La Parole de Mgr Marcel Lefebvre
La nouvelle messe n’est plus hiérarchique ; c’est une messe démocratique
On a dit à Mgr Marcel Lefebvre que si, en la date du 29 juin 1976, pour les ordinations, il célébrait une messe selon le nouveau rite, tout serait aplani désormais, entre Ecône et Rome. Or, il était évident pour notre fondateur que ce rite nouveau suppose une autre conception de la religion catholique, une autre religion.
Si la très sainte Eglise a voulu garder et nous donner tout au cours des siècles ce trésor précieux du rite de la sainte messe qui a été canonisé par saint Pie V, ce n’est pas pour rien. C’est parce que dans cette messe, se trouve toute notre foi, toute la foi catholique, la foi dans la sainte Trinité, la foi dans la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la foi dans la Rédemption de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la foi dans tout le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ qui a coulé pour la rémission de nos péchés, la foi dans la grâce surnaturelle qui nous vient du saint sacrifice de la messe, qui nous vient de la Croix, qui nous vient par tous les sacrements.
Voilà ce que nous croyons en célébrant le saint sacrifice de la messe de toujours. Cela est une leçon de foi, et en même temps une source de notre foi indispensable pour nous en cette époque où notre foi est attaquée de toutes parts. Nous avons besoin de cette messe véritable, de cette messe de toujours, de ce sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour remplir réellement nos âmes du Saint-Esprit et de la force de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Une autre conception de la religion catholique
Or, il est évident que ce rite nouveau est sous-tendu, si je puis dire, suppose une autre conception de la religion catholique, une autre religion. Ce n’est plus le prêtre qui offre le saint sacrifice de la messe, c’est l’assemblée. Or, ceci est tout un programme. Désormais c’est l’assemblée qui remplace aussi l’autorité dans l’Eglise, c’est l’assemblée épiscopale qui remplace le pouvoir des évêques, c’est le conseil presbytéral qui remplace le pouvoir de l’évêque dans le diocèse. C’est le nombre qui commande désormais dans la sainte Eglise, et ceci est exprimé dans la messe précisément, parce que l’assemblée remplace le prêtre à tel point que maintenant, beaucoup de prêtres, ne veulent plus célébrer la sainte messe quand il n’y a plus d’assemblée.
Tout doucement, c’est la notion protestante de la messe qui s’introduit dans la sainte Eglise, et ceci est conforme à la mentalité de l’homme moderne, à la mentalité de l’homme moderniste, absolument conforme ; car c’est l’idéal démocratique qui est l’idée fondamentale de l’homme moderne, c’est-à-dire que le pouvoir est dans l’assemblée, l’autorité est dans les hommes, dans la masse et non pas en Dieu. Ceci est très grave, parce que nous croyons que Dieu est tout-puissant, nous croyons que Dieu a toute autorité, nous croyons que toute autorité vient de Dieu : Omnis potestas a Deo 1 .
Nous ne croyons pas, nous, que l’autorité vient du peuple, que l’autorité vient de la base. Or, c’est exactement la mentalité de l’homme moderne, et la nouvelle messe n’est pas moins que l’expression de cette idée que l’autorité se trouve dans la base et non plus en Dieu. Cette messe n’est plus une messe hiérarchique mais une messe démocratique, et ceci est très grave. C’est l’expression de toute une nouvelle idéologie : on a fait entrer l’idéologie de l’homme moderne dans nos rites les plus sacrés, et c’est ceci qui corrompt actuellement toute l’Eglise.
Par cette idée de pouvoir, accordé à la base dans la sainte messe, on a détruit le sacerdoce. On détruit le sacerdoce, on détruit ce qu’est le prêtre s’il n’a plus de pouvoir personnel, ce pouvoir qui lui est donné par son ordination, comme vont le recevoir dans un instant ces futurs prêtres. Ils vont recevoir un caractère qui va les mettre au-dessus du peuple de Dieu. Ils ne pourront plus jamais dire, après la cérémonie qu’ils auront vécue : « Nous sommes des hommes comme les autres ».
Le prêtre est l’homme de Dieu
Ce n’est pas vrai, ils ne seront plus des hommes comme les autres : ils seront des hommes de Dieu, ils seront des hommes – je dirais presque – qui participent à la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par son caractère sacerdotal, car Notre-Seigneur Jésus-Christ est prêtre pour l’éternité, prêtre selon l’ordre de Melchisédech, parce qu’il est Jésus-Christ, parce que la divinité du Verbe de Dieu a été infusée dans cette humanité qu’il a assumée. C’est au moment où il a assumé cette humanité dans le sein de la très sainte Vierge Marie, que Jésus est devenu prêtre.
