La Parole de Mgr Marcel Lefebvre
Ces ténèbres qui envahissent l’Eglise
Pour Mgr Marcel Lefebvre, le célibat sacerdotal et religieux est vraiment la note de sainteté de l’Eglise qui convertit les âmes. S’il est un exemple qui manifeste la sainteté de l’Eglise, c’est bien celui-là.
L’évangile de ce samedi, à la veille du premier dimanche de la Passion, me semble tout à fait convenir à la cérémonie d’aujourd’hui, cérémonie d’ordination d’exorcistes, d’acolytes et de sous-diacres. En effet, Notre-Seigneur affirme dans cet évangile qu’il est la Lumière du monde : « Ego sum lux mundi. Et celui qui me suit, ajoute-t-il, ne marchera pas dans les ténèbres. » 1 Saint Jean, dont l’évangile est illuminé de cette pensée que Dieu est Lumière et qu’en lui il n’y a pas de ténèbres, dit dans une de ses épîtres : « Et tenebræ in eo non sunt ullæ. Il n’y a pas de ténèbres en Dieu. » 2
N’est-ce pas le rôle principal de l’exorciste et de l’acolyte de chasser les ténèbres pour faire place à la lumière, la lumière de Dieu, la lumière de Notre-Seigneur Jésus-Christ, celui qui illumine tout homme venant en ce monde ? L’exorciste, en effet, a pour fonction de faire des exorcismes pour chasser les démons, chasser précisément ces ténèbres qui n’ont pas reçu la Lumière : et tenebræ eam non comprehenderunt 3. « Les ténèbres n’ont pas voulu recevoir la lumière, n’ont pas voulu se dissiper pour faire place à la lumière », dit saint Jean dans le prologue de son évangile. Ce sera donc le rôle de l’exorciste de faire place à la lumière de Notre-Seigneur, d’illuminer ces âmes qui étaient sous la domination des ténèbres, de leur rendre la lumière.
L’acolyte, lui, porte la lumière. Tout à l’heure, vous qui allez être ordonnés acolytes, vous allez toucher le chandelier avec le cierge, manifestant ainsi votre fonction particulière de montrer la lumière au monde. En vous approchant de l’autel, vous vous approchez de la lumière éternelle du Verbe de Dieu. Plus que le portier, le lecteur ou l’exorciste, vous approchez de l’autel, vous serez déjà illuminés d’une manière particulière par Notre-Seigneur en vous approchant de lui, en vous approchant de l’autel de son sacrifice. Vous portez à l’autel la matière du sacrifice et du sacrement. Quel honneur ! Vous êtes vraiment serviteurs du sacrifice de la messe, servants de l’autel. Aussi vous devez rayonner cette lumière, vous devez en montrer l’exemple – comme les exorcistes d’ailleurs – c’est ce que toutes les prières de ces magnifiques ordinations vont vous dire dans quelques instants. Vous devez être la lumière du monde, rayonner Notre-Seigneur Jésus-Christ dont vous êtes les disciples, et vous en êtes les disciples d’une manière toute particulière puisque vous vous destinez au sacerdoce. (…)
Le célibat, un rayonnement de la sainteté de Notre-Seigneur
Quant à vous qui allez être ordonnés dans quelques instants, avec la grâce du Bon Dieu, sous-diacres, vous participerez encore davantage à la lumière de Notre-Seigneur Jésus-Christ, spécialement en pratiquant le célibat à sa suite. C’est comme un rayonnement de la grandeur, de la sublimité, de la sainteté de Notre-Seigneur qui rayonne sur vous par cet attachement total de votre être à Notre-Seigneur Jésus-Christ : sans partage, voulant être à lui totalement, sans limites. Eh bien, vous manifestez précisément la grandeur, la toute-puissance, la vertu de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la sainteté de l’Eglise. Plus que jamais, les fidèles, les vrais fidèles ont aujourd’hui besoin de cette lumière, au moment où le célibat est battu en brèche par des exemples lamentables dans le monde entier, par des prêtres, par un certain laxisme de Rome accordant à des milliers et des milliers de prêtres de ne plus garder le célibat. Partout cette vertu est méprisée. Ce sont des conférences épiscopales entières qui demandent l’abandon du célibat. Dans ce but, on se promet de faire des synodes, qu’on appellera même des conciles, comme le futur concile africain 4 qui a certainement l’intention de demander l’abolition du célibat pour l’Afrique. Ce sont les ténèbres qui envahissent l’Eglise !
Alors vous devez être la lumière, vous devez propager cette lumière fermement, courageusement, sans hésitation, malgré les critiques, malgré les quolibets, malgré toutes les difficultés que cela peut représenter pour vous. Portez votre habit religieux, portez votre soutane, manifestez devant le monde que vous êtes prêtres, que vous êtes religieux, que vous êtes donnés au bon Dieu totalement, que vous pratiquez la virginité, que vous professez le célibat. Quel bel exemple ! Combien l’Eglise a besoin de cela ! L’Eglise ne serait plus l’Eglise s’il n’y avait plus de prêtres célibataires et s’il n’y avait plus de religieux et de religieuses. C’est cela qui caractérise l’Eglise, qui est vraiment la note de sainteté de l’Eglise et qui convertit les âmes.
