La parole de Mgr Marcel Lefebvre – Le Rocher 133
L’Eglise a vaincu par sa foi, elle a vaincu par le signe de la croix
Le 23 septembre 1979, à Paris, lors de son jubilé sacerdotal, notre fondateur a fait allusion à une croisade, appuyée sur le saint Sacrifice de la messe. Quelques mois plus tard, à Ecône, il dit sa satisfaction de voir que cette invitation a eu un écho véritable.
Pour nous, nous devons avoir la foi. Or c’est peut-être le plus grand drame de notre temps, que dans l’Eglise, à l’intérieur de l’Eglise comme le disait déjà si bien saint Pie X dans son encyclique Pascendi lorsqu’il condamnait le modernisme – c’est-à-dire l’esprit qui anime aujourd’hui l’homme moderne – il y a aussi malheureusement des prêtres – et nous pourrions dire aujourd’hui, tout simplement des évêques, des cardinaux – qui sont pétris de modernisme et qui n’ont plus la véritable foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Désormais, ils croient aux moyens humains ! Il faut sauver l’Eglise, il faut développer l’Eglise, il faut répandre le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ par des moyens humains, par la diplomatie, par les compromis, par un œcuménisme de mauvais aloi. Voilà comment on sauvera la religion, voilà comment on sauvera l’Eglise… Eh bien, les ennemis d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux que dénonçait déjà saint Pie X. Ils n’ont pas cru vraiment en Notre-Seigneur Jésus-Christ, ils n’ont pas cru vraiment en sa résurrection.
Nous devons avoir foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ ressuscité
Notre-Seigneur Jésus-Christ est tout-puissant. Il nous a donné les promesses de la vie. Alors nous devons avoir foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ ressuscité. Et nous savons que c’est lui qui nous sauvera, que c’est par ses moyens, les moyens qu’il nous a donnés, que nous serons sauvés, et d’abord par son saint sacrifice de la messe, par sa Croix : Ave Crux, spes unica 1. Oui, saluons la Croix qui est notre unique espoir. C’est par la Croix que les Apôtres ont sauvé l’Eglise, qu’ils ont planté l’Eglise. C’est la Croix que Constantin a vu apparaître dans les cieux avec cette phrase : « In hoc signo vinces – Par ce signe tu vaincras », et c’est par le signe de la croix que Constantin a vaincu et que l’Eglise est devenue triomphante. C’est par ce signe de la croix que les armées catholiques ont vaincu les musulmans à Lépante. Le pape avait demandé qu’on mette la croix sur toutes les voiles des bateaux, partout, et que l’on prie avant de combattre, et ils ont eu la victoire ; ils ont empêché l’Europe de devenir musulmane. C’est par la croix que Jeanne d’Arc a sauvé la France, et si elle n’avait pas sauvé la France, la France serait aujourd’hui protestante sous la domination anglaise. C’est donc par la Croix que Dieu veut que les âmes se sauvent, que Dieu veut que l’erreur soit condamnée. C’est par la Croix qu’il a vaincu le démon, qu’il a vaincu le monde, qu’il a vaincu le péché.
Que devons-nous faire ?
Alors que devons-nous faire, nous ? Ne sommes-nous pas « des hommes de peu de foi » (Mt 6, 30), qui nous disons : « Nous sommes si peu nombreux qui croyons encore en Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui croyons en sa Résurrection, qui croyons en son saint sacrifice de la messe, en ses sacrements, en son catéchisme, en son Ecriture sainte, alors, que pouvons-nous faire, si peu nombreux devant cette masse d’incroyants, cette masse d’incrédules, même à l’intérieur de l’Eglise » ? Eh bien, permettez-moi de dire ma satisfaction à tous ceux qui ont répondu à ce petit mot que j’ai eu l’occasion de dire, sans même penser à ce moment-là qu’il pourrait avoir un certain écho dans les âmes et dans la réalité : ceux qui étaient présents le 23 septembre à Paris, lors de mon jubilé sacerdotal 2, ont entendu que j’ai fait allusion à une « croisade ». Eh bien, je remercie Dieu qui m’a permis de prononcer ce mot, et qui grâce à Dieu, aujourd’hui dans nos écoles, dans les groupements traditionalistes, dans nos séminaires, partout, a un écho véritable.
Dernièrement, je me trouvais à l’école Saint-Michel de Châteauroux, et ce sont les enfants eux-mêmes qui m’ont demandé : « Mais dites-nous ce que vous entendez par “croisade”, que devons-nous faire pour être des croisés aujourd’hui ? » Et puis quelques temps plus tard, je me trouvais à la réunion du M.J.C.F. 3 à Paris – réunion magnifique de tous ces jeunes qui ont encore une foi profonde et qui sont d’ailleurs une pépinière de vocations et de parents chrétiens – ils me demandaient eux aussi : « Dites-nous ce que nous devons faire pour être des croisés. Dites-nous ce que nous devons faire pour cette croisade ». Et voici que j’apprends que dernièrement ici, dans le Valais, les anciens retraitants de la Fraternité se sont unis en une association pour mettre en pratique également cette croisade. Je pense que le Bon Dieu le veut. Nous sommes dans un temps où nous devons combattre, pas seulement nous lamenter, pas seulement nous plaindre du malheur des temps, du malheur de l’Eglise, de la destruction de l’Eglise, mais nous devons combattre contre l’ennemi, contre l’ennemi traditionnel qui est Satan et qui, avec tous les scandales du monde, cherche à nous faire tomber dans le péché et à nous entraîner avec lui en enfer.
