La cérémonie du transfert de la dépouille mortelle de S.Exc. Mgr Marcel Lefebvre
Bien chers fidèles,
Au moment où vous lirez ces lignes, la cérémonie du transfert de la dépouille mortelle de son Excellence Mgr Marcel Lefebvre, prévue pour le 24 septembre, aura déjà eu lieu. Du moins, nous l’espérons, car la situation sanitaire que nous connaissons nous oblige à mettre beaucoup de choses au conditionnel… Cette situation n’est ni agréable ni normale, mais elle a l’avantage de nous forcer à nous remettre totalement entre les mains de la Providence, et c’est une grande grâce de pouvoir réaliser ce saint abandon !
Evidemment que cette cérémonie avait pour but de mettre en honneur notre fondateur et de favoriser l’accès à son tombeau. Le caveau qui accueillait l’ancien archevêque de Dakar était difficile d’accès et limité : c’était déjà une raison suffisante pour justifier ce transfert. Mais je crois que l’on peut voir plus loin que cet aspect très concret ; il me semble en effet que l’on peut tirer de cette cérémonie beaucoup d’autres enseignements.
Comme en toute chose, les meilleurs enseignements doivent s’adresser à chacun de nous, trouver d’abord et avant tout un écho en nous-même. Transférer le corps d’une personne, c’est évidemment le mettre en lumière, l’exhumer en quelque manière. C’est exactement ce que nous devons profiter de faire avec le patrimoine spirituel que Mgr Lefebvre nous a légué.
Quoi de mieux à cet instant que de nous donner l’opportunité de mettre en lumière son œuvre, de mieux le connaître, de découvrir ou même de redécouvrir qui fut notre fondateur ! Voilà bientôt trente ans qu’il a été rappelé à Dieu : si nous connaissons sa personne et ses principaux « faits d’arme », avons-nous lu l’un de ses livres ? Avons-nous seulement écouté l’une de ses prises de parole ? Avons-eu le courage de lire l’excellente biographie écrite par Mgr Bernard Tissier de Mallerais ?
Comme il aimait à le dire lui-même, ce n’est pas tellement sa personne qui est importante. Il n’aimait pas d’ailleurs qu’on le désigne comme le « chef des traditionnalistes » : il se voulait simplement un évêque catholique qui défend l’Eglise. Il savait que son rang d’évêque lui donnait une certaine visibilité pour ce combat, mais cette mise en avant ne l’intéressait que pour soutenir la lutte pour la foi catholique et en aucun cas pour sa propre personne.
Encore tout récemment 1 , des médias se sont élevés contre cette phrase que Mgr Lefebvre avait tenu à faire graver sur sa pierre tombale : « Tradidi quod et acccepi », « J’ai transmis ce que j’ai reçu » 2 : ils y voyaient un sens personnel et presque égocentrique donné à la notion de Tradition. Cette magnifique phase dit au contraire tout de l’amour de l’Eglise qu’avait Mgr Lefebvre et la nécessité de transmettre le dépôt révélé tel qu’il l’avait reçu. Son sermon des ordinations de 1982 est éloquent à ce propos : « … Ne jamais abandonner l’Eglise, l’Eglise catholique et romaine, ne jamais l’abandonner, ne jamais abandonner le successeur de Pierre, parce que c’est par lui que nous sommes rattachés à Notre-Seigneur Jésus-Christ, oui, par l’évêque de Rome, successeur de Pierre. »
Alors ne manquons surtout pas de tirer profit de cette cérémonie que la Providence nous permet de vivre et aimons à relire et à écouter ses enseignements. D’ailleurs, c’est un évêque actuel qui s’adresse à nous. Actuel dans le sens où ce qu’il enseigne est vrai aujourd’hui plus que jamais, mais actuel aussi de manière concrète dans le fait que nous avons accès à une multitude d’enseignements de sa part : nombreux sont ses sermons et ses conférences qui ont pu être enregistrés voire même filmés. De plus, nous trouvons partout dans les œuvres du prélat, une clarté lumineuse sur les principes et les mystères, accompagnée d’un langage simple et à la portée de tous.
