Abbé Pascal Schreiber : Covid-19 : avons-nous tiré les leçons de l'épidémie ?
La Covid-19 a bouleversé nos habitudes… Jetons un regard en arrière et examinons notre conscience pour voir si nous avons tiré profit de cette épreuve pour notre âme.
Heureusement de nombreux fidèles ont grandi pendant la crise. Ils ont utilisé ce temps pour approfondir leur foi, intensifier leur vie de prière ; une centenaire me disait qu’elle avait (re)découvert le trésor de la communion spirituelle et tâchait maintenant de la renouveler plusieurs fois par jour. Des familles suivent les retransmissions en direct de notre église de Wil et prient maintenant le chapelet à heure fixe, ce qui crée une régularité encore jamais obtenue dans la vie de famille. Chez d’autres s’élève un plus grand désir de la messe et des sacrements, alors qu’avant, on percevait plutôt une certaine indifférence. Un retraité m’avoua ouvertement : « Avant, je travaillais beaucoup et priais peu. Maintenant je prie beaucoup et travaille peu. » Mais d’autre part, j’ai observé un point faible.
Ne le prenez pas mal, s’il vous plaît, si je vous parle ouvertement : afin d’éclairer cette situation complètement incertaine, de nombreux fidèles ont cherché à découvrir la vérité en prenant conseil sur internet auprès d’experts vrais et faux, de façon exagérée ; ou en consultant des ’’spécialistes’’, le plus souvent dans le seul but de corroborer leur propre idée préconçue sur la maladie et les arrière-plans sociopolitiques. Que de temps et d’énergie ont été ainsi gaspillés ?!
Si nous avons pu croître dans la grâce et la vertu pendant la crise, nous voulons en remercier le bon Dieu. Nous avons surmonté l’épreuve. Si nous avons des manquements à nous reprocher concernant internet, il faut alors très vite mortifier davantage notre curiosité et notre goût du sensationnel. Le seul fait de savoir où se trouve pour nous la pente savonneuse, et comment nous pouvons l’éviter, nous prépare pour les prochains combats et épreuves, qui ne vont pas manquer à l’avenir.
Perspective
Permettez-moi de vous donner quatre conseils afin de gérer de façon saine, équilibrée l’immense flux actuel d’informations et de mener une vie qui plaise à Dieu :
1. Gardez la paix !
La paix véritable vient de Dieu et mène à Dieu. Quand on vit en paix avec Dieu, que l’on a la grâce sanctifiante et une conscience pure, on est aussi en paix avec soi-même. L’union à Dieu et la paix du cœur rejaillissent automatiquement sur l’entourage.
Le franciscain Juan de Bonilla, qui vivait au XVIe siècle, donne le conseil suivant : « Prenez soin que votre cœur ne se laisse jamais désorienter, troubler ou irriter, et ne vous occupez pas de choses qui pourraient causer du trouble. Efforcez-vous plutôt de garder toujours le cœur dans la tranquillité car le Seigneur a dit : “Heureux les artisans de paix”. »
2. Informez-vous autant que nécessaire, mais aussi peu que possible !
Notre temps est précieux. Nous devrons un jour rendre compte de son usage raisonnable. Cela vaut aussi pour l’utilisation de nos forces : avons-nous le droit de gaspiller nos forces et notre énergie en des choses qui n’en valent pas la peine ? On nous demandera aussi compte de cela un jour.
D’un autre côté nous ne pouvons pas non plus simplement suivre la politique de l’autruche et nous cacher la tête dans le sable. Parfois il faut acquérir certaines connaissances et nous informer afin de pouvoir mieux remplir nos devoirs d’état. Ne nous laissons pas conduire par la curiosité mais cherchons les informations nécessaires de façon ciblée.
3. Évaluez le contenu d’internet avec au moins le même esprit critique que vous exercez face aux médias officiels.
Un scepticisme salutaire face à l’opinion publique et au paysage médiatique national et international est justifié, et même indispensable. Ce sain scepticisme est d’autant plus nécessaire face aux nombreuses publications d’internet. Celui qui écrit ou parle sur internet n’est pas forcément là pour ’’protéger et servir’’. Les ’’experts’’ d’internet ne sont que très rarement des catholiques pratiquants qui sanctifient le dimanche, font chaque matin une demi-heure de contemplation et vont à la messe le premier vendredi du mois. Celui qui défend sur le net une opinion contraire à celle du mainstream n’est pour autant pas immanquablement conduit par des motifs honnêtes ni ne déclare la vérité à coup sûr.
En réalité, l’internet n’est pas autre chose qu’une image de notre société. On y trouve les mêmes hommes, les mêmes thèmes et les mêmes opinions interchangeables. Il y a ici et là des saints (hélas pas beaucoup !) et des criminels, et toutes les catégories d’êtres humains qu’il y a entre les deux. Pour comprendre le paysage d’internet, il faut avoir une idée claire de notre société. Nous vivons dans un monde qui n’est pas chrétien. Les commandements de Dieu sont foulés au pied que ce soit dans la législation, dans la vie publique, dans la politique et dans les médias. L’homme s’est assis sur le trône de Dieu. Il est autonome ; la liberté et la volonté propre de l’homme sont la règle suprême. Cela se vérifie concrètement par quelques exemples : lorsqu’un couple ne veut pas d’enfants, il a recours à des moyens de contraception ou à l’avortement ; quand les conditions biologiques ne le permettent pas et qu’un couple ne peut pas avoir d’enfants, on peut en ’’créer’’ dans une éprouvette. Lorsque deux personnes de même sexe désirent se ’’marier’’, leur vœu est exaucé. Si un homme veut devenir une femme, cela peut se faire. Si des personnes âgées sont fatiguées de vivre, il leur est possible de quitter la vie par l’euthanasie ; par contre si des personnes (âgées) ne veulent mourir à aucun prix, on fait tout pour qu’elles survivent. La médecine actuelle prend pleinement en compte cette situation et aboutit parfois à de grandes contradictions. En février, en Valais, on a débattu au Parlement cantonal de la légalisation de l’euthanasie, deux semaines plus tard on a tout mis en œuvre et accepté de grands préjudices économiques pour sauver justement la vie de ces personnes âgées de la pandémie de corona (ce que, évidemment, j’approuve).
Une autre difficulté consiste dans le fait que nous ne rencontrons pas personnellement les gens qui écrivent ou parlent sur internet. La relation de confiance est supprimée, ce qui rend difficile l’évaluation de la crédibilité d’une personne. Il s’ensuit souvent que je tiens pour vrais des contenus qui soutiennent mes opinions et pour faux ceux qui les combattent. C’est pourquoi les informations tirées d’internet servent souvent à conforter des positions radicales.
4. Soyez réticent dans le partage de liens et supprimez ceux-ci dès qu’ils restreignent le respect des trois premiers conseils.
On reconnaît l’arbre à ses fruits. Quand dans une discussion des informations et des opinions objectives sont échangées, alors c’est un enrichissement. Quand l’échange d’informations a pour conséquence l’incertitude, la peur ou la dispute, cela ne vient pas de Dieu et ne mène pas à lui.
Que le Seigneur tout-puissant nous donne la vraie concorde et l’union des cœurs par l’intercession de sa très sainte Mère !
Abbé Pascal Schreiber