Skanderbeg (1405-1468)
Dans notre époque de relativisme religieux, où l’on ouvre les portes du monde chrétien à la plus conquérante de toutes les fausses religions, l’islam, bien peu, même parmi les chrétiens, connaissent l’épopée chevaleresque de Georges Kastrioti (1405-1468), surnommé Skanderbeg, en tant que défenseur de la chrétienté.
Georges Kastrioti, surnommé Skanderbeg[1], est sans aucun doute l’un des plus grands généraux de l’histoire. Il est encore aujourd’hui reconnu par tous les Albanais comme le héros national. Sa renommée s’étend bien au-delà des frontières de sa nation : on trouve sa statue à Rome mais aussi à Genève et à Londres, sans parler bien sûr de Tirana[2]. Hélas bien peu, même parmi les chrétiens de Tradition, connaissent son épopée chevaleresque en tant que défenseur de la chrétienté. Dans nos temps troublés, nous constatons avec tristesse que le relativisme religieux ouvre les portes du monde chrétien à la plus conquérante de toutes les fausses religions : l’islam. L’un des moyens de garder notre courage et notre espérance n’est-il pas de rappeler la geste héroïque de ces hommes suscités au cours des siècles par Dieu pour briser l’élan des hordes armées qui menaçaient de submerger la chrétienté ? Parmi ces géants de la foi, il faut citer Skanderbeg. Nous fêtons d’ailleurs cette année le 550e anniversaire de sa mort et le troisième centenaire de l’opéra que Vivaldi lui a consacré. Quelle belle occasion pour le faire découvrir à nos lecteurs !
Le contexte familial et politique
Georges (en albanais : Gjergj) Kastrioti naît en 1405. Son père, Jean (Gjon) est le seigneur de Krujë et de la moyenne Albanie (appelée aussi alors l’Epire) qui s’étend de Tirana à Prizren. Il a épousé Woïsava, une princesse macédonienne, qui lui a donné neuf enfants : cinq filles et quatre garçons ; Georges est le dernier. Les temps sont particulièrement durs. L’Empire turc, fondé en 1301 par Osman Ier, (portrait ci-contre) monte en puissance et s’élance à l’assaut d’un Empire romain d’Orient déjà réduit à une peau de chagrin.
En 1361, Andrinople[3] tombe aux mains des Turcs qui en font leur capitale. Les Byzantins sont encerclés dans leur dernier bastion : la prestigieuse cité de Constantinople qui tiendra encore près d’un siècle. Quant aux divers peuples des Balkans, ils sont sans cesse aux prises avec l’agressivité islamique. L’Empire bulgare disparaît. L’Empire serbe est en mode survie. Victorieux dans la plaine de Kosovo en 1389, les Ottomans écrasent en 1396, à Nicopolis, une croisade de secours. Leur domination s’étend désormais du Danube à l’Euphrate. Bravement, Jean Kastrioti résiste dans sa citadelle jusqu’en 1415.
Mais, bientôt, face aux énormes forces du sultan Mourad II, il est obligé de se soumettre, comme les autres princes de la région. Le cœur broyé, il doit[4] livrer au sultan, comme otages, ses quatre fils dont trois disparaîtront assez vite. Le jeune Georges, contraint de passer à l’islam, reçoit une éducation militaire et devient rapidement un excellent guerrier. Il impressionne à tel point les Turcs qu’on lui donne, en souvenir du conquérant macédonien, le surnom d’Iskander-beg (en turc : prince Alexandre). Pendant plus de vingt ans, il participe efficacement à la gloire des armes ottomanes. Mourad lui confère en 1437 le titre de subash (gouverneur) puis de sandjak-bey, ce qui lui permet de « distribuer des timars (fiefs militaires) à de nombreux Albanais, développant sa clientèle » [5].