S’il est un exemple qui manifeste la sainteté de l’Eglise, c’est bien celui-là. Et les personnes qui sont dans le mariage ont besoin de cet exemple pour demeurer elles aussi dans la Loi de Dieu. Voyant l’exemple de sacrifices et de chasteté dans l’Eglise, cela les encourage elles aussi à garder la Loi du bon Dieu dans le mariage. Mais si les prêtres abandonnent le célibat, s’ils abandonnent cet attachement total à Notre-Seigneur Jésus-Christ, alors qu’en sera-t-il des mariages chrétiens ? Soyez donc cet exemple, mes chers amis, attachez-vous à cette vertu toute spéciale que le Bon Dieu demande de vous.
Soyez stables et fermes dans votre résolution, car avec le sous-diaconat vous vous engagez définitivement. C’est une grande promesse que vous faites aujourd’hui. Tant que vous n’étiez pas sous-diacres vous n’étiez pas engagés définitivement ; devenus sous-diacres, vous l’êtes devant Dieu, devant l’Eglise, devant la chrétienté. Normalement, avant le sous-diaconat, les religieux doivent avoir fait leur profession perpétuelle, et dans une société comme la Fraternité, les membres devraient avoir fait également leur engagement définitif. Mais les circonstances sont telles aujourd’hui, qu’il nous a paru plus prudent, au moins pour la Fraternité, de ne pas exiger cet engagement définitif avant le sous-diaconat 5. Mais en esprit, mes chers amis, faites cet engagement définitif ; il faut que votre cœur se donne tout entier au Bon Dieu, qu’il n’y ait pas de limites de temps. Plus le monde est ébranlé dans sa foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ, plus le monde a de peine à suivre Notre-Seigneur et plus vous devez tenir votre résolution de vous attacher à lui, de le manifester partout.
L’Eglise a besoin de saints prêtres
Et vous aussi, mes chers amis, vous avez la grande grâce et le privilège de faire vos études, vous qui êtes religieux dans vos sociétés religieuses, et vous qui êtes ici à Ecône dans la Fraternité. Vous êtes en théologie, vous commencez à découvrir les grands mystères de Notre-Seigneur, ce que la foi nous apprend : la très sainte Trinité, l’Incarnation, la Rédemption, le salut des âmes par l’institution de l’Eglise, par l’institution du saint sacrifice de la messe et des sacrements, par la grâce du Bon Dieu, par cette incorporation au Corps mystique de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Que de grandes choses, que de belles choses qui seront votre vie, votre vie de tous les jours, que vous aurez à apprendre aux enfants et aux fidèles : cette grandeur, cette magnificence de la miséricorde du Bon Dieu, de la bonté de Dieu pour nous ! Là aussi, ne perdez pas votre temps pendant ces quelques années. Trois années de théologie, qu’est-ce que cela ? Vous-mêmes, vous vous rendez compte comme les années passent vite. Vous vous souvenez encore de votre entrée au séminaire et vous voilà déjà en quatrième année, en cinquième année… Le temps passe et bientôt vous aurez des fonctions apostoliques. Aussi demandez à Notre-Seigneur de vous éclairer, demandez-lui de vous donner cette science et cette sagesse dont vous avez besoin pour être de vrais prêtres. Car s’il est quelque chose dont l’Eglise a besoin aujourd’hui, c’est de vrais prêtres, de saints prêtres, des prêtres illuminés de la lumière de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et des religieux, des religieuses qui manifestent Notre-Seigneur Jésus-Christ dans leur exemple, dans leur attitude, dans leur extérieur.
Demandez à la Vierge Marie d’être votre lumière aussi, de vous communiquer la lumière qu’elle a reçue, elle qui est remplie de sagesse et de science de Notre-Seigneur. Le petit souvenir que m’avait remis autrefois Dom Gérard de son monastère Sainte-Madeleine, et dont il m’a remis encore un exemplaire ce matin mais un peu différent, représentait saint Benoît avec la devise : Pax in lumine. Quelle belle devise ! Il me semble que c’est la devise de la Vierge Marie : Pax in lumine. Elle est dans la paix parce qu’elle est tout entière illuminée du rayonnement de Dieu, du rayonnement de son divin Fils. Il me semble que l’image qui représente le mieux cette devise pour la très sainte Vierge Marie, c’est celle qu’elle s’est peinte elle-même. Je pense qu’on ne peut pas avoir d’image qui représente mieux la très sainte Vierge Marie que celle de Notre-Dame de Guadalupe, car Notre-Dame de Guadalupe a été réalisée par la Vierge elle-même, miraculeusement, sur l’habit d’un brave paysan. Et en effet, elle est remplie de cette lumière, remplie de cette paix. Alors il faudrait que ce soit pour vous aussi, mes chers amis, votre devise. Pax, la tranquillité de l’ordre fondé sur l’ordre divin, sur l’ordre perpétuel, sur l’ordre éternel qui ne bouge pas, qui ne change pas. Par conséquent soyez fermes dans cet ordre qui est immuable, qui est éternel, afin de vivre dans la paix et de rayonner cette lumière et cette paix.
Mgr Marcel Lefebvre
(Seconds Ordres mineurs, Sous-diaconat, Ecône, Sitientes, 15 mars 1986)