Dom Marmion – 4ème semaine de Carême
Eglise saint Gilles – Malestroit
4ème Dimanche de Carême
Le Christ Jésus manifeste sa divinité dans ses miracles
Dès le début de sa vie publique, le Christ Jésus s'appliquait à lui-même la prophétie d'Isaïe proclamant que « l'Esprit du Seigneur est sur lui. C'est pourquoi il l'a consacré par son onction pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance, aux aveugles le retour à la vue, pour publier à tous que le temps de la rédemption est arrivé ». Il est donc, par excellence, l'envoyé, le légat de Dieu, qui prouve, par des miracles, opérés de sa propre autorité, la divinité de sa mission, de sa parole et de sa personne. Aussi entendons-nous la foule, après le prodige de la multiplication des pains, s'écrier en désignant Jésus : « Il est vraiment le prophète, il est vraiment celui qui doit venir. »
Rien ne séduit tant notre pauvre cœur que de contempler le Christ Jésus, vrai Dieu aussi bien que vrai homme, traduisant en gestes humains l'éternelle bonté. Quand nous le voyons répandre à profusion, autour de lui, des trésors inépuisables de compassion, d'intarissables richesses de miséricorde, nous pouvons concevoir quelque peu l'infinité de cet océan de la bonté divine où va puiser pour nous la sainte humanité.
Et n'oublions jamais que, même alors, quand il s'incline vers nous, le Christ Jésus demeure le propre Fils de Dieu, Dieu même, l'Être Tout-Puissant, la Sagesse infinie qui, fixant toutes choses dans la vérité, n'exécute rien qui ne soit souverainement parfait.
Cela achève de captiver nos âmes, en nous manifestant les charmes profonds du cœur de notre Christ, de notre Dieu.
Le Christ dans ses mystères, pp. 81-82, 230.
Lundi de la 4ème semaine de Carême
Recours à Dieu seul dans l'épreuve
Nous devons nous habituer à tout dire à Notre-Seigneur, à lui confier tout ce qui nous regarde : « Découvrez à Dieu votre voie », c'est-à-dire vos pensées, vos soucis, vos angoisses, et lui-même vous conduira.
Que font la plupart des hommes ? Ils racontent ce qui les touche à eux-mêmes ou aux autres ; combien peu s'en vont répandre leur âme aux pieds du Christ Jésus ! Et cependant c'est là une prière si agréable à Dieu !
Voyez le psalmiste, le chantre inspiré par le Saint-Esprit. Il s'ouvre à Dieu de tout ce qui lui arrive ; il lui montre toutes les difficultés auxquelles il se heurte, les afflictions dont il est l'objet de la part des hommes : « Regardez-moi, Seigneur, et prenez pitié de moi, car je suis délaissé... Soyez pour moi une forteresse où je trouve le salut... »
Que nos contrariétés viennent des hommes, du démon, ou qu'elles surgissent de notre nature déchue, des circonstances, nous devons tout confier à Dieu. On trouve alors la lumière, la force et la paix; tandis que d'aller sans cesse mendier auprès des créatures ce qu'elles ne peuvent donner, laisse le cœur faible et désemparé.
Évidemment, on peut parfois aussi ouvrir son cœur à un ami fidèle et discret. Notre béni Sauveur lui-même, au Jardin des oliviers, n'a-t-il pas confié à ses apôtres les angoisses de son cœur sacré ? « Mon âme est triste jusqu'à la mort. » Cette conduite n'est pas défendue ; mais ce qui laisse le cœur faible et désemparé, c'est d'aller sans cesse mendier auprès des créatures ce qu'elles ne peuvent nous donner. Tandis qu'il n'est pas de lumière ou de force que nous ne puissions trouver dans le Christ Jésus : il est l'ami le plus sûr ; il est, comme il le disait lui-même à sainte Mechtilde, « la Fidélité essentielle ».
Le Christ, idéal du moine, pp. 517, 518.
Mardi de la 4ème semaine de Carême
Disposition primordiale du Christ Jésus : la recherche de la gloire de son Père
Quelle est la tendance foncière de l'humanité de Jésus ? Quelles sont les aspirations les plus intimes de son âme, celles auxquelles il ramène lui-même toute sa mission, et dans lesquelles il résume toute sa vie ?
Saint Paul nous répond ; il lève pour nous un coin du voile pour nous laisser pénétrer dans le saint des saints. Il nous dit que le premier mouvement de l'âme de Jésus, en entrant dans ce monde qu'il vient sauver, a été un élan, d'une intensité infinie, vers son Père : "Ingrediens mundum, dicit... Ecce venio, in capite libri scriptum est de me ut faciam, Deus, voluntatem tuam – Venant en ce monde, il dit... Me voici (car il est question de moi dans le rouleau du livre), je viens ô Dieu, pour faire votre volonté."