Une formidable épopée de 20 ans
Entre temps, le vent souffle en faveur des chrétiens dans la péninsule balkanique. Envoyé par Dieu, un grand capitaine hongrois, le « chevalier blanc » Jean Hunyade [6], à la tête d’une coalition polono-hongroise, remporte trois grandes victoires sur l’armée de Mourad II, en 1440-1442. Profitant de ce contexte favorable, Skanderbeg décide de regagner définitivement son pays natal. Il s’établit fortement dans la forteresse paternelle de Krujë, revenant publiquement à la foi de ses pères, pour la plus grande joie de ses compatriotes restés fidèles au Christ.
Et la résistance s’organise : c’est le début d’une formidable épopée de vingt ans. Tout d’abord, Georges Kastrioti est élu en 1444 commandant suprême par une assemblée de seigneurs albanais. En peu de temps, les occupants turcs sont mis en fuite. Quand Mourad apprend cela, furieux, il envoie une armée considérable pour mater cette révolution. Les Ottomans perdent vingt mille hommes. Skanderbeg est victorieux. Il s’empresse de contracter une alliance avec le jeune roi Ladislav Jagellon de Hongrie et son bras droit Hunyade. Encouragés par le cardinal-légat Cesarini qui leur amène des croisés, les preux hongrois sauvent la Transylvanie, entrent à Sofia et déjà marchent au secours de Constantinople. Hélas, le souverain serbe, qui a donné sa fille au sultan, refuse à Skanderbeg le passage à travers ses Etats. Les forces chrétiennes, privées du puissant secours albanais, trouvent sur leur chemin, à Varna [7], une armée turque trois fois supérieure en nombre. Elle a été transportée depuis l’Asie par une flotte génoise. L’éclat de l’or a éclipsé, momentanément, la lumière de la foi. Au cours de la bataille, l’héroïque roi de vingt ans Ladislav tente le tout pour le tout : il s’élance dans la mêlée pour attaquer le sultan en personne. Il va l’atteindre… quand son cheval s’écroule. Le roi tombe sous le cimeterre d’un janissaire. Hunyade, par un suffrage unanime, devient pour douze ans l’infatigable régent de la Hongrie.
Quant à Skanderbeg, il triomphe de plusieurs armées turques envoyées par Mourad qui essaie de profiter d’un différend, heureusement momentané, entre l’Albanie et la Sérénissime République de Venise. Irrité par les défaites successives de ses meilleurs généraux, Mourad décide de marcher en personne sur l’Albanie. Il réunit une immense armée de cent cinquante mille hommes. Grâce à une trahison et au prix de pertes considérables, il réussit à conquérir la ville de Sfétigrad. Mais le « Soldat de Jésus-Christ » (comme Skanderbeg aimait à s’appeler), au moyen d’une infatigable guérilla, contraint le sultan à lever le siège de Krujë et à se replier honteusement sur Andrinople où il meurt l’année suivante. Quand l’invincible héros rentre dans sa capitale, le peuple accourt en liesse à sa rencontre, au bruit des cloches et des trompettes. Kastrioti comble de largesses tous les braves qui ont héroïquement défendu la capitale. C’est une fête pour la chrétienté tout entière. De grands princes comme le roi de Hongrie, le duc Philippe de Bourgogne[8] et surtout le roi de Naples, Alphonse le Magnanime, manifestent leur soutien enthousiaste au glorieux chef des Shqipetar, les « fils de l’Aigle »[9]. Le pape Nicolas V s’unit à ces chefs d’Etat pour envoyer à Skanderbeg des ambassadeurs avec de riches contributions pour panser les plaies de la guerre et encourager la résistance de cet avant-poste de l’Occident chrétien.