Mais on pourrait aller encore plus loin dans les leçons que cette cérémonie nous donne. Non seulement le fait du transfert doit nous être utile, mais bien plus encore le lieu de destination de cette cérémonie. Ce transfert a pour but de nous centrer sur le cœur de l’enseignement de Mgr Marcel Lefebvre : l’amour de l’Eglise et s’il fallait préciser encore plus : l’amour de la sainte Messe.
Le tombeau nouvellement aménagé se trouve à l’entrée de la crypte située sous l’église du Cœur Immaculé de Marie. On pourrait dire, avec un peu d’imagination, que c’est comme une pierre de ce grand édifice, une pierre de la maison de Dieu.
La fondation de la Fraternité, c’est de façon analogique, une pierre à l’édifice de l’Eglise que Mgr Lefebvre a voulu apporter. A la vue des difficultés qui environnaient de toute part l’Eglise et l’atmosphère délétère des années qui ont suivi le concile Vatican II, il a décidé de fonder cette congrégation pour l’Eglise : il voulait une œuvre axée sur le sacerdoce pour apporter à la sainte Eglise cette petite armée de bâtisseurs. En résumé : un abandon total à la Providence lié à une générosité sans faille pour accomplir la volonté de Dieu : voilà un bel exemple qu’il nous faut admirer et surtout imiter.
Mais ce transfert a aussi un sens et une valeur apostolique, c’est une preuve manifeste de l’amour que notre fondateur avait pour l’Eglise et un amour que nous tenons à manifester à sa suite. Un sens profond qui va à l’opposé des explications médiatiques bien trop simplistes sur ce sujet que nous avons pu lire ou entendre dans la presse suisse ces derniers jours. Geste de rupture ou culte de la personne, voilà le résumé du jugement médiatique que nous avons pu voir çà et là. Quelle erreur et quel contre-sens !
A ce propos, il est bien évident que nous espérons qu’un jour l’Eglise entamera les démarches d’un procès de canonisation. Mais ce n’est pas à nous de précéder son jugement et la démarche prévue le 24 septembre ne veut en aucun cas y suppléer. Vraiment tout à l’inverse de ce qu’affirmait une théologienne des Grisons dans son interview au site cath.ch : « Je vois dans cette réinhumation comme une alternative à la déclaration formelle d’une personne comme bienheureuse ou sainte. » (13 août 2020)
D’ailleurs, si notre souhait était de nous substituer au jugement de l’Eglise, nous n’aurions pas laissé le corps de notre fondateur dans un coin de la crypte, mais nous l’aurions mis en honneur sous le maître-autel de l’Eglise. La Fraternité tient donc à suivre les prescriptions de l’Eglise à ce sujet.
Si les médias suisses ont commenté en soulignant l’éloignement de l’Eglise et le culte de la personne, la réalité est en fait totalement inverse. Voilà une « conception incomplète et conflictuelle de la tradition » affirme la théologienne de Coire, Eva-Maria Faber : quoi de plus absurde comme reproche à celui qui a essayé de garder cette unité de la Tradition. Comme le dit si bien saint Vincent de Lérins : On reconnaît la Tradition à ce qu’elle a été crue toujours, partout et par tous. Pour de nombreuses personnes se disant catholiques, l’enseignement même d’un pape Jean-Paul II est devenu trop conservateur : la tradition n’est plus qu’un vain mot qui justifie toutes les croyances et toutes les opinions. Bien loin de ce que l’Eglise a toujours enseigné et de ce que Mgr Lefebvre a toujours cherché à défendre.
Chers fidèles de Suisse : notre pays a l’honneur d’avoir pu servir de berceau à la Fraternité et c’est sur notre terre que repose ce grand archevêque ! Soyons dignes de cet honneur en étant aussi les premiers à mettre en application l’enseignement de Mgr Lefebvre, tout spécialement son amour de la Messe et son amour de l’Eglise. Gravons en nous cet amour Dieu, mais à l’exemple de notre fondateur ne manquons pas de le répandre autour de nous, afin que nous puissions nous aussi à notre tour affirmer : Tradidi quod et accepi !
Abbé Thibaud Favre
- 1www.cath.ch du 13 août 2020.
- 21 Co. 11, 23.