La parole de notre fondateur / Veillez et priez

Mgr Marcel Lefebvre

Veillez et priez

Deux jours avant sa passion, Notre-Seigneur nous donne ce conseil « veillez et priez » parce que vous ne savez ni le jour, ni l’heure.

Volontiers, je vous rappellerai les conseils que donnait Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, deux jours avant la Pâque.

Que disait-il à deux jours de la Pâque, au milieu de ses disciples, biduo ante Pascha ? C’est donc mardi avant Pâques. Écoutons-le afin que nous sachions quel était, en quelque sorte, son testament. Quels conseils donne-t-il ? La vigilance : vigilate, parce que vous ne savez ni le jour, ni l’heure à laquelle le Seigneur viendra pour nous chercher.

Plusieurs exemples donnés par Notre-Seigneur

Il donne des exemples. Il dit : « Voyez comment Noé a été choisi, et tous les autres hommes ont péri dans le déluge. Eh bien, quand le Fils de l’homme viendra sur les nuées du Ciel, de deux femmes qui sont en train de moudre du grain, l’une sera prise, l’autre sera laissée ; de deux hommes en train de cultiver leur champ, l’un sera pris, l’autre sera laissé ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Notre-Seigneur se choisira ses élus. Il connaît les cœurs, il sait ce qu’il y a dans les consciences, alors il se choisit ses élus selon que les hommes sont pour lui ou contre lui. C’est pourquoi Notre-Seigneur dit : « Veillez et priez ».

Il donne un autre exemple : un maître avait deux serviteurs auxquels il confie ses maisons. L’un, vigilant, attendant le retour de son maître s’occupe avec beaucoup de dévouement, beaucoup d’attention, de la maison de son maître. A son retour, le maître le loue : « Bienheureux serviteur, tu as gardé mon bien, tu partageras aussi mon bien ». L’autre au contraire, agit comme si le maître n’allait pas revenir ; il se donne à l’ébriété, à la volupté, il gaspille l’argent que son maître lui a laissé. Lorsque le maître reviendra, il le jettera là où il y a des pleurs et des grincements de dents.

Notre-Seigneur donne encore un autre exemple : celui des vierges folles et des vierges sages, que vous connaissez bien. Ces cinq vierges qui n’ont pas le souci d’entretenir leur vie spirituelle – c’est cela que veut dire « ne pas avoir d’huile dans leur lampe » – s’adonnent, elles aussi, à toutes les choses de ce temps, aux choses temporelles, elles ne pensent pas à leur bien spirituel. Alors quand vient le maître, la lampe est vide : elles se précipitent. On se précipite, peut-être chez le prêtre, pour demander l’absolution des péchés. Hélas, il est trop tard, le maître est déjà venu et il emmène avec lui les vierges sages qui avaient gardé la grâce dans leur cœur, qui avaient de l’huile dans leur lampe. Celles qui n’avaient pas la grâce sont perdues, la porte est fermée et quand elles reviennent, Notre-Seigneur leur dit : « Je ne vous connais pas ». Quelles paroles terribles : « Je ne vous connais pas ! »

Enfin Notre-Seigneur donne encore un dernier exemple : celui des talents. Le maître s’en va. Il confie des talents à ses serviteurs afin qu’ils puissent les faire fructifier pendant son absence, pendant son grand voyage. Ceux-là désignent nous, les fidèles sur la terre. Jésus est parti faire son grand voyage, il reviendra pour nous chercher. A l’un il confie cinq talents, à l’autre il en confie deux, au troisième il en confie un. Les deux premiers font fructifier leurs talents, c’est-à-dire font fructifier leur vie spirituelle, avancent dans la vertu et s’efforcent de faire fructifier la grâce en eux. Alors Notre-Seigneur revient et les loue : « Bienheureux serviteurs qui avez bien travaillé, qui m’avez bien servi, venez avec moi partager mon bonheur ». Quant à celui qui n’avait qu’un talent et l’avait enfoui, Notre-Seigneur lui reproche : « – Pourquoi n’as-tu pas fait fructifier ce talent ? – J’ai eu peur, parce que vous êtes un homme sévère qui demandez des choses que vous n’avez pas données ». Alors Notre-Seigneur le reprend et lui dit : « Puisque tu savais que je demande des choses que je n’ai pas données (parce que je veux que la grâce fructifie en toi), tu te condamnes toi-même. Pourquoi n’as-tu pas remis ton argent au banquier qui l’aurait fait fructifier, et tu m’aurais donné plus que je ne t’ai donné à toi-même ? » Saint Jérôme a une explication très curieuse du banquier. Il dit que le banquier signifie le prêtre et que les fidèles qui remettent leur argent ou leur bien, pour les faire fructifier en aumône aux prêtres, en tirent des biens spirituels.

