Novembre 2024 - Mot du supérieur
Le mois de novembre est consacré aux âmes du purgatoire. Même si les décorations florales des tombes ne sont pas toujours des plus réussies, le spectacle de nos cimetières à la tombée de la nuit en ce début de novembre nous plonge dans une atmosphère saisissante. La flamme hésitante des petits lumignons vient nous rappeler à quel point notre vie ne tient qu’à un fil, et qu’un jour – Dieu seul sait quand – ce sera aussi notre tour !
Il nous vient à penser que c’est bien dommage que la coutume de visiter les cimetières soit limitée trop souvent aux premiers jours de novembre. Combien il est important de prier pour nos défunts et quelle utilité pour notre vie spirituelle que de méditer sur les fins dernières ! Notre vie déborde d’activités et le monde moderne nous impose un rythme tel que nous en oublierions l’essentiel. Heureusement que les indulgences à gagner pour nos défunts nous incitent, au moins en ce début de novembre, à visiter nos cimetières et à prier pour nos morts !
Il est vrai que la mort marque parfois davantage dans certaines circonstances, surtout si les disparus nous ont été proches et qu’ils sont partis « trop tôt ». Malgré ou peut-être à cause de la douleur qui nous étreint, nous avons plus de facilité à aborder la pensée de la mort et à prier pour les défunts. Mais la vie continue et quelle que soit la souffrance, il faut repartir avec courage, malgré le vide que l’on ressent.
Oui la mort est un déchirement, c’est la conséquence terrible du péché de nos premiers parents. Mais la mort, c’est aussi la porte de l’éternité ! Puissions-nous l’appeler, à l’exemple de saint François d’Assise, notre « sœur » : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la mort corporelle à qui nul homme vivant ne peut échapper. » Sans oublier bien sûr la suite de cette prière : « Malheur à ceux qui meurent en état de péché mortel ; heureux ceux qu’elle surprendra faisant ta volonté, car la seconde mort ne pourra leur nuire. »
Ces quelques réflexions mettent en relief deux aspects principaux de la mort : elle met en lumière le passé et nous fait honorer la mémoire de nos défunts, mais elle éclaire aussi l’avenir mettant en valeur les exemples de ceux qui nous ont précédés !
Permettez-moi d’illustrer mon propos avec quelques souvenirs de notre cher Monseigneur Tissier de Mallerais que le Bon Dieu a rappelé à lui il y a quelques semaines. Bien évidemment, le sentiment qui domine dans nos cœurs est la tristesse de la perte d’un évêque à l’énergie débordante malgré le poids des ans qui se faisait sentir. C’était une personne timide et réservée, mais d’une générosité magnanime et d’une charité exquise. Un grand homme qui aurait certainement voulu disparaître sur la pointe des pieds… Qu’il nous pardonne de le mettre quelques instants en lumière, car c’est pour une bonne cause… un argument qui parvenait toujours à le convaincre !
Cette bonne cause, c’est le rappel de la prière que nous devons faire monter à Dieu pour les âmes qui ont quitté cette terre. La grande majorité des chrétiens doit se purifier aux feux du purgatoire pour atteindre à la vision béatifique, au bonheur éternel. Quelle belle pensée alors que celle insérée par Monseigneur dans son testament, avec son style reconnaissable entre mille : « Je désire demander à mes confrères prêtres la charité de dire chacun une messe pour le repos de mon âme et ne point ni eux, ni nos Frères, ni nos Oblates, ni les Sœurs de la Fraternité, ni bien sûr nos séminaristes, m'oublier dans leurs prières. »
En plus de cette charité essentielle de la prière, il y a le devoir de mémoire envers nos défunts et en particulier envers Mgr Tissier de Mallerais qui en a été un ardent défenseur : nous souvenir de ceux qui nous ont précédés dans la foi. Cette piété filiale, il l’a manifestée par sa magnifique biographie de notre fondateur, Mgr Lefebvre, mais aussi par ses conférences sur l’histoire de notre Fraternité et de ses premières années. Et il s’agit là non pas d’un souvenir de nostalgique, prisonnier du passé, mais d’un souvenir vivant, à réaliser et faire vivre au quotidien.
On nous donne souvent le nom de Tradition : au-delà des aspects théologiques et liturgiques de cette dénomination, il doit y avoir la profonde conviction que nous sommes des nains sur les épaules de géants. C’était celle de Mgr Tissier de Mallerais. Puissions-nous chercher à l’imiter sur ce point !
Le second aspect que l’on ne doit pas oublier en parlant de nos défunts, c’est l’avenir qui se profile à nos yeux. La mort, c’est le début de la vie éternelle, le commencement de la vraie vie, si l’on peut se permettre de le résumer ainsi. La conséquence, c’est que notre pèlerinage sur cette terre ne doit pas être son propre objectif, mais le moyen de sauver notre propre âme et le plus d’âmes possible.
Pour reprendre l’exemple de notre cher Monseigneur Tissier de Mallerais, c’était vraiment impressionnant de voir comment une personne pouvait réussir à surpasser sa nature et ses craintes pour réaliser la mission que le Bon Dieu attendait de lui. Utilisant ses nombreuses qualités et surpassant ses craintes, il a tout donné pour remplir pleinement son rôle d’évêque auxiliaire de la Fraternité. Que ce soit par les conférences qu’il faisait aux quatre coins du monde, tant devant un auditoire d’enfants, comme durant les camps d’été qu’il aimait à visiter, ou devant le public exigeant des conférences spirituelles du séminaire, ou encore les homélies devant la grande foule des jours d’ordination. Il donnait tout son cœur pour présenter le sujet et captait de façon impressionnante son auditoire.
Son état de santé était une autre aventure… Avec la fatigue des voyages, ses problèmes d’estomac soumis à rude épreuve par son rythme de vie et tout l’attirail médical censé y remédier, on se demandait bien comment il allait enchaîner les cérémonies. Et pourtant, revigoré par un bon Coca-cola, il repartait de l’avant, avec quel courage et quelle abnégation !
Nous devons prendre exemple du meilleur de nos défunts et nous en inspirer. Il ne faut évidemment pas tout idéaliser, car tout être humain est faillible et pécheur, mais il faut accomplir ce devoir de mémoire et nous nourrir de ces exemples bien concrets.
A l’heure du smartphone et du tout informatisé, même si ce n’est pas notre nature, nous sommes devenus des grands timides ou plutôt des timorés de l’apostolat. N’ayons pas peur et soyons remplis de cette sainte audace du Christ pour les âmes. Il faut certes le faire avec prudence et avec charité, mais sachons dépasser notre zone de confort, comme on aime à le dire aujourd’hui, pour tout donner pour les âmes. Que les âmes de nos défunts reposent en paix et cette paix, comme disait la devise épiscopale de Mgr Tissier de Mallerais, c’est « Pax Christi Regis – la Paix du Christ-Roi » régnant sur les cœurs et sur les sociétés, ne l’oublions pas !
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