Profitant de cette accalmie, Georges se consacre sagement à l’administration intérieure de sa chère terre albanaise : justice, commerce, etc. Les églises en ruines sont réparées. Le pays tout entier cicatrise les blessures laissées par l’invasion. Pensant à l’avenir du pays, les amis de Skanderbeg lui présentent une requête qui résume les vœux de tout son cher peuple : un mariage pour assurer la postérité de ce chef bien-aimé ! L’intrépide guerrier n’y avait guère pensé. Au milieu d’une vie si trépidante et si périlleuse, il se considérait un peu comme un moine soldat, un homme totalement consacré à son œuvre de salut public. En plaisantant, il répond à ses amis : « Quoi donc, me conseilleriez-vous, après avoir brisé le joug des Turcs, de me soumettre au joug d’une femme ? » Pressé par ses amis, il consent enfin à l’idée du mariage. C’est ainsi qu’il épouse, en mai 1451, la princesse Donica, fille d’Arrianites, le plus illustre seigneur de l’Albanie méridionale. Après les fêtes du mariage, il entreprend, avec sa jeune épouse, une visite de ses domaines. « Partout ce fut une ovation touchante ; des flots de peuple se pressaient sur leurs pas, les saluant d’affectueuses bénédictions, jonchant la terre de feuillage. » [10]
Attention : le danger n’est pas loin
Le fils de Mourad, l’impétueux et cruel Mahomet II vient de monter sur le trône, inaugurant son règne par un fratricide[11]. Il envoie successivement deux armées contre l’Albanie. Elles sont vaincues. Une troisième bataille est hélas un demi-échec pour Kastrioti qui perd cinq mille de ses hommes. Les Turcs se replient néanmoins. C’est que le sultan a d’autres chats à fouetter. Il est obnubilé par un projet grandiose : le vieux rêve de la conquête de Byzance. Son père Mourad l’avait assiégée deux fois en vain. Le 6 avril 1453, Mahomet le Conquérant arrive devant la glorieuse cité avec deux cent cinquante mille soldats.
Le dernier empereur romain d’Orient, malgré une large opposition populaire, vient de proclamer officiellement l’union avec Rome, l’année précédente, dans la foulée du Concile de Florence. Hélas, il était bien tard pour obtenir une aide suffisante d’un Occident où, d’ailleurs, le pur idéal médiéval de la croisade avait pâli devant la moderne verroterie des égoïsmes nationaux. Néanmoins, avec ses Grecs et les Génois de Giustiniani, Constantin Paléologue lutte en héros, l’épée au poing, jusqu’à la mort. Le 29 mai 1453, tout est fini : Byzance devient Istamboul[12]. Dès que la nouvelle parvient en Europe, c’est l’accablement général. « Désormais, pour longtemps, la croisade contre les Turcs va être pour la papauté, sur le plan extérieur, un objectif aussi important que la réforme de l’Eglise sur le plan intérieur. […] le pape adressa à tout le monde chrétien, le 30 septembre 1453 un solennel appel à la croisade et décida d’envoyer des missionnaires la prêcher partout […]. »[13]
Trois ans plus tard, les chrétiens goûtent une belle consolation : en juillet 1456, une armée de croisés, répondant à l’appel du nouveau pape Calixte III, conduits par Jean Hunyade et enthousiasmés par saint Jean de Capistran, infligent un terrible échec au sultan devant Belgrade. De son côté, Skanderbeg continue son combat contre les troupes ottomanes, encouragé par Calixte III avec qui il correspond régulièrement. Le pape l’estime beaucoup. Il le proclame plusieurs fois le principal défenseur de la chrétienté et il lui envoie de l’argent prélevé sur la dîme de la croisade. La petite flotte pontificale combine ses opérations avec les forces albanaises, ce qui permet notamment de récupérer plusieurs îles envahies par les Turcs.
Après la mort de Calixte III, c’est Enée Piccolomini qui monte sur le siège de Pierre en août 1458, sous le nom de Pie II. A peine élu, il lance la croisade et organise à Mantoue un congrès de souverains pour traiter de cette sainte entreprise. Le pape a beaucoup d’estime pour Georges Kastrioti. Il envisage même de lui confier le commandement de la croisade. Il lui donne le titre d’Athleta Christi (Athlète du Christ).
