Février 2024 - Mot du supérieur
Bien chers fidèles de Suisse,
Nous voici arrivés au seuil du Carême. J’aimerais à nouveau cette année vous inviter à consacrer les prières et les efforts de ce temps liturgique pour susciter dans notre pays de nombreuses et saintes vocations. Le Carême est toujours un moment de pénitence et de sanctification personnelle, mais l’intention de prière pour obtenir des vocations ne vient pas le contredire, bien au contraire !
Pour mieux saisir le bien-fondé de cette intention, il faut bien donner des chiffres. Parmi les candidats au sacerdoce, il y a, en tout et pour tout cette année, quatre jeunes hommes du district qui se trouvent au séminaire. Les deux qui étudient en notre séminaire de Zaitzkofen devraient franchir ces prochaines semaines le pas du sous-diaconat, alors que les deux autres viennent tout juste d’intégrer la première année à Flavigny. Il n’y a donc pas de séminariste suisse à Ecône et bientôt plus à Zaitzkofen, si rien ne change…
Il est certain que chaque vocation est un miracle pour lequel on ne remerciera jamais assez le Bon Dieu, surtout à notre époque ! Mais avec le nombre de prêtres que nous recevrons ces prochaines années, nous pourrons tout juste remplacer les prêtres qui, peu à peu, prennent de l’âge, mais guère plus !
Si la prière est le moteur principal pour contrecarrer ces sombres perspectives, on ne peut s’empêcher de rechercher les causes du manque de vocations. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles sont multiples : la morosité de notre époque, la difficulté croissante à prendre un engagement définitif, les catastrophes causées par internet et les smartphones, le manque de maturité, et d’autres encore.
Pourtant, avec nos paroisses et avec nos écoles, n’avons-nous pas essayé de mettre en place les meilleures conditions pour former de vrais chrétiens et espérer susciter parmi eux des vocations ? L’essentiel ou le nécessaire pour bien faire n’est-il pas à la portée de tous ? Il semble bien. Il nous faut alors poser le problème différemment, avec un brin de provocation. Nos familles, nos jeunes surtout ont tout sous la main : des églises, des écoles, des œuvres de jeunesse. Ils ont tout, et c’est peut-être justement le problème. Au final, c’est peut-être le manque qui nous manque !
Ces réflexions pourraient nous porter à sourire, mais il est bien probable que le confort dans lequel nous vivons en Suisse soit l’un des premiers obstacles à la générosité d’une vocation. Donner sa vie à Dieu, c’est tout donner et cet acte héroïque demande d’être préparé par une habitude de générosité. Supporter les manques, accepter les privations, cultiver l’esprit de sacrifice… comment l’inculquer et le transmettre aujourd’hui ?
Mais, au-delà du confort naturel, il est aussi possible que le confort spirituel nous ait perdu… Certes, ce confort est bien relatif et que le lecteur comprenne bien ce que cette expression signifie, car loin de nous l’idée de dénigrer le bien qui est fait. Mais les facilités qui ont pu se mettre désormais en place en Suisse pour pratiquer la foi catholique font que, même dans ce domaine, l’effort n’est plus si évident.
Je pense à l’esprit de nos paroisses : on se serre évidemment les coudes lorsque l’on est dans un lieu provisoire et précaire ! Mais une fois une église, ou une chapelle digne de ce nom construite, et en plus une école qui fonctionne… on se désintéresse forcément et on pense volontiers qu’il y en a bien d’autres qui peuvent s’en occuper ! Plus ces choses fonctionnent et moins l’on trouve de générosité : c’est étonnant, mais d’un autre côté, c’est bien humain.
Dans ce même ordre d’idée, et c’est une des causes qui atrophie les velléités sacerdotales, je pense au regard porté sur le prêtre dans nos familles ! Evidemment que le prêtre n’est pas le surhomme que, peut-être, les siècles passés ont imposé et cultivé. Surtout dans les circonstances actuelles et les campagnes médiatiques, le prêtre reste un être humain qui doit travailler à être vertueux, humble devant le mystère qu’il célèbre, prudent dans ses actions et le premier à vivre la sainteté qu’il prêche.
Mais, cela étant dit, il reste que le prêtre est la figure d’autorité que l’on doit respecter. Tout indignement et dans les limites de son domaine, il représente l’autorité de l’Eglise. Quelle tristesse d’entendre de retour de la messe une critique appuyée du sermon ou des annonces de l’abbé… combien il serait préférable de voir une paroisse soutenant son pasteur !
Cette attitude de bienveillance ne signifie pas fermer les yeux, c’est simplement le respect du bien commun. Pour donner une comparaison plus parlante, il est certain que l’unité entre époux est à conserver devant les enfants, même si chacun des époux n’est pas dupe du caractère de l’autre. On réagira bien évidement si le mal est manifeste, mais sinon en attendra d’être seuls pour discuter de ce qui n’est pas allé et on respectera les décisions prises : c’est ainsi qu’une famille a de l’avenir et que les parents sont respectés.
Je crois qu’il en va de même dans la relation que l’on doit avoir avec les prêtres. Prenons la peine de venir communiquer au prêtre nos doutes, nos désaccords et nos demandes, mais essayons de mesurer nos paroles dans nos familles ou entre amis. Et si le prêtre n’est pas conscient de la situation, il a des supérieurs vers qui on peut se tourner si nécessaire.
On vraiment être surpris parfois par la virulence des propos et des jugements, même si le fond peut être tout à fait justifié et réel. Si les enfants voient le prêtre souvent dénigré et désavoué, comment peut-on imaginer que des vocations puissent germer de ces familles ? Les caractères d’aujourd’hui sont souvent de plus en plus sensibles, comment ces jeunes pourront trouver un attrait chez une figure de prêtre décriée et critiquée ? C’est vrai que c’est difficile d’être chrétien aujourd’hui et on attendrait du prêtre un guide parfait, ce qui est bien trop rare ; mais pour autant le prêtre ne doit pas devenir le défouloir de toutes ces angoisses et de tous les manques.
Dans les questions de prudence, comment imaginer suivre l’avis du prêtre contre ses propres idées ? on pourrait multiplier les exemples comme l’attitude envers les couples illégitimes, la question de la traduction de l’Ave Maria, de la délégation des mariages ou lors d’un changement de poste… On ne parle pas de question de foi, mais bien de prudence, pourtant si on n’est pas capable d’accepter l’avis du prêtre, même si on ne le partage pas encore une fois, comment envisager une unité dans la paroisse ? Comment accepter le principe de hiérarchie et de bien commun ? Finalement où est l’avenir d’une société religieuse ?
Ce même esprit, les prêtres doivent aussi les premiers à en vivre entre eux et c’est bien clair que l’on doit être les premiers à pratiquer ce que l’on enseigne. De sorte que, même si les caractères sont bien différents, il faut que les fidèles sentent l’atmosphère de famille qui règnent dans un prieuré.
Chers fidèles, c’est une ligne de crête bien difficile que je confie à vos prières durant ce Carême. Que le combat de la foi qui est la colonne vertébrale de notre vie ne le devienne pas au mépris de la charité qui doit nous enflammer. Conscient de leurs défaillances ou reconnaissant de leur qualité, aimons la figure du prêtre. N’apprécions pas tellement la figure de tel ou tel prêtre, mais la figure du représentant de Notre-Seigneur qui doit continuer à se perpétuer au cours des âges. Que Marie Mère du prêtre nous accorde de nombreuses et saintes vocations !
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