La parole de Mgr Marcel Lefebvre – Le Rocher 131
L’eucharistie, mystère de foi, d’espérance et de charité
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Il ne suffit pas de garder la foi en l’Eucharistie, il ne suffit pas de dire que nous sommes attachés à la Tradition de la foi et de l’espérance en l’Eucharistie, il faut encore que nous en éprouvions et que nous en ayons en nous-mêmes tous les fruits.
Essayez seulement, mes bien chers frères, de vous rappeler les étapes de votre vie dans lesquelles vous avez ressenti cette présence de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie.
La vie chrétienne et l’Eucharistie
Ah ! Je suis sûr que le jour de votre première communion – rappelez-vous ce moment, ce moment béni de votre première communion – vous avez remercié Dieu de pouvoir recevoir son Corps et son Sang. Comme vous avez été bien préparés par vos parents, par les prêtres qui vous aimaient et qui vous ont amenés à la table sainte, avec un infini respect de vos cœurs, de vos âmes qui allaient s’approcher, qui allaient devenir le temple du Corps et du Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ !
Et depuis ce jour, que de fois il vous est arrivé de vous approcher de la sainte Eucharistie pour demander des grâces spéciales dont vous aviez besoin pour vous-même, pour vos familles, pour vos enfants, pour des malades, peut-être pour des membres de votre famille qui s’éloignaient de Notre-Seigneur Jésus-Christ !
Alors, vous avez fait une communion plus fervente et vous avez demandé à Notre Seigneur : « Sauvez ces âmes, ne les abandonnez pas. Faites cela par amour pour elles, manifestez votre miséricorde. » Et puis, sans doute, lors d’une fête ou d’un anniversaire dans votre famille, un événement qui touchait l’un de vos enfants, vous avez éprouvé aussi un sentiment d’amour et de reconnaissance à Notre-Seigneur Jésus-Christ ; et non seulement dans ces circonstances spéciales, mais tout au long de votre vie.
Imaginez une vie chrétienne sans l’Eucharistie ! Que serions-nous sans Notre-Seigneur Jésus-Christ, sans ce don extraordinaire que Dieu nous a fait ? Comme nous serions orphelins ! Comme nous nous sentirions seuls, un peu abandonnés par le Bon Dieu !
Mais avec l’Eucharistie, lorsque nous avons besoin de lui parler, de le voir, de lui dire que nous l’aimons, lorsque nous avons besoin de secours spéciaux, nous pouvons nous rendre dans nos sanctuaires, nous agenouiller devant Notre-Seigneur Jésus-Christ, peut-être seuls, seuls devant le Saint-Sacrement et dire au Bon Dieu : « Venez à mon aide. Secourez-moi, je suis dans la difficulté, dans l’épreuve. Venez à l’aide de ma famille, venez à l’aide de mes enfants. »
Et dès que vous êtes repartis, vous avez quitté l’église, réconfortés ; et vous l’avez été, j’en suis sûr, après chaque messe du dimanche. Que c’est beau la messe du dimanche ! Tous ces fidèles réunis autour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, participant à sa Passion, recevant son Corps et son Sang, repartant chez eux la paix dans l’âme, la joie dans le cœur, réconfortés et prêts à souffrir, s’il le faut, avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, à mieux supporter nos épreuves !
Que de fois il nous est arrivé comme prêtre d’assister les mourants ! Que de fois il m’est arrivé de porter la communion à des malades ! Quelle joie, pour ces âmes qui souffraient, de recevoir leur Dieu de la main du prêtre qui venait leur porter la sainte communion ! Quel réconfort ! Quelle source de courage pour eux ! Notre-Seigneur Jésus-Christ a fait, par ce sacrement, un miracle extraordinaire de son amour, et par conséquent nous aussi, nous devons lui manifester notre amour.
Mystère de foi, mystère de notre espérance, mystère de la charité
Le sacrement de l’Eucharistie est vraiment le sacrement de la charité. Jésus ne pouvait pas faire davantage pour nous. S’il est le sacrement de notre foi d’abord, le mysterium fidei, le mystère de notre foi, il est – je dirais – le test de notre foi : c’est à cela que l’on reconnaîtra les vrais catholiques, les véritables chrétiens, s’ils ont la foi profonde et réelle, efficace, en Notre-Seigneur Jésus-Christ présent dans la sainte Eucharistie. C’est là que l’on reconnaîtra la foi des chrétiens. Par conséquent, ce sacrement est vraiment le mystère de notre foi.
Il est aussi le mystère de notre espérance. C’est Notre-Seigneur lui-même qui le dit : « Si vous mangez ma chair et buvez mon sang, vous aurez la vie éternelle en vous. Si vous mangez mon corps et buvez mon sang, vous aurez cette vie éternelle et un jour je vous ressusciterai. » 1 Il sera notre résurrection. Le Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ présent dans nos pauvres corps est un gage de notre résurrection. C’est déjà la vie éternelle que nous possédons en nous. Cette vie éternelle ne nous quittera plus, même à l’heure de notre mort.
