Mars 2024 - Mot du supérieur

Source: District de Suisse

Chers fidèles,

Le mois de janvier ayant été marqué par plusieurs campagnes de presse virulentes, il me paraît important, une fois la vague médiatique passée, de vous expliquer l’attitude de la Fraternité dans les questions qui touchent la protection des enfants.

C’est un sujet délicat où il faut donner des lignes de conduite générales et en même temps s’adapter aux cas particuliers, où il ne faudrait en rien omettre la souffrance particulière d’une victime tout en ne perdant pas de vue le bien commun. C’est donc un exercice complexe et je remercie d’avance le lecteur pour son attention et sa bienveillance.

Il est malheureusement vrai que les hommes d’Église restent, comme le commun des mortels, soumis à la servitude du péché et que celui-ci peut pousser tout homme, le prêtre comme les autres, jusqu’au crime.

Mais ce que les médias veulent montrer, c’est que cela est habituel et systémique : cette conclusion est simplement fausse et malhonnête. Les études récentes faites en Allemagne ont montré que les protestants n’ont pas été épargnés par ce fléau : pourtant ils n’ont ni célibat, ni secret de confession, ni hiérarchie. Les scandales qui, régulièrement, concernent des célébrités montrent que la morale prétendue stricte de l’Eglise n’est aucunement l’origine du problème. Sans parler des statistiques concernant les familles, où les cas sont tristement bien plus nombreux.

Alors oui, lorsqu’un scandale est commis par un prêtre, c’est encore plus grave et inadmissible que lorsqu’il est commis par un laïc, du fait que le prêtre a fait vœu de chasteté et qu’il est tenu, par sa fonction, à être un modèle. Mais revenons à la Fraternité ! Il est important ici d’être honnête et objectif et, finalement, de se demander si l’action de la Fraternité dans ce domaine est prudente ou non. Pour cela permettez-moi de répondre très simplement à quatre questions qui me semblent résumer celles que l’on peut bien légitimement se poser.

Que faites-vous pour assurer la protection des enfants ?

L’aspect positif, si on peut le formuler ainsi, des différentes crises que nous avons vécues, c’est qu’elles ne font que développer notre souci de prodiguer l’éducation et la protection les meilleures possible pour les enfants. Ce n’est pas nouveau, mais cette préoccupation ancienne est devenue une priorité.

Depuis quelques années, une chartre a été mise en place, signée par tous les collaborateurs religieux comme laïcs qui sont en contact avec les enfants. Cette charte résume les dangers à éviter comme les bonnes attitudes à adopter. C’est un point de départ complété par des formations, des rappels et des contrôles.

Dans la plupart de nos écoles, il y a la possibilité de s’adresser à un médiateur ; et les visites, de plus en plus fréquentes, des autorités cantonales permettent d’assurer la plus grande transparence sur notre façon d’agir.

Cependant, si nous sommes attentifs et vigilants, nous refusons de vivre dans une attitude de suspicion généralisée. Nous avons confiance dans le dévouement des prêtres, religieux, professeurs et collaborateurs qui effectuent un travail formidable. Malheureusement, si les témoignages de reconnaissance sur ce point sont nombreux, ils ne feront jamais l’objet d’une ligne dans un journal…

Cela nous amène à la deuxième question : Comment réagissez-vous en cas d’accusation ? 

Tout d’abord, on fait souvent croire que les hommes d’Eglise ont leur propre législation et leur propre justice. C’est bien mal comprendre la situation. Evidemment que nous somme soumis, comme tout un chacun, à la justice. Mais en plus de la justice civile, le prêtre est soumis à une justice ecclésiastique, réglée par le Droit canon, qui va étudier, en plus des sanctions civiles, quelles sont les mesures à prendre ou non à l’encontre d’un ecclésiastique qui serait fautif. Le prêtre n’est donc en rien exempté, il est doublement soumis à la justice.

Mais pour revenir à la question, nous avons pour règle que tout cas d’abus porté à la connaissance des autorités d’un district doit être traité et qu’aucun cas ne peut être dissimulé. Nous encourageons du reste vivement toutes les personnes à faire connaître aux autorités judiciaires et à nous-mêmes les cas dont elles auraient connaissance. Aux victimes, la Fraternité s’efforce de donner son assistance en les soutenant, en les encourageant à porter plainte auprès des autorités judiciaires, en les guidant à travers les démarches judiciaires, et en les accompagnant dans leur reconstruction, dans la mesure du possible.

