La fête de tous les saints

L’Eglise, toujours soucieuse de dispenser un enseignement adapté à la fête que nous célébrons, nous fait lire aujourd’hui dans l’épître, comme un aperçu du Ciel, nous ouvre un peu le mystère que nous souhaiterions déjà connaître déjà ici-bas, que nous voudrions percer d’une certaine manière afin de savoir ce que le Bon Dieu prépare à ceux qu’il a choi­sis, à ses élus.

Et dans l’évangile, la Sainte Eglise nous rappelle que nous sommes encore ici-bas et que nous avons à suivre ce que l’on pourrait appeler le code de la route du Ciel, qui ne sont autres que ces magnifiques béatitudes données sur la montagne, suivies de tous les enseignements de Notre-Seigneur.

Ainsi dans l’épître l’Eglise s’efforce d’attirer nos regards vers le Ciel, afin d’y diriger nos cœurs et nos âmes. Car, en définitive, nous sommes bien des pèlerins du Ciel, nous sommes dans l’état de voyageurs et nous avons par conséquent à regarder le but vers lequel nous marchons.

Le Ciel

Que sera le Ciel ? Qu’est-ce que le Ciel pour ceux qui s’y trouvent, pour les élus ? Saint Jean dans l’Apocalypse essaie de nous le décrire d’une manière sans doute bien imparfaite, car aucune parole ne peut décrire ce qui se passe au Ciel. Saint Paul lui-même, qui a été enlevé en quelque sorte pendant quelque temps dans le Ciel, dit lui-même qu’il est impossible de trouver les mots qui signifient la grandeur, la beauté, la sublimité de ce qu’il a vu.

Saint Jean nous décrit ces foules immenses non seulement du peuple juif, mais venues de tous les horizons du monde, de toutes les nations et qui adorent le Seigneur et qui chantent ses louanges.

Honneur, gloire, toute-puissance au Dieu Créateur dans les siècles des siè­cles. Et si l’on veut essayer de se faire une idée de ce que peut être la joie des élus et le ravissement dans lequel ils se trouvent, il me semble que nous devons le faire par ces faits qui sont décrits dans l’Evangile.

Rappelez-vous la Transfiguration. Les apôtres sont comme projetés à terre par la splendeur que Notre-Seigneur découvre à leurs yeux, splendeur plus belle que le soleil, disent-ils.

Notre-Seigneur, avant sa Passion, avant l’épreuve qu’allaient subir les apô­tres, leur montre ce qu’il était en réalité, car Notre-Seigneur aurait dû avoir cette splendeur et cette lumière d’une manière naturelle, étant donné qu’il avait la vision béatifique, qu’il était dans le Ciel. Non pas seulement qu’il était dans le Ciel, mais qu’il est le Ciel. Notre-Seigneur c’est le Ciel : Ubi Christus ibi Paradisus : Où est le Christ, là est le Paradis.

Et par conséquent, il était normal que Notre-Seigneur découvre ce qu’il était, qu’il était Dieu. Et les apôtres se sont trouvés ravis, tellement qu’ils ont demandé de dresser trois tentes pour demeurer dans cet endroit, pour l’éternité en quelque sorte.

Et nous savons également que par sa splendeur, par sa lumière, Notre-Sei­gneur ressuscité, a projeté également à terre les gardes, éblouis et stupéfaits, émerveillés par cette lumière qui sortait du tombeau.

Ainsi, nous pouvons penser que tout est lumière là-haut, tout est grandeur, tout est splendeur.

Et puis nous savons aussi par les saints du Ciel qui sont venus apparaître à des personnes choisies ici-bas - par la permission de No­tre-Seigneur -, nous savons que ces personnes se sont trouvées elles aussi, ravies, en dehors de leurs sens.

On se rappelle Bernadette voyant la très Sainte Vierge. Elle ne sentait plus la douleur de la flamme que l’on approchait de ses mains et qui brûlait ses doigts. Eh bien, elle ne le sentait pas, parce qu’elle était ravie par la beauté et la sublimité de la très Sainte Vierge Marie.