La grâce à laquelle ces jeunes prêtres vont participer n’est pas la grâce sanctifiante dont Notre-Seigneur Jésus-Christ nous fait participer par la grâce du baptême, c’est la grâce d’union, cette grâce d’union unique à Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est à cette grâce qu’ils vont participer, car c’est par sa grâce d’union à la divinité de Dieu, à la divinité du Verbe, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est devenu prêtre, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est Roi, que Notre-Seigneur Jésus-Christ est juge, que Notre-Seigneur Jésus-Christ doit être adoré par tous les hommes. Grâce d’union, grâce sublime, grâce que jamais aucun être ici-bas n’a pu recevoir, grâce de la divinité elle-même descendant dans une humanité qu’est Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’oignant en quelque sorte, comme l’huile qui descend sur la tête consacre celui qui la reçoit. L’humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ a été pénétrée par la divinité du Verbe de Dieu et ainsi a été faite prêtre. Il a été fait médiateur entre Dieu et les hommes.
Et c’est à cette grâce là que vont participer ces prêtres, grâce qui les mettra au-dessus du peuple de Dieu. Ils seront eux aussi, les intermédiaires entre Dieu et le peuple de Dieu. Ils ne seront pas seulement les représentants du peuple de Dieu, ils ne seront pas seulement les mandatés du peuple de Dieu, ils ne seront pas seulement les présidents de l’assemblée : ils seront prêtres pour l’éternité, marqués de ce caractère pour l’éternité, et personne n’a le droit de ne pas les respecter. Même si eux ne respectaient pas ce caractère, ils l’ont toujours en eux, ils l’auront toujours en eux.
Voilà ce que nous croyons, voilà quelle est notre foi et voilà ce qui constitue notre saint sacrifice de la messe. C’est le prêtre qui offre le saint sacrifice de la messe. Les fidèles participent à cette offrande, de tout leur cœur, de toute leur âme, mais ce ne sont pas eux qui offrent le saint sacrifice de la messe. A preuve que le prêtre, quand il est seul, offre le sacrifice de la messe de la même manière et avec la même valeur que s’il y a mille personnes qui l’entouraient. Son sacrifice a une valeur infinie. Le Sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ offert par le prêtre a une valeur infinie. Voilà ce que nous croyons, et c’est pourquoi nous pensons que nous ne pouvons pas accepter ce rite nouveau qui est l’œuvre d’une autre idéologie, une idéologie nouvelle.
Nous ne sommes pas de cette religion libérale
On a cru attirer le monde, en prenant les idées du monde. On a cru attirer à l’Eglise les personnes qui ne croient pas, en prenant leurs idées, en prenant les idées de l’homme moderne, cet homme moderne qui est un homme libéral, un homme moderniste, un homme qui accepte la pluralité des religions, qui n’accepte plus la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ceci je l’ai entendu par deux fois par les envoyés du Saint-Siège qui m’ont dit que la royauté sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ n’était plus possible en notre temps, qu’il fallait accepter définitivement le pluralisme des religions. Ils m’ont dit que l’encyclique Quas primas sur la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a été écrite par le Pape Pie XI et qui est si belle, ne pourrait plus être écrite aujourd’hui par le pape.
Voilà ce que m’ont dit les envoyés officiels du Saint-Siège. Alors, nous ne sommes pas de cette religion. Nous n’acceptons pas cette nouvelle religion. Nous sommes de la religion de toujours, nous sommes de la religion catholique, nous ne sommes pas de cette religion universelle, comme ils l’appellent aujourd’hui. Ce n’est plus la religion catholique. Nous ne sommes pas de cette religion libérale, moderniste qui a son culte, ses prêtres, sa foi, ses catéchismes, sa bible œcuménique… Nous ne les acceptons pas. Nous n’acceptons pas la bible œcuménique. Il n’y a pas de bible œcuménique ; il y a la Bible de Dieu, la Bible de l’Esprit-Saint qui a été écrite sous l’influence de l’Esprit-Saint. C’est la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de la mélanger avec la parole des hommes. Il n’y a pas de bible œcuménique qui puisse exister, il n’y a qu’une parole, la parole du Saint-Esprit. Nous n’acceptons pas les catéchismes qui n’affirment plus notre Credo et ainsi de suite. Nous ne pouvons pas accepter ces choses-là. C’est contraire à notre foi.
Nous regrettons infiniment. Ce nous est une douleur immense, immense pour nous, de penser que nous sommes en difficulté avec Rome, à cause de notre foi. Comment est-ce possible ? C’est une chose qui dépasse l’imagination, que jamais nous n’aurions pu penser, que jamais nous n’aurions pu croire surtout dans notre enfance, alors que tout était uniforme, que l’Eglise professait dans son unité générale la même foi, avait les mêmes sacrements, le même sacrifice de la messe, le même catéchisme. Voici que tout à coup, tout cela est dans la division, dans le déchirement. (…)
Mgr Marcel Lefebvre
(Ordinations sacerdotales à Ecône – 29 juin 1976)
- 1Rom. 13, 1.