Et nous voyons le Christ Jésus, tel un géant, s'élancer dans la carrière à la poursuite de la gloire de son Père. C'est là sa disposition primordiale.
Écoutons comment, dans l'Évangile, il nous le dit lui-même en propres termes : « Je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. » Aux Juifs, il prouve qu'il vient de Dieu, que sa doctrine est divine, parce qu' « il ne cherche pas sa propre gloire, mais celle de celui qui l'a envoyé ». Il la recherche tellement qu'il n'a pas souci de la sienne propre. Toujours il a sur les lèvres ces mots : « Mon Père » ; toute sa vie n'est que le magnifique écho de ce cri : Abba, Pater. Pour lui, tout se ramène à rechercher la volonté et la gloire de son Père.
Et quelle constance dans cette recherche ! Il nous déclare lui-même qu'il n'en dévie jamais : « J'accomplis toujours ce qui est agréable à mon Père » : Quae placita sunt ei facio semper ; à l'heure suprême des derniers adieux, au moment où il va se livrer à la mort, il nous dit qu' « il a réalisé toute la mission qu'il a reçue de son Père ».
Le Christ, idéal du moine, pp. 20-21.
Mercredi de la 4ème semaine de Carême
Vie de foi
L'aveugle-né dont saint Jean nous raconte la guérison avec tant de savoureux détails, c'est l'image de notre âme guérie par Jésus, délivrée des ténèbres éternelles et rendue à la lumière par la grâce du Verbe incarné.
Partout donc où le Christ se présente à elle, elle doit dire : « Quis est, Domine, ut credam in eum ? – Qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Et aussitôt elle doit se livrer tout entière au Christ, à son service, aux intérêts de sa gloire, qui est aussi la gloire de son Père.
En agissant toujours ainsi, nous vivons de la foi ; le Christ habite et règne en nous, sa divinité étant en nous, par cette foi, le principe de toute notre vie.
Pourvu que nous écartions de cette foi tout ce qui peut la diminuer, la ternir, l’amoindrir ; que nous la développions par la prière et l’exercice ; que nous lui donnions constamment l'occasion de se manifester dans l'amour, la foi nous met en mains la substance des biens à venir et fait naître une espérance inébranlable : « Qui credit in eum non confundetur – Qui croit en lui ne sera pas confondu. »
Demeurons « fondés dans la foi », « fondés sur le Christ et affermis dans notre foi en lui ». Cette foi sera éprouvée par ce siècle d'incrédulité, de blasphème, de scepticisme, de naturalisme, de respect humain qui nous entoure de sa malsaine ambiance. Mais si nous restons fermes dans cette foi, elle deviendra, dit saint Pierre, « un titre de louange, d'honneur et de gloire quand apparaîtra ce Jésus que vous aimez, quoique vous ne l'ayez jamais vu ; en qui vous croyez, quoique vos yeux ne le puissent apercevoir; mais en qui vous ne croyez pas sans que soit ouverte dans vos cœurs la source intarissable d'une ineffable joie ».
Le Christ, vie de l'âme, p. 152 et suiv.
Jeudi de la 4ème semaine de Carême
La miséricordieuse bonté du Christ révèle l'amour infini de Dieu
Toutes les manifestations de la miséricorde et de la bonté de Jésus, qui nous découvrent les sentiments de son cœur d'homme, touchent les fibres les plus profondes de notre être ; elles nous révèlent, sous une forme saisissable, l'amour infini de notre Dieu.
Quand nous voyons le Christ pleurer au tombeau de Lazare, nos cœurs comprennent ce langage silencieux des larmes humaines de Jésus, et nous pénétrons dans le sanctuaire de l'amour éternel qu'elles dévoilent : « Qui me voit, voit mon Père. »
Voyez-le près de Naïm : il rencontre une pauvre veuve en pleurs qui suit la dépouille mortelle de son fils unique. Jésus la voit, il voit ses larmes ; son cœur profondément touché ne peut supporter cette douleur. « Ô femme, ne pleure pas ! – Noli flere ! ». Et aussitôt il commande à la mort de rendre sa proie : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! » Le jeune homme se lève, et Jésus le remet à sa mère.
Mais aussi, comme toute cette conduite du Christ condamne nos égoïsmes, nos duretés, nos sécheresses de cœur, nos indifférences, nos impatiences, nos rancunes, nos mouvements de colère et de vengeance, nos ressentiments à l'égard du prochain !
