Bien vivre le temps de l’Avent
Bien chers fidèles,
Une légende germanique raconte qu’un géant se reposait sous un chêne quand des nains arrivèrent pour l’attacher. Le géant riait de les voir filer de leurs doigts de minces liens pour entourer ses membres gigantesques. Mais ils filaient et filaient. Le géant n’y prenait pas garde et soudain il se trouva ligoté. Les minces fils étaient devenus une toile épaisse et sa force ne suffit pas à la déchirer. Le géant gisait sans défense.
Dans un temps comme celui de l’Avent, il faut nous demander si nos âmes ne sont pas prises dans des filets invisibles qui nous empêchent de monter vers Dieu. Nous sommes des enfants du siècle et soumis aux influences d’aujourd’hui. Nous subissons entre autres une évolution rapide et inexorable des moyens de communication. Un exemple : pour atteindre le total de 15 millions d’utilisateurs, il fallut au téléphone 74 ans, à la radio 38, à la télévision 16, à l’ordinateur 13 et à internet à peine 4 ans ! Outre l’apparition constante de nouveaux appareils sur le marché, la mobilité augmente aussi. Au début on ne pouvait se connecter à internet que devant son bureau, maintenant il existe des mobiles que l’on peut utiliser partout.
Le problème n’est pas dans les médias eux-mêmes, mais c’est notre rapport à eux qui cache des dangers. D’un côté nous arrive un énorme flux d’informations, comme le dit Peter Glaser : « L’usage d’internet ressemble à une tentative de boire de l’eau sortant d’un hydrant ». De l’autre côté, il y a le danger de la dépendance. Le téléphone portable et internet peuvent devenir une sorte de cordon ombilical virtuel qui nous relie continuellement au monde. Au stade terminal on parle d’addiction à internet.
Posons-nous la question : qu’en est-il pour moi ? Les possibilités dont je dispose sont-elles un enrichissement ou un fardeau ? Sont-elles un complément utile à la vie de tous les jours (utilisation complémentaire) ou une compensation pour des conflits non résolus ou des buts non atteints (utilisation compensatoire) ?
Nous voulons être libres, libres de tout attachement terrestre, libres pour Dieu ! (L’expérience nous apprend que la vie de prière et surtout le goût des choses spirituelles baissent lorsque l’on passe son temps à des occupations inutiles devant un écran). C’est pourquoi nous renouvelons l’action de l’Avent de l’an dernier et renonçons à une consommation superflue de médias. Concrètement, cela signifie :
Qui ? Nous tous, qui appartenons à la génération connectée : prêtres, frères et religieuses, pères et mères de famille, retraités et actifs, artisans et lettrés, jeunes gens et enfants sont invités à l’abstinence digitale. Nous le faisons ensemble, car l’union fait la force !
Quoi ? Puisque beaucoup sont obligés professionnellement de travailler en ligne, la même règle n’est pas valable pour tous. Il s’agit d’obéir à l’esprit, pas à la lettre. Le principe est : nous renonçons à tout ce qui n’est pas indispensable, films, youtube, journal télévisé, jeux sur l’ordinateur, etc. Peu importe sur quel appareil cela sera consommé. Autant de renoncement que possible, voilà notre devise.
Quand ? La résolution dure du premier dimanche de l’Avent jusqu’à la fête de Noël.
Pourquoi ? Noël arrive vite, nous ne le savons que trop. Passons un Avent calme et recueilli. Préparons le 100e anniversaire de Fatima, prions et sacrifions-nous, comme la Mère de Dieu l’a demandé il y a un siècle, et prenons activement part à la croisade demandée par notre Supérieur.
L’an dernier un prieur promit un souper à “ses” jeunes qui tiendraient cet engagement. Il demanda même un peu plus et en prolongea la durée jusqu’au 6 janvier. Il voulait empêcher que les jeunes gens compensent durant le temps de Noël tout l’effort de l’Avent. La soirée coûta cher à l’heureux prieur : dix jeunes se présentèrent ! Cet exemple montre que l’on ne demande pas trop.
Les uns vont tenir la résolution, les autres faibliront. Celui qui se dévoue avec zèle, qui n’y arrive pourtant pas tout à fait, celui-là à mon avis appartient aussi aux vainqueurs.
Si nous nous efforçons de vivre le temps de l’Avent dans cet esprit, nous n’aurons pas besoin de lire d’émouvantes histoires à Noël, nous en aurons écrit une nous-mêmes !
Abbé Pascal Schreiber
Extrait du bulletin Le Rocher c'est le Christ n° 104 – décembre 2016 - janvier 2017