Nous devons donc combattre. Avec quels moyens ? Mais précisément avec les moyens surnaturels, les moyens de notre foi, les moyens traditionnels de toujours ! L’Eglise a vaincu par sa foi. Elle a vaincu par le signe de la croix. Et ce signe de la croix, c’est précisément notre sainte messe qui est la Croix vivante que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a laissée. Alors, avec Notre-Seigneur, nous vaincrons. Nous ne savons pas comment, ni quand, ni de quelle manière, mais si nous nous confions à Notre-Seigneur Jésus-Christ nous pouvons être sûrs d’avoir la victoire. Nous pouvons avoir quelques hésitations, quelques doutes dans nos cœurs, comme ceux qui ont vécu ces trois jours pendant lesquels Jésus était au tombeau. Aujourd’hui aussi, il nous semble que Jésus-Christ dort comme lorsqu’il était sur la barque avec les Apôtres. Alors que la tempête sévissait, Jésus-Christ dormait ; et il nous semble aussi qu’aujourd’hui Jésus-Christ dort. Où est-il ? Que fait-il ? Pourquoi ne vient-il pas à notre secours ? Jésus viendra. Jésus est tout-puissant : avec douze Apôtres il a fait la chrétienté. Que ne fera-t-il pas avec tous ces jeunes qui se donnent à nous aujourd’hui, tous ces jeunes séminaristes, ces jeunes prêtres, ces jeunes religieux, ces jeunes religieuses, ces jeunes qui ont des convictions, qui veulent fonder des foyers vraiment chrétiens ?
Nous n’avons pas le droit d’être indifférents
Il y a là un grand espoir ! Nous ne pouvons pas ne pas croire que le Saint-Esprit travaille dans les cœurs et dans les âmes. Alors soyons des croisés, aimons la Croix, suivons les bonnes traditions de tous ceux qui nous ont précédés dans le combat spirituel contre le démon, contre le péché, contre toutes les occasions de péché, contre tous les scandales.
Je souhaite vivement que ceux qui se sont associés, ici dans le Valais pour accomplir cette croisade, aient des objectifs précis et qu’ils essayent de rendre à ce pays, à cet Etat du Valais son vrai visage, le visage de la tradition, le visage qu’il avait, il y a seulement trente ou quarante ans, lorsque les vocations étaient si nombreuses que des missionnaires sont sortis de ce pays en grand nombre, et ont peuplé les couvents et les monastères. Alors il faut que ce pays redevienne ce qu’il a été.
Mais pour cela, il faut prier, il faut nous sacrifier, il faut persévérer dans le combat. Il faut également avoir le courage de faire en sorte que ceux qui ont des responsabilités dans l’Etat soient catholiques, soient de vrais catholiques car ils peuvent faire beaucoup. Ceux qui ont le pouvoir administratif, qui ont le pouvoir politique ont une énorme influence pour faire progresser l’Eglise ou au contraire pour la détruire. Nous n’avons pas le droit d’être indifférents à cela. Alors combien je souhaite qu’un jour, grâce à leur courage, nos anciens retraitants et tous ceux qui se joindront à eux, puissent refaire du Valais un Etat catholique et vraiment chrétien ; ce qu’il n’est plus, et cela malheureusement plus par la volonté des clercs que par celle des laïcs. C’est bien ce que saint Pie X prévoyait. Saint Pie X voyait le mal dans ces clercs qui sont, comme il le disait, « des révolutionnaires et des novateurs ». Ce sont ses propres mots. Et il continuait : « Les vrais amis du peuple ne sont ni novateurs ni révolutionnaires, mais traditionalistes. »4 Ce sont ses propres paroles, je n’invente rien. Alors ayons confiance. Nous devons être de ces traditionalistes, comme le demande saint Pie X. Saint Pie X est le dernier saint pape ; il a été lumineux, il a été un pape extraordinaire dans le combat qu’il a mené contre les erreurs modernes.
Demandons à saint Pie X aujourd’hui, en ce jour de la Résurrection de Notre-Seigneur, de nous donner ses grâces et le courage qu’il a eu malgré toutes les oppositions qui l’entouraient, malgré toutes les difficultés qu’il a rencontrées, d’affirmer la vérité et de compter sur Notre-Seigneur Jésus-Christ, de lutter avec les armes de la foi et non pas avec les armes humaines, les armes de la diplomatie ou d’un faux œcuménisme.
Demandons-le aussi, à la très sainte Vierge Marie, elle qui est forte comme une armée rangée en bataille. Qu’elle nous aide à être de vrais croisés et à imprimer dans notre cœur, en signe d’or, cette Croix par laquelle nous avons été sauvés.
Mgr Marcel Lefebvre
(Pâques 6 avril 1980)