Lettre Circulaire aux fidèles de Suisse – Le Rocher 131 – Juin–Juillet 2021

Bien chers fidèles,

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« Que rien ne te trouble, que rien ne t’épouvante, tout passe, Dieu ne change pas, la patience obtient tout ; celui qui possède Dieu ne manque de rien : Dieu seul suffit ! » Dans cette magnifique prière et surtout dans ces derniers mots, sainte Thérèse d’Avila nous livre l’essentiel et le résumé de notre vie chrétienne : « Solo Dios basta – Dieu seul suffit ! »

Dieu seul suffit, Dieu qui est si simple ! Alors pourquoi n’avons-nous pas, nous, la même simplicité ? Pourquoi sommes-nous finalement si compliqués ? Il faut avouer que c’est une réalité que nous avons de la peine à imaginer : l’infinie simplicité de Dieu. Dieu qui est si complexe à appréhender, si difficile à connaître… est pourtant infiniment simple. La moindre division, la moindre composition en Dieu impliquerait une imperfection, Dieu est définitivement infiniment simple. Quel mystère ! Mais aussi et surtout quel idéal pour nous ! C’est le but de ces quelques mots de nous inviter à le méditer.

Pour nous y aider – et c’est l’occasion que nous donne ce mois de juin – la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus vient peut-être concrétiser d’une manière tout particulière et illustrer cet aspect central de notre sainte religion. Le choix de cet organe de notre Sauveur, son cœur humain, choix providentiel, mérite à plusieurs titres notre intérêt et notre réflexion.

Le premier point que nous pouvons aborder pour expliciter la simplicité du Bon Dieu, c’est son unité. C’est exactement ce que met en valeur la métaphore du cœur. Tous les membres si divers de notre corps reçoivent leur vie du sang que le cœur leur envoie et qui y revient sans cesse. Le cœur est un facteur d’unité indéniable entre tous les membres de notre corps. Si le cœur cesse de battre, ces membres perdent leur unité. Combien plus encore le Sacré-Cœur doit-il avoir ce rôle pour nous ! Mais je vous entends me dire : comment ?

Le Sacré-Cœur est celui « par qui tout a été fait ». Les créatures et le monde ont beau être bien complexes et différents, leur Créateur est infiniment simple. C’est lui qu’il nous faut trouver au-delà du détail de chaque créature ou de chaque cellule. Ne perdons pas de vue l’essentiel ! C’est un réel danger à éviter dans notre vie. Il nous faut conserver l’objectif de notre vie chrétienne sans nous laisser détourner par la multitude des détails : rester simples et unis à Dieu, l’Alpha et l’Omega, le principe et la fin de toute chose.

Cette tentation de s’éparpiller est certainement un des problèmes les plus sournois du monde moderne. La technique, les réseaux sociaux, les smartphones font que nous sommes partout et nulle part à la fois. Il faut de l’unité dans notre vie. Et cette unité, c’est le regard sur le Sacré-Cœur qui peut nous la rendre.

Le deuxième aspect que j’aimerais évoquer au sujet de cette unité de Dieu, et donc du Sacré-Cœur, c’est le rôle central qu’il doit occuper dans notre existence. Là encore, le cœur manifeste cette priorité, car on dit bien d’une chose capitale qu’elle est au cœur de nos préoccupations.

La question qui jaillit alors est celle-ci : la vie spirituelle, l’union à Dieu est-elle au cœur de notre vie ?  Si nous savions l’importance de prendre du temps pour Dieu, l’importance de ce cœur à cœur avec le Sacré-Cœur ! Il veut cette place centrale dans notre cœur, il veut être au cœur de toutes nos préoccupations. Nous devons donc essayer de toutes nos forces de la lui donner, malgré l’exigence que peut avoir ce magnifique programme. Vous nous l’avez démontré à l’occasion des restrictions imposées par la pandémie et il faut dire que, dans l’épreuve, cela nous a été une grande consolation. Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Il faut rendre toujours plus présent ce qui doit nous tenir le plus à cœur !

La troisième réflexion au sujet de la simplicité divine porte sur sa fécondité. Cette simplicité n’est pas stérile ou toute tournée vers elle-même. Déjà dans sa vie divine, dans sa vie trinitaire, ce mystère de la simplicité de Dieu est celui de l’unité dans la Trinité. Nous adorons un seul Dieu, mais en trois Personnes. Le Père aime le Fils et lui donne tout. Le Fils rend au Père amour pour amour. Et cet amour porte un nom. Il est Dieu. C’est le Saint-Esprit. Quelle richesse dans l’unité !

Or voilà que cette unité divine qui n’est que bonté veut se répandre : « bonum est diffusivum sui – le bien a pour vertu de se répandre. » Le Sacré-Cœur veut tout nous donner, il veut même se donner. C’est une richesse colossale de vie et de fécondité spirituelle et tout cela vient de la même source, tout vient du Sacré-Cœur.

De même, quand on aime, on ne compte pas. En effet, qui a du cœur, ne s’enferme pas et ne peut pas rester centré sur lui-même. Aussi y a-t-il une richesse débordante dans la vie spirituelle, du moment que nous la relions à Dieu. Quels que soient les différents états de vie, les différentes spiritualités, leur unique but c’est aller vers Dieu, de tendre à l’union à Dieu.

Mais reprenons notre métaphore du cœur. De même que le cœur amène aux organes le sang purifié et purifie le sang vicié, ainsi le Sacré-Cœur agit-il avec nous, afin de nous sauver. Il nous donne non seulement de souhaiter et d’espérer le salut, mais nous fournit les moyens de le réaliser de manière très concrète.

En effet, nous avons tout ce qu’il nous faut pour nous sanctifier, en particulier les sacrements. Dieu accorde son pardon et efface les péchés de tous ceux qui, le cœur contrit, s’adressent à lui par le ministère du prêtre. Le Bon Dieu fait œuvre de miséricorde, selon son étymologie : son cœur se penche sur notre misère. Et il nous donne tout ce dont nous avons besoin en retour, à commencer par les grâces qui vont revitaliser notre vie intérieure et nourrir nos âmes, en particulier par la communion, Dieu en nous et nous en lui.

Pour conclure, la réalité la plus belle à souligner lorsque nous parlons du Sacré-Cœur, c’est bien le moment où Notre-Seigneur nous l’a confié. Le Sauveur nous a donné son cœur au moment où le centurion a percé son côté d’un coup de lance, alors qu’il nous avait déjà livré sa vie. C’est comme pour nous dire que, s’il pouvait faire plus pour nous, il serait prêt à le faire. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime », nous disait-il. Mais s’il y avait une plus grande preuve de cet amour, Dieu l’aurait donnée pour nous !

La leçon de cet amour infini, c’est que la simplicité ne s’oppose pas à la générosité, bien au contraire. La simplicité est justement le meilleur terreau de la générosité. Ne nous perdons pas en conjectures, ne nous perdons pas en théories inutiles et vaines, mais, avec pureté d’intention, faisons de notre mieux pour sauver notre âme et celle de notre prochain.

Que le Sacré-Cœur nous soit un modèle de simplicité, cette simplicité d’enfants qu’il nous faut épouser et qui nous fait nous reposer et nous confier tout entiers en notre Père céleste !

Abbé Thibaud Favre