Novembre 2023 - Mot du Supérieur

Source: District de Suisse

Chers fidèles,

« Si quelqu’un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspendît à son cou une meule de moulin, et qu’on le jetât au fond de la mer ». L’Evangile de saint Matthieu ne laisse pas l’ombre d’un doute sur la position de tout catholique sur la question des abus. Cela devrait clore le débat qui agite notre pays depuis quelques semaines, suite à la publication d’une étude de l’université de Zürich sur les abus.

Il est évident que toute personne coupable d’abus sur des enfants doit être jugée et punie, qu’elle soit dans le monde ou qu’elle soit d’Eglise. Depuis le péché originel, la nature humaine est blessée, capable du meilleur, mais aussi du pire, dans la société civile comme dans la société ecclésiastique. Mais il convient de rappeler aussi que, si les abus de la part de personnes consacrées sont terribles, condamnables et trop nombreux – un seul serait déjà de trop –, la société civile n’en est pas épargnée, loin de là. Voici ce que l’on peut lire sur le site de la RTS[1] : « Environ 350 enfants ont été victimes d’incestes en 2019 en Suisse à partir des données de la statistique policière. Ces chiffres ne révèlent toutefois que la pointe de l'iceberg, avertissent des experts. » On atteint ici en 3 ans le chiffre avancé par l’étude de Zürich pour une durée de 70 ans, et il n’est pas même question des victimes hors cadre familial !

Ceci dit, il est intéressant de lire dans la Weltwoche sous la plume d’un protestant, M. Christoph Mörgeli, des lignes très critiques sur cette étude : « Ce qui est proposé au public ici, c’est une pseudo justice déguisée en science historique sérieuse, qui ne tient aucun compte des normes juridiques et contourne nos autorités. Ce qui prévaut c’est la présomption de culpabilité. Aucune place n’est prévue pour la défense ». Il met en lumière le manque de clarté de l’étude dans la distinction entre des abus sexuels comme tels, des « dépassements de limite » et des « comportements verbaux abusifs », tout cela versé au nombre des 1002 cas.

Mais je voudrais en venir surtout aux réactions à la suite de cette étude.

Tout d’abord les médias. De manière unanime ils ont repris et amplifié certaines considérations de l’étude en pointant comme cause de ces abus le célibat des prêtres, une morale catholique trop rigide, une place différente donnée à l’homme et la femme dans la société, etc. Et la solution à ces problèmes, ils l’envisagent dans un changement radical à opérer dans l’Eglise, sa structure, sa morale sexuelle. Rien de moins qu’une révolution, qu’une destruction complète de tout ce qui est au cœur de l’Eglise : le problème est systémique. C’est l’Eglise comme telle qui est coupable !

On se serait attendu à ce que les évêques, après avoir reconnu le drame dénoncé, aient au moins le bon sens de défendre l’Eglise. Il eût suffi pour eux de signaler que ni le célibat, ni la structure de l’Eglise ne sont responsables de ces maux. Les fautes sont à imputer au personnel : les pasteurs qui ont minimisé la gravité des faits, les abuseurs qui ont été infidèles à leurs engagements. Mais ils auraient aussi dû demander des précisions sur l’enquête. Non, ils ont repris à leur compte non seulement les chiffres, mais aussi les conclusions ou suggestions de l’enquête. Il faut un changement de culture dans l’Eglise, il faut faire table rase de la morale catholique à tous les niveaux.

L’Eglise a déjà été ébranlée depuis des décennies par la dissolution de la foi au profit de la conscience personnelle qui choisit ce qui lui plaît, triste conséquence du relativisme et fruit indéniable du modernisme. Mais la morale avait plus ou moins tenu bon, même si souvent les principes étaient battus en brèche. Or ce à quoi nous assistons ces dernières semaines, c’est une remise en question de la morale catholique à tous les niveaux.

Le président de la conférence des évêques suisses, Mgr Felix Gmür tenait ces mots dans la presse : « Il faut une nouvelle morale sexuelle et la possibilité d’établir des règles au niveau régional ». Comment un évêque catholique peut-il tenir des propos pareils ? Comment est-ce possible de balayer d’un revers de main le décalogue et 2'000 ans de tradition de l’Eglise ? Si chacun peut décider ce qui est bon ou mauvais, quel sens y a-t-il à se dire catholique ?

Le célibat exigé dans l’Eglise latine est le don de soi volontaire qui a servi de tremplin à l’activité sacerdotale au cours des siècles et qui est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Mais l’évêque de Bâle n’a pas peur de dire : « Je pense que ce vœu n’est plus compris par la société d’aujourd’hui et le temps est venu d’abolir l’obligation du célibat ». Il nous vient à l’esprit ces mots de Paul VI : « Je préfère donner ma vie avant de changer la loi du célibat »[2]. Comment oser abolir cet engagement qui est mûri et réfléchi pendant des années, pour céder à ce que les ennemis de l’Eglise veulent détruire depuis si longtemps !

Mgr Gmür ne s’arrête pas là. Pour lui, le sacerdoce des femmes est une solution et il s’en fait le héraut. C’est pourtant un dogme de foi qui a encore été défini et rappelé par le pape Jean-Paul II : « Afin qu'il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l'Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères que l'Église n'a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l'Église ». C’est bien clair et jamais une femme ne pourra devenir prêtre, même si une telle ordination avait lieu. Son rôle, éminent, capital pour la société, est ailleurs. Et si pour Mgr Gmür « la subordination des femmes dans l’Eglise catholique est incompréhensible », c’est qu’il ne sait plus ce qu’est l’Eglise et qu’il la confond avec une organisation quelconque qui rêve d’égalitarisme mais n’a plus rien de catholique ni même d’humain !

Finalement, ce qui manque surtout et avant tout dans ces réactions, c’est une perspective surnaturelle. La morale catholique est une morale de vertus. Elle est exigeante, mais seule capable de donner la véritable paix de l’âme et de faire vivre de l’union à Dieu. Le rôle de l’Eglise est de faire accéder les âmes à la grâce pour les conduire au ciel. Et notre chère Fraternité, comme œuvre d’Eglise tient évidemment à s’inscrire dans cette ligne. Comment ne pas voir alors, profitant du douloureux et véritable problème des abus, une volonté d’attaquer l’Eglise, de détourner les âmes du prêtre et des sacrements, de réduire l’Eglise catholique à une simple organisation comme un autre.

Chers fidèles, prions pour rester fermes dans cette crise terrible que nous traversons. Prions pour les victimes de ces abus afin qu’elles puissent panser leurs blessures et que justice leur soit rendue. Mais prions surtout pour que l’Eglise soit fidèle à sa mission d’annoncer l’Evangile et pour que les hommes d’Eglise reprennent l’unique but de leur action : conduire les âmes à Dieu !


[1] https://www.rts.ch/info/suisse/11932459-au-moins-350-enfants-sont-victi…

[2] https://www.cath.ch/newsf/celibat-des-pretres-paul-vi-et-francois-meme-…

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