Maintenant, toute affaire nécessite un peu de temps pour être étudiée et correctement analysée. Les accusations sont de nature et de gravité bien différentes. Il ne faut pas ignorer certains signaux d’alertes, mais on ne peut mettre définitivement en péril la réputation d’une personne sur une plainte anonyme ou une simple suspicion. La Fraternité peut compter sur des professionnels qui la conseillent pour arriver à la meilleure façon d’agir avec rapidité et efficacité. Il est certes difficile d’être irréprochable sur le sujet, mais nous tenons à tirer les leçons des situations passées et à mettre en place les moyens adéquats pour répondre à la volonté claire de venir en aide aux victimes. 

Quelle est votre attitude envers les médias ?

Envers les médias, la situation est complexe, car ce n’est pas le souhait qui manque de rétablir la vérité et d’éclairer certaines situations. Il y a évidemment une part de vrai dans les articles de presse, mais beaucoup d’extrapolation et trop souvent une envie de nuire.

Personne ne pourra nier que les médias sont devenus aujourd’hui le pouvoir absolu : même les autorités politiques sont soumises à leur loi. Oser une réponse ou une correction, c’est relancer indéniablement une machine qui n’a guère souci de la vérité ou des victimes, mais qui a une idéologie et un but. Le fameux « droit à l’information » est illusoire et l’ « objectivité » des médias se confond avec leur ligne éditoriale.

C’est pourquoi la Fraternité a pris comme ligne de conduite de ne pas répondre aux médias sur des cas précis. Elle est en revanche toujours ouverte à expliquer ses procédures et son attitude de façon générale. Cette attitude s’explique aussi par la discrétion qu’exige toute enquête présentée à la justice, au respect des victimes qui ne désirent pas revivre leur traumatisme par médias interposés, enfin au respect d’une décision de justice définitive qu’il ne nous appartient pas de commenter.

En bref, si l’idéologie des médias ne fait aucun doute sur tant de sujets de l’actualité, ne pensons pas que la question si sensible des abus fasse exception. Prenons, même sur ce sujet, la distance nécessaire avec les informations médiatiques. Ce constat ne dispense cependant pas la Fraternité de communiquer sur le sujet.

Justement, comment la Fraternité communique-t-elle sur ce sujet ?

La Fraternité tient à communiquer et elle tient autant que possible à bien le faire. Pour résumer les enjeux de ce thème, il faut faire vite mais sans précipitation, il faut être ouvert tout en restant discret : autant dire que la mission est ardue et qu’il est impossible de contenter tout le monde. C’est aussi un sujet devenu très complexe par l’évolution rapide des mentalités comme des technologies de communication.

La ligne de conduite que nous avons prise est de transmettre les informations de façon hiérarchique. Ces dernières sont régulièrement communiquées aux prêtres qui ont ensuite pour mission de les transmettre aux fidèles dont ils ont la charge. Il y a évidemment des situations où la communication sera publique, d’autres où elle le sera de façon plus particulière ou personnelle, en sorte que ceux qui doivent être informés le soient, mais que nous évitions aussi de provoquer des troubles inutiles. 

C’est à vous aussi chers fidèles de venir avec confiance exposer vos doutes et vos questions. Les prêtres essaieront de vous répondre au mieux ou ils demanderont à leur hiérarchie les réponses qu’ils n’auraient pas. Il y a aussi le risque d’un certain voyeurisme et une envie de curiosité inutile, et là encore c’est un juste milieu qu’il faut essayer de trouver.

J’espère, chers fidèles de Suisse, avoir pu apporter quelques lumières sur notre façon de procéder et avoir montré l’attitude claire et non équivoque que nous avons sur la protection des enfants. Essayons, sur ce sujet en particulier, de nous extraire de la pression médiatique afin d’avoir un regard objectif sur le sujet. Ne manquons pas d’exposer nos doutes et nos questions à l’autorité et confions à notre bonne Mère du Ciel la protection et le salut de nos enfants.

Contact

  • Supérieur de district

  • Abbé Thibaud Favre

    Prieuré Saint Nicolas de Flüe

    Solothurnerstrasse 11
    4613 Rickenbach