France : inscription de l’avortement dans la Constitution

Source: FSSPX Actualités

Dans le processus lancé en France pour faire inscrire l’avortement dans la Constitution, le projet de loi, après avoir été approuvé le 30 janvier par l’Assemblée nationale par 493 voix contre 30 est ensuite passé devant le Sénat le 28 février, où il a été voté par 267 voix contre 50.

Durant les débats, les résistances annoncées ont progressivement baissé pavillon. Ainsi, les divers amendements pour essayer de diminuer la portée du texte ont été balayés. L’un d’entre eux voulait supprimer le terme « garantie », pour éviter de mettre en péril l’équilibre entre les droits de l’enfant à naître et la liberté de la femme d’interrompre sa grossesse » soulignait son défenseur.

Un autre tentera de défendre la clause de conscience des médecins. « A l’instar de ceux qui pourraient un jour contester le droit à l’IVG, d’autres pourraient également contester le droit de conscience des professionnels de santé » relevait-il. Mais cette tentative sera fortement rejetée.

Quelques rares opposants déterminés

Seul Stéphane Ravier s’est exprimé avec force contre le projet de loi. « “Constitution” signifie bâtir, édifier, il ne peut rimer avec avorter », a-t-il souligné. « En votant pour ce texte, vous ouvrez la voie à l’avortement sur des critères eugénistes, à l’avortement possible jusqu’à la fin de la grossesse », a-t-il prévenu. Ces risques sont pris « alors qu’aucun parti politique ne remet l’avortement en cause ».

Il concluait : « Pour ma part, je voterai contre un droit à l’IVG dans la Constitution ». 50 sénateurs refuseront ce projet de loi idéologique qui « sacralise l’interruption de vie dans la loi fondamentale ». La réunion du Parlement en Congrès est prévue le 4 mars, pour le vote définitif.

L’avortement n’est ni une liberté, ni un droit

Grégor Puppinck, docteur en droit et directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), explique que l’avortement n’est ni une liberté, ni un droit dans une tribune publiée dans Valeurs actuelles et reprise par le site Génèthique, sur le projet de loi constitutionnelle visant à garantir « la liberté de la femme d’avoir recours à l’avortement ».

Le juriste, qui utilise les notions usuelles du droit français, affirme d’abord que « l’avortement n’a rien à faire dans une Constitution ». Ensuite, « parler de “liberté garantie” est redondant » : la phrase « n’ajoute rien à ce qui est déjà, à savoir que la loi organise l’accès à l’IVG ». La seule nouveauté, note-t-il, « consiste à inscrire dans la Constitution que l’IVG est une “liberté” ».

M. Puppinck rappelle que la « liberté est une faculté naturelle de la personne que l’Etat s’engage à respecter, parce qu’il estime que cette faculté est bonne ». Et « ce que l’on demande à l’Etat, c’est de ne pas en entraver l’exercice, sans que cela nuise à autrui ».

Mais le droit « est une chose, un “bien” que l’on peut réclamer à autrui, et finalement à l’Etat au nom de la justice ». Cela « suppose une relation avec un tiers, et consiste en une obligation de l’un envers l’autre ». Il précise « que personne ne possède un droit d’avorter à l’égard d’un tiers ».

Au niveau collectif « la garantie d’un droit répond à un besoin fondamental de la personne qu’elle ne peut pas satisfaire entièrement par elle-même, et qui nécessite donc l’intervention de la société ». Garantir « les droits découle de la raison d’être de l’Etat ». En cela, « un droit s’oppose à une liberté, car il nécessite l’action d’un tiers, et finalement de l’Etat », conclut le juriste.

Dire que « l’avortement est une “liberté”, comme le propose le Gouvernement, est donc absurde, car l’IVG n’est pas une faculté naturelle de la personne ». L’IVG « pourrait entrer dans la catégorie du “droit” si l’on estimait que pouvoir avorter était une exigence de justice ».

Cela supposerait « soit que l’avortement vienne “corriger” une injustice entre deux personnes, ce qui n’est évidemment pas le cas, soit que la société estime que l’avortement est un “besoin fondamental”, au même titre que l’instruction ou la santé. C’est sur ce terrain que se place la gauche ». Mais cela suppose que l’avortement est un bien, au même titre que la santé ou la sécurité.

L’avortement est un mal

M. Puppinck en arrive à sa conclusion : « l’avortement est un “mal” (…) et comme tel, il ne peut être ni une liberté, ni un droit. Ainsi, dans la loi Veil [qui a promu l’avortement en 1975, NDLR], l’avortement est seulement toléré dans certaines circonstances, comme un “moindre mal”. »

Ainsi, l’auteur rétorque au législateur sa propre loi. « Le “moindre mal” s’exprime toujours en droit comme une exception à un principe, en l’occurrence au respect de la vie et de la dignité humaine, mais jamais comme un droit ou une liberté en soi. »

Donc, selon la conception de la justice elle-même, « un mal, même estimé nécessaire, ne peut pas être un droit ou une liberté, mais seulement une exception ». Le Gouvernement a voulu faire un cercle carré, ce qui explique la formulation alambiquée et absconse du projet de loi.

Conclusion

Cette explication juridique a le mérite de mettre le doigt sur l’absurdité du projet de loi constitutionnelle, selon les catégories mêmes de la justice et du droit. Il reste que cette inscription de l’avortement dans la Constitution enfonce un peu plus la France dans son refus de Dieu et de son souverain domaine, et ouvre des possibilités d’aggravations encore plus terribles.

Notamment celles qui ont été énumérées par M. Ravier : eugénisme, IVG jusqu’à la naissance. Ainsi qu’une menace latente sur l’objection de conscience des médecins. Mais cela ne doit pas nous étonner : une telle transgression de l’ordre naturel, voulue, affirmée, et défendue comme un droit, ne peut qu’entraîner toujours vers le pire.

Rappelons que, suivant la définition de la philosophie et de la théologie, la liberté est, selon l’heureuse formule du pape Léon XIII, la « faculté de se mouvoir dans le bien », c’est une propriété de notre volonté. Or, il est impossible, de quelque manière qu’il soit considéré, que l’avortement soit pensé comme un bien : c’est un mal, et un mal terrible.

Le choisir, c’est se détourner délibérément de Dieu et de la finalité même de la nature humaine. Et les symptômes, reconnus par la communauté médicale, du syndrome post-avortement, en sont une éclatante démonstration.

Quant au droit, c’est, toujours selon la philosophie de saint Thomas, l’objet de la justice, déterminé par la loi. Or une loi ne peut promouvoir un mal, c’est intrinsèquement contraire à sa nature. Une telle loi, selon les mots mêmes du Docteur commun, « n’est pas une loi ». C’est une tyrannie, que les parlementaires français s’apprêtent à avaliser dans la Constitution du pays.