Malheureusement, les princes sont divisés entre eux pour de basses raisons matérielles que connaît trop bien le semeur de zizanie, le Prince des ténèbres. Ne parvenant pas à fédérer les souverains d’Europe, le pape, avec une admirable audace apostolique, écrit une lettre au sultan. Il lui montre les erreurs de l’islam et en face les beautés de la foi chrétienne puis, fin psychologue, fait appel aux intérêts personnels du Grand Turc : « [après votre conversion] nous vous nommerions empereur des Grecs et de l’Orient. […] nul mortel ne vous surpasserait en gloire et en puissance. Vous auriez enfin cette autre gloire que vous deviendriez le soutien de l’Eglise romaine et qu’elle se servirait de votre bras pour abattre ses ennemis. »[14]
Le sultan ne saisit hélas pas cette belle occasion de salut et même de prospérité terrestre. Quel dommage ! On aurait pu avoir un nouveau Constantin…
Après quelques années de trêve avec le sultan, Skanderbeg appuie les Vénitiens qui sont entrés en guerre contre la Sublime Porte. Le pape lui annonce son prochain départ de Rome avec une croisade et sa décision de s’embarquer lui-même à Ancône pour se rendre en Albanie. Cette décision héroïque du Saint-Père était une ultime tentative pour secouer les princes d’Occident.
La Providence divine va se contenter de son intention : le grand pontife arrive à Ancône bien malade… et y rend sa belle âme à Dieu.
De son côté, enhardi par la lettre de Pie II, Kastrioti s’élance contre l’Empire turc. Au lac d’Ohrid, l’armée ottomane est en déroute. Le fils du pacha est fait prisonnier ainsi que le trésorier de l’armée. Episode touchant : Skanderbeg impose à ce comptable militaire de fournir aux troupes chrétiennes du poisson du lac en quantité suffisante. Sage prévoyance, car c’était un jour d’abstinence « et jamais l’armée albanaise, même en campagne, ne contrevenait aux prescriptions de l’Eglise. Joyeux de cette ressource inattendue, les soldats disent gaiement entre eux au cours du repas du soir : "Oui, oui, notre prince est bien l’apôtre de Celui qui a nourri de cinq pains et de deux poissons la multitude juive." »[15]
Le christianisme perd son épée et son bouclier
Agacé par les défaites de ses lieutenants, Mahomet II décide d’attaquer l’Albanie avec une immense armée. Pas tout à fait rassuré cependant, le sultan quitte rapidement le pays en y laissant une bonne partie de ses troupes. La capitale Krujë, assiégée, est sommée de se rendre. La réponse des défenseurs ôte toute illusion aux assaillants : « Plutôt mourir mille fois que d’être infidèle à son Dieu, à son prince, à la patrie. » Néanmoins, une petite ville tombe aux mains des Turcs. Face à un si terrible danger, Skanderbeg se rend à Rome.
Il est accueilli avec enthousiasme par les Romains comme le défenseur de la chrétienté. En termes simples, il expose au Saint-Père et aux cardinaux la gravité du péril : « En face du farouche conquérant qui veut faire de Rome une seconde Constantinople, briser la Croix, arborer le Croissant au Capitole et peupler le monde entier d’esclaves, après vingt-trois années d’une lutte incessante, me voici seul avec les débris de mes guerriers, avec mon faible Etat épuisé par tant de batailles […]. Tandis qu’il en est temps encore, venez donc à notre aide. »[16]
Ayant reçu du pape Paul II un puissant appui moral et une importante aide financière, il revient au pays des Aigles poursuivre son héroïque combat. S’étant rendu à Lezhë, ville qui appartenait à l’époque aux Vénitiens, pour discuter d’un projet de ligue militaire, il tombe mortellement malade, atteint par de fortes fièvres jointes à un état d’épuisement. On lui amène son fils encore enfant, Gjon. Il lui donne d’ultimes conseils puis le confie à la tutelle de la Sérénissime République et à la protection de ses compagnons d’armes. Tout à coup, alors qu’il serre son fils dans ses bras, un tumulte annonce que les Turcs sont tout près. Le héros voudrait encore s’élancer : « Mes armes, mon cheval ! » Il retombe épuisé. On va chercher un prêtre. Il se confesse pour la dernière fois puis reçoit avec beaucoup de piété le saint Viatique et l’extrême-onction. Il meurt dans la paix du Christ le 17 janvier 1468. Il est inhumé dans la cathédrale Saint-Nicolas de Lezhë.