Ainsi donc nous pouvons penser que le Ciel est quelque chose qui nous ravira, qui sera tellement beau, tellement splendide, tellement émouvant que nous serons aussi transportés de joie et heureux d’approcher Celui qui est notre Dieu. S’approcher de Dieu, c’est approcher de la charité, c’est approcher de l’amour.

Et par conséquent, les âmes qui sont en présence de Dieu, sans doute, ne peuvent mesurer le temps. Il n’y a plus de temps. Les choses se passent en dehors du temps. Il est bien difficile pour nous de concevoir ces choses, pourtant c’est la réalité et tout ce que nous pouvons savoir du Ciel nous fait espérer qu’un jour aussi, nous irons rejoindre ceux qui s’y trouvent et qui jouis­sent d’un bonheur éternel.

Conditions pour atteindre le Ciel : les béatitudes

Mais il y a des conditions à remplir pour aller au Ciel et Notre Seigneur, dans son Sermon sur la montagne, n’oublie pas de nous dire que la voie est étroite. C’est dans ce Sermon sur la montagne qu’il nous rappelle que le che­min qui conduit au Ciel n’est pas un chemin facile et que tous malheureuse­ment n’y parviennent pas.

Sans doute ceux qui n’y parviennent pas, le sont par leur propre faute et non pas par la faute de Notre-Seigneur. C’est pourquoi nous devons méditer sur ce Sermon sur la montagne.

Nous sommes stupéfaits par ces béatitudes qui contredisent l’esprit du monde, lequel contredit ce bonheur auquel nous voudrions déjà participer ici-bas. Notre-Seigneur nous dit que les bienheureux sont ceux qui sont persécutés ici-bas, ceux qui souffrent et qui sont mau­dits, contre lesquels on lancera des calomnies : ils auront une grande part au Ciel et ils partageront le Royaume des Cieux.

Tout cela n’est pas bien conforme à ce que le monde souhaite. Le monde n’aime pas la souffrance, le monde n’aime pas être méprisé.

Mais ce n’est pas tout. Notre-Seigneur nous parle ensuite d’une charité en­core plus grande que celle des Scribes et des Pharisiens. Il parle d’une charité qui va au-delà de ce que nous pouvons peut-être penser. Si quelqu’un nous demande de l’accompagner sur une certaine distance, Notre-Seigneur n’hésite pas à dire : mais, faites le double, accompagnez-le toujours davantage.

Si quelqu’un vous méprise et s’il est votre ennemi, aimez-le : aimez vos en­nemis. N’aimez pas seulement vos amis. Vous avez une charité extérieure, vous manifestez votre charité, eh bien ne la manifestez pas seulement extérieure­ment, manifestez-la aussi intérieurement. Et si vous êtes tentés par le péché, il ne faut pas suivre ces tentations, même intérieures.

Il le dit explicitement : il ne suffit pas de ne pas commettre l’adultère, en­core faut-il ne pas avoir un simple désir dans son cœur. Et si vous priez, ne priez pas seulement extérieurement, ne manifestez pas votre prière pour que les gens vous voient et vous admirent et vous estiment. Mais priez dans vos chambres, enfermez-vous dans vos cellules et priez vraiment Dieu.

Le Notre Père

Et c’est à ce moment-là que Notre-Seigneur nous enseigne la magnifique prière du Pater noster, du Notre Père. Si vous voulez être parfaits, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. Cela résume tout le Sermon sur la monta­gne : comme votre Père céleste est parfait.

Et c’est dans la prière du Pater, que Notre-Seigneur dit qu’il faut que la vo­lonté de Dieu soit faite sur la terre comme au Ciel. Le Bon Dieu nous demande par conséquent, une perfection très grande. Il est exigeant pour nous. Et cette charité si grande, si exigeante que le Bon Dieu demande de nous. Il nous donne le moyen de l’accomplir. Il nous le donne d’abord par la prière. Si nous voulons être parfaits, nous devons prier. Nous devons le demander à Notre Seigneur Jésus-Christ. Car par nous-mêmes, nous ne pouvons plus arriver à cette perfec­tion.

C’est par la grâce de Notre-Seigneur que nous pouvons y parvenir.

Mgr Lefebvre, Ecône, 1er novembre 1976