La parole de Mgr Marcel Lefebvre – Le Rocher 146

Depuis trois siècles, les papes ont condamné les mêmes erreurs

Pourquoi étudier les actes du Magistère de l’Eglise ? Tout simplement pour connaître la situation de l’Eglise aujourd’hui ! On s’aperçoit en effet que, depuis bientôt trois siècles, les papes ont toujours condamné les mêmes erreurs qu’ils ont appelées les ’’erreurs modernes”.

Le libéralisme est à la base de toutes ces ’’erreurs modernes” (protestantisme, sillonnisme, progressisme, et même socialisme et communisme) qui empoisonnent les âmes et les esprits et ont créé la situation dans laquelle nous nous trouvons. Eh bien, les papes ont pris soin depuis longtemps de désigner, de dénoncer l’erreur. Car leur rôle est de proclamer la Vérité, comme le dit le pape Pie IX dès le premier paragraphe de l’encyclique Quanta cura du 8 décembre 1864 :

“Avec quel soin et quelle vigilance pastorale les Pontifes romains Nos Prédécesseurs, ont rempli la mission à eux confiée par le Christ Seigneur Lui-même, en la personne du bienheureux Pierre, Prince des Apôtres, et ont ainsi accompli leur devoir de paître les agneaux et les brebis ! Sans jamais discontinuer, ont attentivement nourri tout le troupeau du Seigneur des paroles de la foi, ont imprégné de la doctrine du salut, écarté des pâturages empoisonnés, voilà ce que dont tout le monde est convaincu et assuré, Vous surtout, Vénérables Frères. Oui, vraiment, Nos Prédécesseurs se montrèrent les défenseurs et les vengeurs de l’auguste religion catholique, de la Vérité et de la justice : soucieux avant tout du salut des âmes, ils n’ont jamais rien eu de plus à cœur que de découvrir et de condamner par leurs très sages Lettres et Constitutions toutes les hérésies et les erreurs qui, contraires à notre foi divine, à la doctrine de l’Eglise catholique, à l’honnêteté des mœurs et au salut éternel des hommes, ont fréquemment soulevé de violentes tempêtes et lamentablement souillé l’Eglise et la Cité”.

Bien connaître ce que les papes ont enseigné et condamné est indispensable pour juger des événements extrêmement graves que nous vivons aujourd’hui.

La société sans Dieu

Nous baignons dans une ambiance qui n’est plus catholique. Ceux qui ont eu le bonheur de naître dans une famille chrétienne doivent remercier le bon Dieu ; ils ont connu là, je dirais, une petite oasis de ce que l’Eglise désire et demande aux parents chrétiens. Mais partout ailleurs, à l’école, dans les collèges, à l’université les jeunes fréquentent des gens qui ne croient pas, qui n’ont même aucune idée de la religion catholique !

La société est aujourd’hui tellement pétrie des erreurs modernes que celles-ci apparaissent comme une chose normale ; on ne se détache plus de certaines idées préconçues.

Par exemple : l’indifférentisme religieux, que les papes ont condamné. Eh bien, c’est une idée maintenant répandue même dans les milieux catholiques, que toutes les religions sont égales, qu’elles se valent toutes, que donc l’homme est libre de choisir sa religion, de pratiquer la religion qu’il veut. On ne va quand même pas imposer une religion aux hommes…

Eh bien, cela est une grave erreur, les hommes ne sont pas libres à ce sujet. Pourquoi ? Parce que le bon Dieu Lui-même a fondé une religion. Les hommes sont-ils alors libres de Lui dire : votre religion, je n’en veux pas ; moi, j’en veux une autre, celle de Mahomet, celle de Bouddha, celle de Luther… ? Comment peut-on admettre cela ? Notre Seigneur Jésus-Christ qui est Dieu, fonde l’Eglise catholique, Il lui donne le saint sacrifice de la messe, les sacrements, une hiérarchie, un sacerdoce. Et nous serions libres de dire : je n’en ai pas besoin, je vais chercher ailleurs ma religion… ?

Or l’indifférentisme est aujourd’hui passé dans les constitutions des Etats. Depuis le Concile, les Etats qui étaient encore catholiques, où donc la religion catholique était la seule reconnue officiellement, ont été invités par le Saint-Siège à mettre fin à cette situation. Voilà où conduit l’esprit du libéralisme religieux. Tel est le climat dans lequel nous vivons : un climat où règne l’erreur.

L’Eglise et l’Etat

Autre exemple : moi-même, au moment de mon entrée au Séminaire français de Rome (c’était en 1923), si l’on m’avait posé la question de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, j’aurais répondu : oui, il doit y avoir une séparation, l’Eglise et l’Etat n’ont pas la même fin ; chacun à sa place… Eh bien, il a fallu que les pères du Séminaire français me fissent découvrir les encycliques, en particulier celles de Léon XIII et de saint Pie X, pour me délivrer de cette erreur. Non, l’Eglise ne doit pas être séparée de l’Etat. Du moins en principe, car dans les faits, on est souvent obligé de tolérer une situation que l’on ne peut changer. Mais en principe, l’Eglise et l’Etat doivent être unis et travailler ensemble pour le salut des âmes. L’Etat a été créé par Dieu, il est de création divine, il ne peut donc rester indifférent en matière religieuse.