L’Europe chrétienne tout entière s’unit au deuil de l’Albanie pour pleurer ce grand héros, rempart de la chrétienté. Pour la petite histoire : son cheval, dès sa mort, devient indomptable. Plus personne ne peut le monter et sa mort suit de près celle de son excellent maître. On devine cependant que tout le monde n’est pas en deuil… Mahomet II s’abandonne à des transports de joie peu compatibles avec la dignité sultanesque : « A moi maintenant l’Europe et l’Asie ! Malheur au christianisme ! Il a perdu son épée et son bouclier. »
Outre son génie militaire, Georges Kastrioti fut un homme cultivé qui pouvait s’exprimer en grec, en latin, aussi bien qu’en turc et en italien. C’était surtout un catholique exemplaire, un homme très vertueux. Dans sa jeunesse, il avait déjà en horreur les infâmes voluptés de la cour ottomane. Non seulement sa conduite fut austère, mais même ses paroles. Sachant bien que « la bouche parle de l’abondance du cœur », il réprimait tout discours impudique. Sa foi le poussait à la vraie dévotion. Matin et soir, il priait Dieu avec ferveur. « Jamais il n’entreprit d’expédition sans avoir ordonné des prières publiques ; jamais il ne combattit sans avoir d’abord imploré l’assistance de Dieu ; après la victoire, son premier soin était de bénir la main qui l’avait soutenu et d’ordonner de solennelles actions de grâces […]. »[17]
L’exemple de Skanderbeg doit encourager à résister à l’islam
Les compagnons du grand guerrier réussirent à résister encore une douzaine d’années à la formidable pression islamique. Finalement, hélas, en 1480, l’Albanie tomba aux mains des Turcs. Enhardis par cette conquête, ceux-ci opérèrent un débarquement surprise sur les côtes italiennes. La foi et la ténacité des huit cents martyrs d’Otranto les força à reprendre la mer.
Mais on peut dire, il me semble, que le combat et l’exemple de Skanderbeg et de ses compagnons ouvrit la voie à une lente reconquête chrétienne. Vingt-quatre ans après sa mort, les Rois catholiques, à l’autre bout de l’Europe, mettront un terme à la domination musulmane sur l’Espagne. En 1565, le vieux chevalier Jean Parisot de La Valette vaincra, sur son rocher de Malte, une immense flotte d’invasion. Ce sera la digne préparation de la gigantesque victoire navale de Lépante (1571), remportée par les galères du très jeune Juan d’Austria et les rosaires de la chrétienté galvanisée par saint Pie V. Brisé net sur les flots, l’assaut musulman le sera aussi sur la terre ferme grâce au capucin Marc d’Aviano et au roi polonais Jean Sobieski, sous les murs de Vienne, en 1683. Un triomphe qui se prolongera par la Reconquista balkanique où s’illustrera l’inoubliable Prince Eugène de Savoie.
