La parole de Mgr Marcel Lefebvre – Le Rocher 141

Le frère de la Fraternité Saint-Pie X, homme de prière et de devoir

Pour notre fondateur, il manquerait quelque chose d’essentiel à la Fraternité si nous n’avions pas nos frères, pour le soutien spirituel et l’exemple de la vie religieuse qu’ils apportent à la Fraternité.

Voici arrivée cette fête de saint Michel en laquelle nos chers confrères qui ont passé cette année de noviciat en vue de devenir frères, vont prononcer leurs vœux de religion. La Fraternité s’en réjouit et elle en rend grâces à Dieu. Elle rend grâces aussi à ceux qui vont prononcer dans quelques instants leur profession religieuse, pour le soutien spirituel et l’exemple de la vie religieuse qu’ils lui apportent. Il manquerait quelque chose d’essentiel à la Fraternité si nous n’avions pas nos chers frères.

Mes frères, nous aurions voulu que vous soyez dix fois plus nombreux, mais nous espérons que la qualité remplacera le nombre et que le bon Dieu vous donnera des grâces particulières pour être, parmi nous, l’exemple de la vie religieuse, comme vous l’avez heureusement manifesté au cours de cette année. Vous avez édifié vos confrères les séminaristes par votre esprit de piété, par votre esprit de régularité, par votre esprit de service. Et je souhaite vivement que vous continuiez, d’une manière encore plus parfaite, à être cet exemple après votre profession religieuse.

Exemple pour l’entourage

Soyez donc avant tout, mes bien chers frères, des hommes de prière, manifestant ainsi votre amour du Bon Dieu, votre attachement à Notre-Seigneur Jésus-Christ : hommes de prière par les exercices de piété qui font partie de votre règle, et aussi par un esprit d’oraison, un esprit d’union à Dieu, un esprit de contemplation. Que toute votre vie soit embaumée en quelque sorte par cet esprit de prière, par ce désir de demeurer, dans le plus profond de vos âmes, intimement unis à Dieu, unis à Notre-Seigneur. Sans la vie de prière, la vie religieuse ne peut pas se comprendre.

Soyez aussi des hommes de devoir. Si vous manifestez votre amour de Dieu particulièrement dans la prière, vous manifesterez votre amour du prochain par votre esprit de devoir. Aimez à remplir votre devoir ponctuellement, sous le regard du bon Dieu, selon les prescriptions de vos supérieurs, et ainsi vous accomplirez, vous manifesterez votre amour du prochain. C’est ainsi que vous accomplirez aussi votre tâche missionnaire, car nous devons tous être missionnaires. Nous ne pouvons pas être chrétiens ni catholiques, sans être essentiellement missionnaires.

Quelle que soit votre charge, quelle que soit votre fonction ou votre occupation, le seul fait de remplir ponctuellement votre devoir sera déjà à la fois un exemple pour ceux qui vous entourent, pour ceux qui vous fréquentent, mais aussi, si ce devoir est accompli avec esprit de sacrifice, avec un esprit d’union à Notre-Seigneur, il attirera des grâces sur la maison dans laquelle vous vous trouverez, sur votre prochain et aussi sur tous ceux qui viennent fréquenter soit le prieuré, soit le séminaire, soit les maisons où vous serez, afin de les attirer au bon Dieu. Car c’est cela la charité. La charité fraternelle est avant tout faite pour attirer les âmes à Dieu. Soyez donc des hommes de prière, et des hommes de devoir.

Les vœux de religion

C’est précisément pour être des hommes de prière et des hommes de devoir que vous allez prononcer dans quelques instants les vœux de religion qui, au premier abord, pourraient sembler un peu négatifs : obéissance, pauvreté, chasteté. Pourquoi ces vœux ? Mais précisément pour vous unir à Dieu, pour recevoir d’une manière plus abondante et plus parfaite l’Esprit-Saint, pour être remplis de cet esprit d’amour qui vous fera accomplir vos prières et votre devoir d’état dans cette charité. Vous voulez, par vos vœux, vous éloigner de tous les obstacles à une vie d’amour, à une vie remplie de l’Esprit-Saint.