Je l’ai dit, il y a à peine quelques années, bon nombre d’Etats : l’Italie, l’Irlande (du sud), l’Espagne, des pays d’Amérique du Sud, les Etats suisses du Valais, du Tessin, de Fribourg, affirmaient dans le premier article de leur constitution leur caractère officiellement catholique. Maintenant c’est fini ; on ne veut pas subir cette pression que l’Etat en tant que catholique pourrait exercer pour diminuer l’extension de la religion protestante, ou musulmane, ou bouddhiste. Il faut que toutes les religions soient libres !

C’est de la folie ! Les autres religions ont elles-mêmes des Etats où elles sont constitutionnellement proclamées religions d’Etat et n’ont aucun désir de voir changer les constitutions. L’Angleterre a une constitution protestante. De même la Suède, la Norvège, le Danemark, les Etats de Genève, de Zurich. Et les Etats musulmans sont bien musulmans sans concessions ! La religion y fait partie intégrante de la société. Et que dire des Etats communistes – car c’est bien une religion que le communisme – on ne peut pas être membre du gouvernement si on n’est pas membre du Parti.

Alors, nous, catholiques, nous penserions qu’il faut séparer l’Eglise de l’Etat ? Quelle erreur ! Et quelles conséquences dans la société, dans la famille, dans tous les milieux !

Nous devons nous retremper dans la foi catholique, et pour cela étudier les encycliques. Que pensent les papes au sujet des grands principes ? Comment ont-ils vu et jugé le monde en leur temps ?

Nous voyons que ce qu’ils ont condamné, ce sont les mêmes erreurs, les mêmes déficiences que nous connaissons aujourd’hui. Nous pouvons alors nous appuyer sur ces déclarations officielles pour combattre ces erreurs dans notre temps et dire comment elles détruisent le plan de Dieu dans la société.

Plan de notre étude

Nous commencerons par une encyclique de saint Pie X, parce que nous plaçons notre enseignement – comme notre Fraternité – sous la protection de celui qui est le saint pape de notre époque, le seul canonisé depuis saint Pie V ! Si ce pape du début du siècle a été jugé par l’Eglise comme une lumière de son temps, nous recourons à cette lumière et nous demandons à saint Pie X qu’il nous donne la lumière dont nous avons besoin. Nous commencerons donc par la première encyclique de ce saint pape, celle qui contient les grandes lignes de son pontificat.

Ensuite, nous verrons que les papes désignent la source des erreurs modernes : les officines dans lesquelles elles ont été élaborées, les sectes secrètes, la franc-maçonnerie. Il y a de nombreuses encycliques à ce sujet. On les cache aujourd’hui, on ne veut pas en entendre parler. Or, ces documents sont lumineux et expliquent comment ces erreurs ont pu être diffusées à travers le monde, comment elles sont arrivées à changer la société. Car les francs-maçons sont parvenus à tout bouleverser non seulement par la révolution armée, mais par la révolution complète des idées ; ils ont – en diffusant les idées fausses – changé la société et ils changent maintenant l’Eglise dans une certaine mesure.

Dans toute une série de documents, dont le premier de Clément XII date de 1738, les papes Pie VII, Benoît XIV, Léon XII, Pie IX, Léon XIII ont étudié d’une manière très pertinente et très profonde ces sectes qui sont à l’origine du mal actuel.

Puis nous nous arrêterons sur les encycliques condamnant le libéralisme et aussi, par conséquent, le socialisme, le communisme, le modernisme : encycliques de Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, saint Pie X. Ces textes sont d’une importance capitale, car je ne récuse pas ce que nous demande actuellement le Saint-Siège : lire le concile Vatican II dans la lumière du magistère constant de l’Eglise. Ce magistère il est dans les documents de ces papes. Si donc il y a dans le Concile des choses qui ne sont pas en accord avec eux ou qui les contredisent, comment pourrions-nous les accepter ? Il ne peut pas y avoir de contradictions. Les papes enseignent, c’est très clair, c’est très net. Le pape Pie IX a même écrit tout un Syllabus, c’est-à-dire un catalogue de vérités auxquelles nous devons nous attacher. Saint Pie X en a fait autant dans le décret Lamentabili. Alors comment pourrions-nous accepter ces vérités enseignées par sept ou huit papes et accepter en même temps un enseignement donné par le Concile qui contredit ce qu’ont affirmé les papes d’une manière très explicite ?

Les papes n’ont pas enseigné, ou laissé enseigner des erreurs pendant deux siècles. Ce n’est pas possible. Qu’ils puissent le faire momentanément comme, malheureusement, le pape Paul VI ou aujourd’hui le pape Jean-Paul II ; qu’ils y adhèrent eux-mêmes, cela se peut. Mais nous sommes alors bien obligés de résister en nous appuyant sur le magistère constant de l’Eglise pendant des siècles.

Mgr Marcel Lefebvre

(C’est moi, l’accusé, qui devrais vous juger, commentaires des actes du magistère – Introduction)