nous faut comme modèle et nous ne pouvons que retirer du fruit à le méditer !
Pourtant tout humble et tout caché qu’il ait vécu, saint Joseph n’en reste pas moins un personnage grand par son origine et ses qualités. Il est de la race royale, descendant de David. Les rois d’Israël ne règnent plus à son époque, mais ce n’est pas rien que cette origine. Par son métier, comme nous l’apprend saint Matthieu, il est charpentier. Mais il est certain que la définition actuelle de ce métier en dit beaucoup moins que ce qu’elle recouvrait à l’époque. Le charpentier, c’est non seulement celui qui travaille le bois, mais aussi celui qui conçoit les plans, un architecte et c’est aussi un artisan aux talents les plus divers. Grandeur de saint Joseph !
D’où un premier parallèle que nous pouvons tirer avec notre vie. Toute humble, toute discrète ou toute cachée que puisse être notre vie, elle peut avoir une grandeur insoupçonnée et porter des fruits abondants. Nous sommes, nous aussi, de race royale. Certes nous ne sommes pas descendants du roi David, mais notre dignité est bien plus que cela, car nous sommes fils de Dieu par adoption et frères du Rois des rois par la grâce sanctifiante.
Nous sommes aussi des artisans d’une existence qui va bien au-delà de nos simples capacités physiques et naturelles : nous avons une âme à sauver et nous pouvons œuvrer au salut de tellement d’âmes autour de nous. Nous pouvons être, avec l’aide de Dieu et des moyens qu’ils nous a donné, les architectes de notre salut et du salut de notre prochain. Comment nous morfondre et nous ennuyer, si nous sommes vraiment conscients du trésor et des talents que Dieu a mis entre nos mains !
Suivant nos occupations, notre métier ou notre situation, nous pourrions avoir l’impression que nous sommes oubliés ou mis de côté. On peut penser tout particulièrement au rôle extraordinaire d’une mère de famille qui attire tous les sarcasmes d’une société dite du progrès : « Mère de famille ? – Vous n’avez donc pas de métier ? ». Pourtant, y a-t-il fonction plus belle et plus importante que faire naître et grandir l’amour de Dieu dans le cœur d’un enfant et de tout mettre en œuvre pour que cet enfant reste toute sa vie durant dans ces bonnes dispositions.
Malgré sa vie si banale en apparence et grâce à sa fidélité exemplaire dans la banalité du quotidien, saint Joseph a été appelé à la vocation particulière de père nourricier de Jésus. Un rôle unique et extraordinaire, mais certainement bien difficile à comprendre par le principal intéressé et même bien complexe à vivre. Il a certainement dû s’en poser des questions, il a eu aussi des moments de doutes et d’interrogations, mais il est resté fidèle pour suivre au mieux la voie que la Providence avait tracée pour lui. Il a accompli le plus parfaitement possible la vocation que le ciel lui avait donnée.
C’est ici le second parallèle que nous pouvons tirer avec la vie de saint Joseph, car l’intention de Carême de cette année est celle des vocations. La vocation est un mystère qu’il n’est pas toujours simple à discerner, un mystère car il n’y a, dans la plupart des cas, rien de bien perceptible – parfois presque imperceptible – sinon un attrait pour se consacrer davantage au Bon Dieu ou la conscience de la nécessité des prêtres pour le salut des âmes. La prudence de saint Joseph est alors un magnifique exemple pour faire le choix que Dieu attend de nous, un exemple par sa persévérance dans l’épreuve et son esprit de foi.
Sa plus grande épreuve a été le retour de Marie après les trois mois passés auprès d’Elisabeth. Comment pouvait-il comprendre que la sainte Vierge puisse attendre un enfant, elle dont il connaissait le vœu de virginité ? Il aimait en elles ses vertus suréminentes, n’avait aucun doute sur sa sainteté. Mais devant un tel mystère, sans réponse évidente du ciel, il essaie de trouver la solution la plus conforme à son amour de Dieu et décide finalement de renvoyer en secret son épouse. Mais quel tiraillement, quelles angoisses ? Avec les ajustements nécessaires à notre situation, nous pouvons penser au tiraillement de l’âme qui se sent appelée par Dieu et pour laquelle il n’est pas facile de voir clair. Il faut, avec courage et confiance en Dieu, prendre la décision qui paraît la plus juste et la plus prudente, la peser dans la prière, et le Bon Dieu viendra la bénir et la soutenir !
Mais si saint Joseph a été capable d’une telle force et d’une fidélité qui fait notre admiration, c’est qu’il a tout sacrifié, c’est qu’il a été d’une générosité sans faille. Il s’est donné tout entier à Dieu, tout entier aux siens, tout entier à son devoir d’état. Dans les épreuves de la sainte Famille, il a accepté les desseins de la Providence sans murmurer, avec une obéissance prompte et aimante, totalement détaché.
C’est certainement un point très important pour nous, un point capital : le chrétien doit vivre du don de soi, être généreux, ne pas craindre le sacrifice. Or il faut bien avouer que dans notre société nous avons tout à portée de main, et tout de suite. Nous sommes envahis d’objets et de sollicitations dont le but est de provoquer à la consommation, de nous faire jouir des plaisirs d’ici-bas. Comment apprendre le sacrifice dans ces conditions ? Combien il est difficile de résister à cet esprit de consommation !
Profitons alors de ce temps du carême pour retrouver ces excellentes habitudes de générosité. Avec courage, éloignons de notre vie ce qui usurpe la place de Dieu et mettons Dieu au centre de notre existence. A l’exemple de saint Joseph, ayons cette force tranquille, certaine de l’appui de la grâce, mais généreuse et prête à l’effort.
Notre époque a besoin de héros, de ces héros invisibles et discrets à l’image de saint Joseph, des héros dont l’activité, en apparence banale et ordinaire, est en réalité profonde et féconde. Voilà ce qui permettra à l’Eglise de poursuivre son œuvre sanctificatrice. Prions pour notre persévérance et pour que Dieu suscite de nombreuses vocations dans nos familles !
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