On pourrait d’ailleurs substituer d’une certaine manière à ces vœux d’autres expressions. Le vœu de pauvreté peut, dans une certaine mesure, signifier aussi la docilité. La pauvreté, qui est le renoncement aux choses de ce monde, au jugement de ce monde, vous donne la sagesse, la sagesse de la prudence, la sagesse dans votre esprit, et dans votre esprit cette docilité à la vérité laissant vos esprits libres, pauvres, détachés de toute idée personnelle, de toute idée préconçue, pour être remplis de la vérité du bon Dieu, pour être remplis de la foi que l’Eglise nous enseigne. C’est une manière d’être pauvre profondément, intimement, et de recevoir ainsi la grâce du bon Dieu par son enseignement, par cette docilité de l’esprit. « Redígere omnem intelléctum in obséquium Christi » 1 , dit saint Paul ; il faut soumettre nos intelligences au service de Notre-Seigneur Jésus-Christ et à l’obéissance à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

On pourrait substituer, dans une certaine mesure aussi, à la chasteté le détachement : détachement de tous les biens de ce monde, de tous les biens matériels, de tous les biens que le monde estime. Mais vous voulez vous éloigner de ce monde pour vous attacher davantage à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Détachement de tout ce qui peut satisfaire les cœurs qui sont attachés aux choses de cette terre, aux choses terrestres, à la chair qui combat toujours contre l’esprit. Alors vous, vous êtes attachés par ce vœu de chasteté aux œuvres de l’esprit, à Dieu, aux saints anges, aux élus du ciel et à tout ce qui peut attirer nos âmes vers le bon Dieu.

Et puis à l’obéissance, se rattache aussi la disponibilité, terme qui pourrait éventuellement lui être substitué. Soyez disponibles, pratiquez l’abandon, l’abandon de vos âmes dans les mains du Bon Dieu. C’est cela en définitive l’obéissance : obéissance de votre volonté à tout ce qui plaira à Dieu de vous envoyer, de vous dire, de vous prescrire ; mettre vos âmes dans cette disponibilité habituelle qui fait que vous êtes toujours prêts à répondre oui à Dieu, à prononcer votre Fiat, comme la très sainte Vierge Marie : « Qu’il soit fait selon votre sainte volonté » 2 .

Vous maintiendrez ainsi vos âmes dans la paix, dans cette paix chrétienne, dans cette paix religieuse qui vous permettra de vivre d’une manière beaucoup plus profonde, beaucoup plus intime avec Notre-Seigneur Jésus-Christ. En effet, quel sera pour vous le soutien de cette vie spirituelle, de cette vie des vœux de religion, de cette vie de prière, de devoir, d’accomplissement du devoir ? Ce sera Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même. Nous ne pouvons rien faire dans la vie spirituelle sans Jésus-Christ ; sans Notre-Seigneur, rien de méritoire, rien de bon pour le ciel. Alors que votre vie soit vraiment une vie chrétienne, profondément chrétienne, profondément attachée à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Mais où trouverez-vous réellement au cours de vos journées, Notre-Seigneur ? Vous le trouverez particulièrement dans le sacrifice eucharistique, dans cette sainte messe quotidienne, dans cette union au sacrifice de Notre-Seigneur sur la Croix, dans cette union aux deux grandes réalités du sacrifice de la messe : le sacrifice et le sacrement. Il faut que vos âmes soient prêtes à vous sacrifier avec Notre-Seigneur Jésus-Christ et qu’elles s’unissent à Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie. C’est là que sera la source de votre vertu, la source de votre constance dans la vie religieuse, de votre fidélité à tous vos engagements : la sainte messe et l’union à Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie. La Fraternité a pour but particulier de faire renaître ce fondement de l’Eglise, ce fondement de notre vie spirituelle, ce fondement de notre sainte religion qu’est la sainte messe, le saint sacrifice de la messe, et vous y êtes associés. Vous êtes associés à la Fraternité dans cette spiritualité qui est la spiritualité de l’Eglise, tout simplement, celle que Notre-Seigneur nous a léguée en nous laissant ce qu’il avait de plus beau, de plus grand, de plus sublime : son propre sacrifice, son propre Corps, sa propre Divinité, son propre Sang. Alors vous vivrez, par le saint sacrifice de la messe, une vraie vie religieuse.

Et comme on ne va pas à Jésus sans passer par Marie, comme le dit si bien saint Grignion de Montfort, vous suivrez les conseils de ce saint marial qui nous apprend à aller à Jésus par Marie. Et puisque nous nous réunissons aujourd’hui autour de l’autel sous le patronage de saint Michel Archange, ayez comme devise dans vos âmes, dans vos cœurs, ce que signifie le nom de Michel : Michaël, « Quis ut Deus, Qui est comme Dieu ? » Vous pourriez ajouter également : « Qui est comme Jésus-Christ ? Qui est comme Jésus ? » C’est ce que pensent tous les anges du ciel, tous les élus du ciel. C’est ce que pense en particulier bien sûr la très sainte Vierge Marie. Demandons-leur de nous donner cette conviction, cette foi profonde dans la Divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin de lui être soumis entièrement et d’aller un jour partager sa gloire.

Mgr Marcel Lefebvre

(Ecône – 29 septembre 1987)

  • 12 Cor 10, 5.
  • 2Lc 1, 38.