Février 2025 - Mot du supérieur

« Seigneur, donnez-nous beaucoup de saintes familles catholiques ». Dans le district de Suisse, depuis bientôt une vingtaine d’années, nous avons ajouté cette invocation à la petite litanie que nous faisons pour supplier du ciel des prêtres et des vocations religieuses. Cela me fournit l’occasion d’encourager cordialement les familles à rajouter à leur chapelet ces quelques demandes pour que le bon Dieu nous envoie des ouvriers à sa vigne et qu’il nous donne de nombreuses familles catholiques !
Cette prière pour obtenir de bonnes familles est belle et bien importante. On insiste souvent sur les vocations et vous le savez bien, puisque vous suivez avec générosité notre croisade de prière. Mais cette demande serait pratiquement vaine si l’on n’avait pas ce qui la conditionne, à savoir de bonnes et saintes familles catholiques. Sans foyers, pas d’enfants et encore moins de vocations ! Il nous faut donc surtout de bonnes et saintes familles catholiques pour perpétuer la civilisation chrétienne et pour assurer à l’Eglise sa continuité.
L’importance de la famille catholique était peut-être une évidence par le passé, mais elle ne l’est plus du tout aujourd’hui ! Les vraies familles catholiques sont devenues bien rares… Autour de nous, les couples ne s’engagent pas souvent dans les liens du mariage et, conséquence logique, ces liens se font… mais surtout se défont. L’amour est devenu un bien de consommation comme un autre et l’affection n’est plus qu’une passion égoïste où l’on s’autosatisfait, à deux.
Pourtant, fonder un foyer est une étape capitale : c’est vraiment bâtir une cité, une forteresse qui va protéger et développer un amour véritable entre un homme et une femme, et si Dieu le veut leurs enfants. C’est ce que les époux chrétiens se donnent pour idéal et il est beau de voir tout le sérieux avec lequel se préparent les futurs dont nous nous occupons. Mais il faut aussi être réaliste, la crise des couples atteint également nos foyers et nos familles. Quelle douleur de constater que les séparations se multiplient, même dans nos milieux ! Certes, le monde actuel est difficile et l’histoire de chaque couple est unique. L’un des époux peut se retrouver abandonné par l’autre, victime et dévasté par une situation qu’il avait tout fait pour éviter. Mais quel drame !
En fait, si je me permets d’aborder ce sujet, c’est qu’il me semble devoir agir en amont. Les accidents et les épreuves font partir de la vie, mais il est important de savoir comment les surmonter à deux, et même les prévenir plutôt que les subir !
Un point que l’on oublie parfois de rappeler, c’est que contrairement aux autres sacrements, le mariage a été élevé d’un simple contrat au rang de réalité sacrée. Les autres sacrements n’avaient pas vraiment leur équivalent dans l’Ancien Testament sinon en figures. Ce n’est pas le cas du mariage qui est présent dès le début de l’humanité et qui a été élevé au niveau surnaturel par Notre-Seigneur. Cette distinction se voit aussi par le fait que les époux en sont les ministres, le prêtre n’est que le témoin privilégié et autorisé par l’Eglise pour valider et bénir cette union.
En fait, ce sont ces deux aspects – le naturel et le surnaturel – qu’il importe de considérer, pour ne pas dénaturer la belle et grande réalité du mariage, et surtout pour bien en vivre.
Le mariage appartient donc d’abord à l’ordre naturel, même si Adam et Eve furent créés dans l’état de grâce. C’est l’enseignement du livre de la Genèse : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui donnerai une compagne semblable à lui ». Notre-Seigneur précisera plus tard : « Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ! »
Quelle est la leçon à en tirer ? Tout d’abord, bien sûr que, depuis le Christ, le « oui » que se donnent les époux est pour la vie. Leur mariage est indissoluble, il les unit jusqu’à la mort. C’est un sacrement, « grand dans le Christ et dans l’Eglise ». Mais il ne dispense en aucun cas les époux de s’engager généreusement à faire grandir la vie de couple. Au contraire, fondés sur ce roc, ils doivent mettre en place, à deux, tout ce qui fera grandir leur amour mutuel, celui de leurs enfants, fruits de cette union.
Cette volonté mutuelle est vraiment admirable. Elle se forge au long des années et si elle ne demande pas de grands efforts dans les débuts, elle peut s’étioler au fil du temps, et l’habitude, les mille choses à faire peuvent vite favoriser une sorte de vie en parallèle. Il faut que les époux soignent l’union des cœurs ! Ce sont toutes ces attentions, souvent bien simples, que l’on apporte au quotidien à son conjoint, des gestes d’affection, de reconnaissance ou de pardon : c’est si précieux ! En fait, ces gestes devraient être naturels… mais notre nature blessée a besoin de la grâce. Et c’est pourquoi la conjonction du naturel et du surnaturel est si importante dans une vie de famille. Il ne faut jamais oublier que l’action du sacrement de mariage perdure, et à chaque période de la vie d’un foyer, Dieu donne aux époux les grâces dont ils ont besoin.
Admirons l’Evangile ! Combien de fois Notre-Seigneur n’a-t-il pas guéri des malades ! Mais, une fois les corps guéris, il a toujours profité de les élever vers la foi et vers une vie nouvelle. C’est l’exemple même de la véritable charité chrétienne. Et c’est de cette charité dont doivent vivre les époux puisqu’ils doivent s’aimer comme le Christ a aimé l’Eglise, rien que cela !
Ce sera le seul remède au réflexe trop naturel de se replier sur soi. Il faut apprendre à donner, à se donner. Il faut que l’union des époux soit de charité surnaturelle, que le foyer ait une bonne vie de prière, sans pour autant devenir un couvent ! Et cet amour transformera les crises et les difficultés de la vie en autant d’occasions de grandir. Mieux, les époux n’hésiteront pas à se sacrifier, à rogner sur leurs aises personnelles pour témoigner de leur amour et cet amour est un trésor, dont il faut être conscient et qu’il faut reconquérir jour après jour.
Cela demande une vigilance qu’il faut soigner. Une excellente occasion d’en prendre conscience est la retraite de couples. Elle existe déjà depuis des années à Enney. Elle a pour but de renouveler la grâce du mariage, de mettre en lumière la grandeur du sacrement. Elle est excellente pour faire le point sur la vie du couple et repartir avec joie dans la vie, avec une conscience accrue de l’importance de ne négliger ni le naturel, ni le surnaturel !
Que le bon Dieu nous donne beaucoup de saintes familles catholiques et surtout qu’il donne la persévérance et la fidélité aux courageuses familles catholiques d’aujourd’hui !
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