Nous oublions trop souvent la parole du Sauveur : « Toutes les fois que vous vous êtes montrés miséricordieux à l'égard de l'un des plus petits de mes frères » c'est à moi-même que vous l'avez fait. »
Ô Jésus qui avez dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur », rendez nos cœurs semblables au vôtre. Qu'à votre exemple, nous soyons miséricordieux, « afin d'obtenir nous-mêmes miséricorde », mais surtout pour devenir, en vous imitant, « semblables à notre Père des cieux » !
Le Christ dans ses mystères, pp. 232-233.
Vendredi de la 4ème semaine de Carême
Nécessité de la foi dans la divinité du Christ
Considérons ce qui se passait quand Notre-Seigneur vivait en Judée... C'est la foi qu'il réclame tout d'abord de ceux qui s'adressaient à lui... Il fait de la foi en lui la condition indispensable de ses miracles ; même chez ceux qu'il aime le plus, il réclame cette foi. Voyez quand Marthe, sœur de Lazare, qui était son ami et qu'il allait ressusciter, lui laisse entendre qu'il aurait bien pu empêcher son frère de mourir, Notre-Seigneur lui dit que Lazare ressuscitera ; mais il veut, avant d'opérer ce miracle, que Marthe accomplisse un acte de foi en sa personne : « Je suis la Résurrection et la Vie ; le croyez-vous ? »
Toute notre vie surnaturelle et toute notre sainteté ont la foi pour base, et notre foi elle-même repose sur les témoignages qui établissent la divinité du Sauveur.
La grande mission de Jésus est de manifester sa divinité au monde : Ipse enarravit. Tout son enseignement, toute sa conduite, tous ses miracles aboutissent à l'établir dans l'esprit de ses auditeurs.
Voyez au tombeau de Lazare. Avant de ressusciter son ami, le Christ lève les yeux au ciel. « Ô Père, dit-il, je vous rends grâces de ce que vous m'avez toujours exaucé ; mais j'ai dit cela à cause de la foule qui m'entoure, afin qu'ils croient que c'est vous qui m'avez envoyé – Ut credant quia tu me misisti. »
Notre-Seigneur n'insinue que peu à peu cette vérité ; mais, avec une sagesse admirable, il fait tout converger vers cette manifestation de sa filiation divine.
Au dernier jour, il n'hésite pas à confesser sa divinité devant ses juges, au péril de sa vie. Jésus est le roi des martyrs ; le premier, il a été livré et immolé pour s'être proclamé le Fils unique de Dieu.
Le Christ, vie de l'âme, pp. 161-162. Le Christ dans ses mystères, pp. 226-227.
Samedi de la 4ème semaine de Carême
Le Christ Jésus, manifestation de la lumière divine
Dieu est lumière ; il est la lumière infinie, « sans ombres ni ténèbres ».
Mais cette lumière, qui nous baigne tous de sa clarté, au lieu de manifester Dieu aux yeux de notre âme, le cache. Il en est d'elle comme du soleil ; son éclat même empêche de la contempler.
Et pourtant, cette lumière est la vie de l'âme. Dans la sainte Écriture, les idées de vie et de lumière sont fréquemment associées. Quand le psalmiste veut décrire la béatitude éternelle dont Dieu est la source, il dit : « En lui se trouve le principe de la vie, et dans sa lumière nous verrons la lumière. »
Pareillement quand Notre-Seigneur se déclare « la lumière du monde », il ajoute : « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie – Habebit lumen vitæ ». Et cette lumière de vie procède de la vie par essence qui est lumière. In ipso vita erat, et vita erat lux hominum. Notre vie dans le ciel sera de connaître, sans vole, la lumière éternelle, et de jouir de ses splendeurs.
Mais la lumière divine, trop éclatante pour se manifester à nos faibles regards dans toute sa splendeur, s'est voilée sous l'humanité. Le Christ est Dieu, se montrant à nous, dans une existence authentiquement humaine.
Pour toute âme de bonne volonté, des rayons s'échappent de cet homme, qui révèlent qu'il est également Dieu ; l'âme éclairée par la foi connaît les splendeurs qui se cachent derrière le voile de ce saint des saints. Dans l'homme mortel qu'est Jésus, la foi trouve Dieu lui-même, et, en trouvant Dieu, elle s'abreuve à la source de lumière, de salut et de vie immortelle.
Le Christ dans ses mystères, pp. 147-149.
Église Notre-Dame du Crann – Spézet