Lettre Circulaire aux fidèles de Suisse – Le Rocher 136 – Avril-Mai 2022

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Bien chers fidèles,

Deux sujets nous tiennent spécialement à cœur en cette fin de Carême et durant le temps de la Passion.

Tout d’abord, il y a bien entendu la prière pour les vocations. Comme vous le savez, c’est l’intention qui nous accompagne tout au long du Carême, en particulier par l’assistance à la messe et la récitation du chapelet, afin de demander au Bon Dieu de susciter dans nos familles de nombreuses et saintes vocations religieuses. Je tiens à remercier tous les fidèles pour la générosité qui a animé cette croisade jusqu’à présent et je ne peux qu’encourager à la poursuivre encore plus intensément pour ces derniers jours du temps du Carême.

Le second sujet nous fait changer totalement de perspective : il s’agit de la votation du 15 mai prochain, dont le but est d’introduire le consentement présumé du don d’organe. Evidemment, quelques garde-fous sont donnés et, selon les termes de la loi, le don d’organe ne sera pas imposé à celui qui refuse ou dont la famille atteste le refus, mais on veut introduire comme principe que toute personne est automatiquement considérée comme donneur d’organes. C’est un sujet un peu technique et où il convient de bien distinguer ce qui doit l’être. Mais pour un chrétien, un principe de base doit rester bien clair : il n’est pas possible de retirer un organe vital d’une personne qui n’est pas décédée, c’est-à-dire dont on n’a pas la certitude – autant qu’on puisse l’avoir – de la séparation du corps et de l’âme.

Même si les votations sur des sujets mettant en cause la loi naturelle et la loi divine se multiplient ces derniers temps et se soldent presque systématiquement par des échecs, ne perdons pas courage et ne manquons pas de nous mobiliser pour faire connaître ce sujet autour de nous et empêcher que cette nouvelle injustice devienne la norme dans notre pays.

Vocation et dons d’organes… malgré les apparences, il y a quand même plusieurs points communs entre ces deux sujets. Evidemment, non pas en ce qui les concerne directement, mais bien plutôt sur notre manière de les aborder, ainsi que sur les principes qui soutiennent finalement tout notre agir.

En effet, pour ces deux sujets, il nous faut remonter à la notion de bien commun pour bien les comprendre. C’est la notion qu’il nous faut plus que jamais remettre à l’honneur.

Dans la réponse à l’appel de la vocation, le jeune homme ou la jeune fille sacrifie quelque chose de son bien propre pour répondre à l’appel de Dieu. Que ce soit son indépendance, le désir légitime de fonder un foyer et d’avoir des enfants, tout cela est offert pour répondre à une vie plus parfaite dans le but de sauver son âme et de nombreuses autres.

D’un point de vue purement humain, c’est une folie et un non-sens de sacrifier sa vie pour Dieu et le prochain. Cela a, en revanche, tout son sens pour le bien commun de l’Eglise et le salut des âmes. Il en est de même pour le soldat qui donne sa vie en vue de défendre sa patrie : c’est un non-sens au regard de sa famille qui pourrait perdre un fils, un époux ou un père, dont l’importance n’est pas à démontrer. Mais le bien commun de la patrie l’exige et si toute la peine humaine est compréhensible, voilà un héros qui a tout donné pour sauver sa patrie et qui a sauvé de nombreuses vies par son sacrifice.

On peut en dire de même dans le don d’organe : d’un côté on voit tel jeune homme ou telle jeune fille en danger de mort imminente faute d’un organe vital, alors que, d’un autre côté, on a un jeune accidenté dont le cerveau est irrémédiablement endommagé et qui n’a plus que quelques minutes à vivre. Qui pourrait bien s’opposer à une transplantation où tout le monde semble pouvoir y gagner et que l’amour du prochain le plus élémentaire semble exiger ? Justement ! Le bien commun exige que l’on s’oppose avec fermeté à toute atteinte à la loi naturelle, sans quoi ces règles n’ont plus de raison d’être et chacun choisira ce qui lui semble bon. Le jeune homme accidenté n’est pas encore mort, même s’il va irrémédiablement mourir. Pour pouvoir prélever un organe vital, il faudrait le maintenir avec un minimum de vie… et la lui prendre ! Si donc tuer un innocent était permis, même s’il était presque mort, alors le principe de tuer un innocent serait validé et le mot « presque » finirait par être laissé à l’interprétation de chacun. La défense des principes chrétiens demande parfois des choix douloureux voire héroïques, elle est cependant la seule manière de bien agir sur le long terme et de garder la conscience tranquille.

Maintenant, si on va au-delà de l’idée de la défense du bien commun, ces deux sujets que sont la croisade des vocations et le don d’organes nous invitent aussi à une vision surnaturelle des réalités. Il nous faut considérer les choses en toute vérité, dans la véritable charité, selon le plan de Dieu et non dans une vision utilitariste de la vie ou dans une perspective de bienveillance humanitariste, sorte d’amour citoyen qui a remplacé l’amour de charité dans la société.

Ainsi, pour la vocation ! On entend tellement de nos jours que la seule chose qui compte, ce serait d’accomplir ses rêves. De tels rêves de vie facile, poursuivis sans réflexion profonde, ne rendront jamais heureux, au contraire d’une réalité acceptée avec peine mais réflexion, qui sera source de paix et peu à peu de bonheur. Car la seule chose qui compte pour un chrétien, c’est d’accomplir la volonté de Dieu. Si le bon Dieu nous appelle vraiment, si les signes suffisent pour y faire penser, si on a mûri notre réponse dans le silence et la réflexion, alors on aura toutes les grâces pour y répondre et toutes les grâces pour se sanctifier.

Tant mieux si le bon Dieu fait concorder nos souhaits avec la réalité ! Mais ce n’est pas toujours le cas et il faut prendre garde de ne pas nous tromper sur ce qui nous est nécessaire. Il faut en être conscient.

Et pour reprendre le thème du don d’organe, selon quels critères calculons-nous qu’une vie ne vaut plus la peine d’être vécue ? Si chaque seconde est un cadeau de Dieu, que savons-nous de l’usage qu’une personne peut en faire ? Sommes-nous conscients que cela peut changer profondément toute son éternité ?

De même, le soulagement de la souffrance est une perspective tout à fait normale et compréhensible, l’apaisement de la douleur est même souhaitable. Mais là encore, pour le chrétien, si Dieu permet la souffrance, c’est qu’il annexe une foule de grâces et de mérites à l’acceptation courageuse et chrétienne de cette situation. Une telle vision de la vie est évidemment absolument incompréhensible pour notre monde. Mais il est capital pour nous de la remettre en honneur et de l’avoir en estime.

Chers fidèles, que cette croisade pour les vocations nous mobilise pleinement, de même que cette votation contre la présomption automatique en faveur du don d’organes ! Soyons aussi persuadés qu’au-delà de la réalité de l’un ou l’autre cas particulier, c’est la société chrétienne que nous défendons. Si le résultat des urnes n’est pas toujours à la hauteur de nos espérances, les mérites de nos efforts ne seront jamais oubliés.

Je ne peux que vous inviter à profiter de richesse de la liturgie des semaines à venir, à veiller au moins une heure ou plus avec le Sauveur au cours des cérémonies du Triduum Sacré. Après deux années au cours desquelles certains d’entre vous n’ont pu y participer qu’en partie, il nous est donné cette année d’en bénéficier totalement : ne manquons pas d’en profiter pour notre propre bien et pour le salut des âmes.

Abbé Thibaud Favre