La Parole de Mgr Marcel Lefebvre

Procession et mission de Notre-Seigneur

Le Fils est envoyé par celui qui l’engendre et le Père envoie celui auquel il communique l’Etre. La Mission de Notre-Seigneur Jésus-Christ correspond à sa génération par le Père. Ce n’est pas le Fils lui-même qui s’est envoyé, mais c’est le Père qui l’a envoyé.

Il y a deux sortes de missions pour le Fils et le Saint-Esprit. L’une visible, l’autre invisible.

Pour le Fils, la mission visible fut l’Incarnation, pour le Saint-Esprit, son apparition au baptême de Notre-Seigneur, sur le Thabor et le jour de la Pentecôte.

Pour le Fils, la mission invisible a lieu toutes les fois qu’il vient, Sagesse infinie, Lumière surnaturelle se communiquer à l’âme bien préparée, dans laquelle il habite comme dans son temple. Pour le Saint-Esprit, la mission invisible se renouvelle chaque fois qu’il vient, amour infini, charité surnaturelle, se communiquer à l’âme bien préparée dans laquelle il habite comme dans son sanctuaire.

Le but de cette double mission est d’assimiler l’âme à la Personne divine qui lui est envoyée. O homme, si tu comprenais le don de Dieu !

Dans la pensée divine, cette mission n’est pas transitoire, mais permanente. Elle l’est en effet tant que l’homme n’y met pas fin par le péché mortel. Elle n’apporte pas seulement à l’âme les lumières du Fils et les dons du Saint-Esprit, mais le Fils et le Saint-Esprit en Personnes viennent habiter en elle.

La mission du Fils correspond à sa génération par le Père

Un livre admirable intitulé De l’habitation du Saint-Esprit dans les âmes justes 1, écrit par le Père Froget, montre bien comment le Saint-Esprit réalise la sanctification des âmes des justes.

De même Les enseignements de Jésus-Christ, du Père Bonsirven dont voici un extrait : « Jésus ne parle jamais directement de son Incarnation, mais il affirme plusieurs fois qu’il a été envoyé par le Père, qu’il est venu ou sorti d’auprès de Dieu. Des textes nous dégageons les idées suivantes : Si le Fils a été envoyé par le Père, c’est qu’il était auparavant auprès de lui et qu’il est comme sorti pour venir dans le monde. » 2

De son côté saint Jean écrit : « Si Dieu était votre Père, vous m’aimeriez car c’est de Dieu que je suis sorti et que je viens ; et je ne suis pas venu de moi-même, mais c’est lui qui m’a envoyé. » 3

La Mission de Notre-Seigneur est ainsi clairement précisée et elle correspond à sa génération par le Père. Ce n’est pas le Fils lui-même qui s’est envoyé, mais c’est le Père qui l’a envoyé.

Cependant l’œuvre générale de l’Incarnation et de la Rédemption, bien qu’appropriée au Fils, est l’œuvre commune de Dieu. Donc les trois Personnes y participent. Il n’y a jamais eu d’œuvres dans lesquelles les personnes divines soient complètement indépendantes, même s’il apparaît une certaine appropriation dans telle Mission.

Rapportant les paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ, saint Jean n’a-t-il pas écrit : « Vous m’avez aimé, dit-il à ses disciples, et vous avez cru que je suis sorti de Dieu » 4, ajoutant : « Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde, maintenant je quitte le monde et je retourne au Père. » 5

L’apôtre saint Jean nous éclaire sur cette mission du Verbe

Les textes auxquels nous venons de nous référer indiquent très clairement que si le Fils a été envoyé par le Père, c’est qu’il était auparavant auprès de lui et qu’il en est comme sorti pour venir dans le monde.

C’est surtout saint Jean qui nous éclaire sur cette mission du Verbe. Il est vraiment l’évangéliste qui a le plus pénétré dans l’intime de la très Sainte Trinité. Il a bénéficié de lumières extraordinaires.