Aujourd’hui, en 2018, les temps ne sont certes plus tout à fait les mêmes. Dans notre vieux monde chrétien, l’islam se trouve dans une nouvelle phase de conquête, en général pacifique (c’est assez neuf pour lui). Néanmoins, comme le dit Mgr Giuseppe Germano Bernardini, archevêque émérite de Smyrne (Turquie), « une invasion démographique incroyablement ramifiée sur tout le territoire ne cesse de s’étendre. » Cette invasion se manifeste de plusieurs manières, comme la floraison des mosquées et des minarets, « mais surtout dans la tentative de faire accepter l’idée que chrétiens et musulmans adorent le même Dieu […]. Ce relativisme religieux qui s’appuie sur l’ignorance – dont ne semblent pas être exempts tant de prélats catholiques eux-mêmes […] ouvre en fin de compte la voie pour la conquête musulmane de l’Europe. »[18]
L’œuvre de Skanderbeg doit encourager les hommes politiques à trouver des stratégies, différentes bien sûr, mais tout de même prudentes et efficaces, pour sauver la Civilisation. Par-dessus tout, il faut une réponse surnaturelle : une intense croisade de prières. Plus que jamais nécessaire. Nous savons que nous pouvons toujours compter sur Notre-Dame des Victoires.
Il faut aussi une réponse doctrinale et apologétique : clercs (jusqu’au sommet de la hiérarchie) et laïcs doivent connaître les erreurs de l’islam dans la perspective éblouissante de l’enseignement chrétien.
Avec l’énergie d’un Skanderbeg, réveillons et fortifions notre foi et celle des autres baptisés. Travaillons, avec charité missionnaire et courage, à l’évangélisation des musulmans qui arrivent sur le continent européen.
De tout cœur, nous prions pour que leurs âmes s’ouvrent à la lumière du Sauveur Jésus-Christ, Roi d’Amour. Pour la gloire de la très sainte Trinité.
abbé Laurent Biselx
paru dans Le Rocher c'est le Christ n° 112 – avril - mai 2018
Notes
[1] Son premier biographe est l’historien albanais Marin Barleti, prêtre catholique de Shkodër. Il a écrit en latin, au début du XVIe siècle, une Historia de vita et gestis Scanderbegi Epirotarum principis. Son ouvrage fut rapidement traduit dans les principales langues d’Europe, dont l’albanais.
[2] Actuelle capitale de l’Albanie.
[3] Aujourd’hui : Edirne, en Turquie d’Europe.
[4] Dans les territoires conquis, les Turcs pratiquent à grande échelle le devchirmé, un mot qui signifie la récolte, le ramassage. En l’occurrence, il s’agit d’un « prélèvement » d’enfants dans les régions conquises. Les enfants sont enlevés à leurs familles, islamisés et utilisés au service de l’administration turque. La plupart d’entre eux deviennent janissaires (turc yeniçeri : nouvelle milice) : troupe d’élite, fer de lance de la conquête turque. Entre son apparition au XIVe siècle sous Mourad Ier et sa disparition au XVIIIe siècle, le devchirmé a concerné au moins deux cent mille enfants.
[5] Thiriet Freddy, « Skanderbeg », Encyclopedia universalis [en ligne] www.universalis.fr
[6] En hongrois : Janos Hunyadi (1387-1456).
[7] Environ 300 km au nord de Constantinople, sur la Mer Noire.
[8] Philippe le Bon (1396-1467). Il avait fondé à Bruges l’Ordre de la Toison d’Or pour la défense de la chrétienté contre l’islam.
[9] Nom par lequel les Albanais aiment à se désigner.
[10] Paganel Camille, Histoire de Skanderbeg, 1ère édition 1855, réédition 2010, Editions du Trident, p. 156.
[11] Il « fonde une nouvelle ordonnance domestique : "pour les besoins du monde", chaque sultan doit tuer ses frères. » (Atlas historique, France Loisirs, 1989, p. 205)
[12] Voir : Heers Jacques, Chute et mort de Constantinople, Perrin, collection Tempus, 2007.
[13] Aubenas R. & Richard R., « L’Eglise et la Renaissance », Histoire de l’Eglise, tome 15, Bloud et Gay, 1951, p. 32.
[14] Ibid., p. 62.
[15] Paganel, op. cit., p. 279.
[16] Ibid., p. 302.
[17] Ibid., p. 326.
[18] Préface à la 1ère édition du livre de l’abbé Guy Pagès, 1235 questions à poser aux musulmans ! Interroger l’islam, Editions DMM, 2014, p. 19-22.