Les retraites : la vraie vigilance

C’est une manière de comprendre cette parabole, et je profite de cette explication de saint Jérôme pour remercier tous ceux qui nous aident. (…) Alors, n’ayez pas peur d’être généreux et si vous avez des amis que vous savez pouvoir nous venir en aide, n’hésitez pas à leur dire que nous avons de grands besoins pour le bien des âmes. Oui, nous voudrions que ces talents soient transformés en biens spirituels, et je pense que c’est ce que nous faisons.

Alors, écoutons la parole de Notre-Seigneur. Veillons et prions. Parmi vous, dans quelques jours, il y en a qui partiront peut-être à Montalenghe pour une retraite. D’autres sont revenus d’une retraite qui a eu lieu au cours de la Semaine sainte. D’autres partiront peut-être à Notre-Dame du Pointet dans quelques semaines ; je les félicite de tout cœur. C’est bien là que l’on peut veiller au salut de son âme pendant quelques jours de réflexion, quelques jours de prières : penser au salut de son âme ! C’est là que se retrouve vraiment la vigilance. Alors, combien je souhaite que vous continuiez dans ces dispositions et que ceux qui n’ont pas encore eu le bonheur de faire ces retraites, en fassent pour le bien de leurs âmes ! Je pense que notre cher Père Barrielle, du haut du Ciel nous encourage, comme il m’encouragerait s’il était ici, vous le savez bien. Il nous a légué un héritage extraordinaire par ces retraites, et il faut que nous fassions fructifier cet héritage. Je suis heureux à la pensée que beaucoup de nos jeunes prêtres prêchent ces exercices qui font tant de bien aux âmes, qui ont déjà suscité tant de vocations ! Quelles bénédictions ! Que ce soit là nos pensées en ce jour de Pâques.

Et demandons à la Vierge Marie de nous donner sa foi. Certainement Notre-Seigneur lui est apparu en premier ; si dans l’Évangile, on ne parle pas de l’apparition de Notre-Seigneur après sa Résurrection à sa Mère, nous ne pouvons pas douter un instant que la première à recevoir la visite de Notre-Seigneur, fut la très sainte Vierge Marie. Elle a voulu rester dans l’ombre, dans la discrétion après la mort de Notre-Seigneur, mais sûrement celui-ci s’est montré à elle et lui a donné beaucoup de consolations. Elle avait la foi : elle n’avait pas besoin de se rendre au tombeau pour se demander si Notre-Seigneur était ressuscité ou non, elle croyait à la Résurrection de Notre-Seigneur. Demandons à la très sainte Vierge Marie de nous donner cette foi, cette foi dans le sacrifice de Notre-Seigneur. Pouvons-nous imaginer que la très sainte Vierge Marie puisse penser qu’il y a un autre nom que celui de son divin Fils, que celui de Jésus, pour le salut de nos âmes ? Demandez à la Vierge Marie, demandez-lui : « Connaissez-vous un autre nom que celui de Notre-Seigneur, que celui de votre divin Fils pour notre salut, pour le salut de nos âmes ? » Que répondra la Vierge Marie ? « Non, il n’y a pas d’autre nom ici-bas. » Elle nous dira la parole de saint Pierre après la Pentecôte : « Il n’y a pas au monde un autre nom par lequel nous avons le salut que celui de Notre Seigneur Jésus-Christ ». Demandons donc à la très sainte Vierge Marie de nous donner la grâce de cette foi.

Mgr Marcel Lefebvre

(Homélie à Ecône, Pâques, 3 avril 1983)

texte paru dans Le Rocher c’est le Christ n°99 – février – mars 2016