Lisons quelques extraits particulièrement significatifs :

« Ils ont reconnu véritablement que je suis sorti de Toi et ils ont cru que Tu m’as envoyé. » 6

« Moi, c’est pour cela que je suis né et que je suis venu au monde, afin de rendre témoignage à la vérité. » 7

« Pour un peu de temps encore, je suis avec vous, puis je m’en vais vers Celui qui m’a envoyé. » 8

« Celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde, vous dites qu’il blasphème parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu. » 9

Il y a trois textes, toujours de saint Jean, citant Notre-Seigneur, qui montrent qu’il n’est pas seul, mais qu’il est toujours avec son Père : « Celui qui m’a envoyé est avec moi. Il ne m’a jamais laissé seul, parce que je fais toujours son bon plaisir. » 10

Il n’y a qu’un seul Dieu, il n’y en a pas trois

C’est très clair, l’union consubstantielle des trois Personnes divines, fait qu’elles sont toujours ensemble. Elles ne peuvent pas se séparer. Il est impossible d’imaginer que le Saint-Esprit puisse se séparer du Père et du Fils, que le Fils se sépare du Père, car il n’y a qu’un seul Dieu, il n’y en a pas trois.

Et saint Jean ajoute : « Voici l’heure et nous y sommes où vous vous disperserez chacun de son côté, me laissant seul, mais je ne suis pas seul car mon Père est avec moi. » 11

Ces quelques phrases sont très suggestives. Nous devons croire et affirmer que notre bonheur dans le ciel ne sera pas autre chose que la contemplation de la Sainte Trinité, dans la mesure où nous pourrons la connaître par la lumière de gloire que Notre-Seigneur nous donnera.

Par l’épanouissement en nous de la grâce sanctifiante de Notre-Seigneur, nous participerons, dans une certaine mesure, à sa lumière de gloire qui (en quelque sorte) fera que nous pourrons pénétrer dans le sein de la très Sainte Trinité, voir et contempler cette charité infinie.

Sans doute, nous ne pourrons pas comprendre, dans le sens même de comprendre, c’est-à-dire épuiser, toute la nature de Dieu. C’est impossible. Pas même la lumière de gloire ne pourra nous faire épuiser toutes les richesses qu’il y a en Dieu, parce qu’alors nous serions Dieu.

Mais ainsi que nous l’apprend l’Ecriture, nous connaîtrons Dieu comme il se connaît lui-même. Cela ne veut pas dire que nous le connaîtrons dans la mesure où il se connaît lui-même, mais de la même manière, par cette lumière de gloire 12, mais évidemment dans une bien faible proportion.

Nous le savons aussi par saint Paul qui nous a donné comme exemple une étoile qui diffère d’une autre en lumi­nosité, en clarté : « Stella enim a stella differt in claritate » 13. Il en va de même pour les élus du ciel qui diffèrent les uns des autres dans l’abondance de cette lumière de gloire et dans la connaissance de Dieu 14.

Mgr Marcel Lefebvre

(Le Mystère de Jésus, chapitre XII)

 

  • 1Barthélémy Froget O.P., Paris, Lethielleux, 1900.
  • 2Joseph Bonsirven, S.J., Les enseignements de Jésus-Christ, Beauchesne, Paris, 1946, pp. 408-409.
  • 3Jn 8, 42.
  • 4Jn 16, 27.
  • 5Jn 16, 28.
  • 6Jn 17, 8.
  • 7Jn 18, 37.
  • 8Jn 7, 33.
  • 9Jn 10, 36.]/fn]

    Lorsque l’on réunit ainsi différents passages de l’Ecriture concernant l’origine de Notre-Seigneur, il est frappant de constater la constance avec laquelle il affirme qu’il vient du Père, qu’il est envoyé par le Père et donc qu’il vit avec le Père.

    Ces textes pourraient laisser à penser que par la mission confiée à Notre-Seigneur, le Père s’est séparé du Fils : il l’a envoyé, il s’est donc en quelque sorte séparé de lui.

    Mais il n’en est rien et nous devons rejeter cette pensée, car c’est encore par la voix de saint Jean, que Notre-Seigneur lui-même nous apporte toutes précisions : « Si je juge, mon jugement est vrai parce que je ne suis pas seul, mais moi et mon Père qui m’a envoyé. » Jn 8, 16.

  • 10Jn 8, 29.
  • 11Jn 16, 32.
  • 12Participation à la science divine.
  • 131 Co 15, 41.
  • 14Là où il y a du plus et du moins, il n’y a pas la plénitude, mais seulement une plus ou moins grande participation à la plénitude.