Il y aura dans nos âmes, ce germe de la résurrection de nos corps pour l’éternité parce que nous aurons communié, parce que nous aurons été unis à Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie. Notre-Seigneur lui-même le dit, et cet évangile a été choisi précisément par l’Eglise pour la messe des défunts : « Et ego resuscitabo eum in novissimo die – Et je vous ressusciterai au dernier jour. » 2
Mystère de foi, mystère de notre espérance, mystère de la charité. C’est ce que je viens de vous expliquer mais je voudrais insister encore un peu sur cette efficacité de la charité produite par le sacrement de l’Eucharistie car nous en avons besoin, même entre nous, entre nous qui croyons, qui avons la foi, qui voulons demeurer catholiques et romains jusqu’à la dernière heure de notre vie. Nous devons demeurer dans la charité. Ce sacrement est le signe, le symbole de la charité qui émane de la charité Notre-Seigneur.
L’image de l’union des fidèles
Mais pourquoi Notre-Seigneur a-t-il choisi ces éléments du pain et du vin ? Vous le savez, c’est une comparaison qui est faite souvent, mais qui a toujours besoin d’être rappelée.
Le pain est le résultat de grains moulus ensemble, écrasés et unis pour faire le farine. Il faut moudre, il faut unir ces grains de telle manière qu’ils ne fassent plus qu’une pâte en quelque sorte, et que ce ne soit plus qu’un seul pain.
L’Eucharistie, le Pain eucharistique est précisément cette image de l’union de tous les fidèles dans cette espèce de pain qui apparaît à nos yeux et qui est justement le fruit de cette union des grains de blé pour produire ce pain.
Il en est de même du vin : il faut aussi unir tous ces grains de la grappe de raisin pour produire le vin. C’est dans cette union que se fait le vin, que se produit le vin.
Notre-Seigneur a voulu choisir ces éléments précisément pour nous montrer que nous devons être unis, unis pour nous transformer aussi en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Si nous n’avons pas la charité en nous, si nous ne sommes pas unis entre nous, Notre-Seigneur Jésus-Christ ne pourra pas être efficacement en nous. Ce n’est pas possible. Notre-Seigneur Jésus-Christ ne peut pas entrer dans une âme qui n’a pas la charité.
Il nous faut manifester la charité
Par conséquent, mettons toujours nos âmes dans des sentiments de charité. Combien il est douloureux parfois de penser que des personnes qui se nourrissent de l’Eucharistie tous les jours, n’arrivent pas à être dominées entièrement par la vertu de charité ! Elles ont besoin de critiquer, de se diviser, de faire des jugements téméraires, de manifester leur antipathie à des personnes auxquelles elles devraient manifester leur sympathie.
Eh bien, prenons la résolution aujourd’hui, en cette fête du Saint-Sacrement – nous qui voulons garder la Tradition, qui voulons garder cette foi dans la sainte Eucharistie – de garder aussi le fruit de la sainte Eucharistie. Il ne suffit pas d’en garder la foi ; il ne suffit pas de dire que nous sommes attachés à la Tradition de la foi et de l’espérance en l’Eucharistie, il faut encore que nous en éprouvions et que nous en ayons en nous-mêmes tous les fruits. Ces fruits de charité qui sont si bons, qui manifestent d’une manière si évidente la présence de Notre-Seigneur Jésus-Christ en nos âmes !
Mes bien chers futurs prêtres, vous qui dans quelques jours allez être ordonnés, et vous chers séminaristes qui êtes présents : vous avez besoin de cette charité. Il faut qu’elle se manifeste en vous. (…)
Vous manifesterez votre charité par votre patience, par votre condescendance, par votre amour, par votre humilité, par votre simplicité. Vous écouterez ceux qui viendront vous voir, vous aurez le cœur rempli de miséricorde pour eux, vous aimerez confesser. Le ministère de la confession est l’une des plus belles manifestations de la charité du prêtre. Dussiez-vous rester des heures au confessionnal ! N’est-ce pas ce qu’ont fait le saint Curé d’Ars et tous les saints prêtres qui ont passé leur vie au confessionnal ? Manifestation extraordinaire de leur charité et de cette charité qui se trouve dans la sainte Eucharistie !
Vous ferez cela j’en suis sûr, mes bien chers séminaristes, car c’est cela qu’attendent de vous les fidèles qui ont espoir en Ecône. C’est cela le prêtre. Le prêtre saint est un prêtre qui est charitable avant tout, qui a le cœur largement ouvert à tous ceux qui viennent le consulter, à tous ceux qui ont besoin de trouver la consolation auprès de lui, le courage, la fermeté dans la foi. Vous serez de ces prêtres qui seront remplis de la charité de Notre-Seigneur, et vous le demanderez particulièrement à la très sainte Vierge Marie.
Mgr Marcel Lefebvre
(Ecône, Fête-Dieu 17 juin 1976)