La femme et l’autel

Il y a peu de temps, une fidèle me demandait pourquoi, après tout, on ne pourrait pas donner le sacerdoce aux femmes. Bien des choses ont changé dans l’Eglise et les mœurs humaines, me disait-elle, ce qui est vrai, et la chose ne lui semblait pas si inconcevable.
Spontanément, ma première réponse fut que s’il est une femme qui aurait pu recevoir le sacerdoce, c’est bien la Très Sainte Vierge Marie. Or, nous savons que son Fils n’a pas voulu lui conférer ce pouvoir et cette autorité, pas plus qu’à aucune autre femme. Quelle femme peut donc prétendre aujourd’hui pouvoir recevoir ce que la Vierge Immaculée n’a pas reçu et ce qu’elle n’a jamais demandé ?
Jésus-Christ, et la Tradition
La conduite de Dieu et la Tradition, en effet, forment un argument qui surpasse tout ce que peut découvrir la raison. Les sacrements ayant été institués directement par le Christ, soit avant sa mort, soit après sa Résurrection, il faut considérer ce qu’il a fait. En cette matière l’Eglise ne peut pas agir différemment de lui. Or le Christ n’a donné le sacerdoce qu’à des hommes, et nous n’avons aucun indice qui puisse laisser supposer qu’il ait envisagé que les femmes puissent le recevoir. Toute l’histoire de l’Eglise et sa Tradition témoignent avec éclat qu’il ne fut jamais admis que le sacerdoce puisse être conféré à des femmes. Jusqu’à ces derniers temps, il était même interdit aux femmes de servir à l’autel, sous peine de péché mortel.
Pourquoi ? Outre le fait lui-même de l’institution du sacerdoce, confié par le Christ à des seuls hommes, plus radicalement, il y a d’abord le fait que lorsque le Verbe s’est fait chair, le Verbe de Dieu qui n’est ni homme ni femme, c’est une nature masculine qu’il a assumée et consacrée prêtre pour l’éternité. Le prêtre éternel et Souverain est un homme. Dieu ne s’est pas fait femme, mais bien homme aux deux sens du terme. Dans sa racine, le sacerdoce est donc lié à la nature humaine masculine, telle qu’elle est chez le Souverain Prêtre dont dérive tout sacerdoce humain.
Cela, ce sont des faits indiscutables, et cela devrait amplement suffire à clore le débat. Mais... il faut cependant aller plus loin, pour tenter de justifier que Dieu se soit fait homme et non femme. Cela ne vient pas de ce que l’homme soit meilleur ou plus parfait que la femme, ce n’est pas en ces termes qu’il faut considérer la question, mais cela tient à la nature même de l’homme et de la femme, et à celle de la société telle que Dieu l’a fondée, hiérarchique et organisée.
L’autorité confiée naturellement à l’homme
Cette argumentation, je le crains, sera totalement inaccessible à tous les esprits enfermés dans les principes égalitaristes de 89, mais elle est celle de l’Eglise et de ses meilleurs théologiens.
Saint Thomas d’Aquin expose très clairement pourquoi le sexe féminin est un empêchement à la réception de l’ordre (Suppl. 39, 1) : parce que le sacrement de l’ordre signifie et réalise une pré-éminence de l’ordonné sur les laïcs. Le sacerdoce est intimement lié à l’exercice d’une autorité. Par le sacrement, le prêtre est constitué « chef dans les choses divines ». Or, cette pré-éminence ne peut être réalisée chez la femme, car le sexe féminin n’est pas apte à la signifier, la femme étant naturellement en état de sujétion.
Qu’ai-je dit là ? J’entends d’ici les hurlements ! Comme saint Paul, saint Thomas et tous les prêtres, me voici certainement traité de misogyne ! Et pourtant, saint Thomas continue en exposant que la femme peut très bien recevoir de Dieu des dons autres que les sacrements car, « dans la réalité de l’âme, rien ne distingue la femme de l’homme : une femme est parfois meilleure en son âme que beaucoup d’hommes. Aussi peut-elle recevoir le don de prophétie et beaucoup d’autres dons semblables, mais non le sacrement de l’ordre. »
Mais alors, comment donc peut-elle être établie par nature dans un état de sujétion ? Répondons par une autre question : Que signifie cette sujétion ?
« Il y a deux espèces de sujétion, explique saint Thomas (Ia, 92, 1). La première est la sujétion servile, lorsque le chef utilise le sujet pour sa propre utilité : cette sujétion a été introduite après le péché. Mais il y a une autre sujétion, familiale ou sociale, dans laquelle le chef dispose des sujets pour leur utilité et leur bien. Cette sujétion aurait existé avant le péché : en effet, si certains hommes n’avaient pas été gouvernés par d’autres, plus sages, un bien aurait fait défaut à la multitude humaine : le bien de l’ordre. Et c’est par une telle sujétion que la femme est naturellement soumise à l’homme, car, par nature, l’homme jouit d’un discernement de la raison plus abondant. »
Saint Thomas dit encore : « L’homme est par nature un animal social, si bien que les hommes dans l’état d’innocence auraient vécu en société. Or, une vie en société de nombreux hommes, ne pourrait exister s’il n’y avait quelqu’un pour présider en veillant au bien commun » (96, 4). Il fallait donc que l’un reçut le pouvoir et la capacité de diriger, et Dieu les a donnés à l’homme dans l’acte créateur, avant de lui donner une aide semblable à lui par son humanité, mais différente de lui par sa féminité.

La femme dans l’Eglise
Voilà pourquoi Dieu, en qui est tout autorité et toute souveraineté, s’est fait homme et non femme, et pourquoi le sacerdoce, qui implique l'autorité, est lié dans son essence et par institution divine à la masculinité. C'est parce que la nature masculine est seule dotée des capacités nécessaires à l'exercice de l'autorité, que le sacerdoce lui a été donné dans la personne du Verbe incarné. Cela ne relève pas d'une simple disposition légale, révocable à l’envi, mais cela relève d'une nécessité de nature. Donner le sacerdoce aux femmes serait un acte contre-nature, donc invalide et sans aucun effet.
Encore une fois, cela ne veut pas dire que l’homme soit meilleur que la femme, mais simplement qu’en vue de l’ordre à établir dans la société, c’est lui qui, par une libre disposition divine, a reçu les dons permettant de discerner les conditions de cet ordre. La femme a reçu, quant à elle, d’autres dons, qui ne la font ni moins bonne ni meilleure en soi, mais qui ne la prédisposent pas à exercer l’autorité et le gouvernement.
Et si c’est à l’homme de diriger, cela ne veut pas dire qu’il puisse agir à son gré, pour satisfaire ses passions personnelles, mais au contraire que sa mission est de conduire ses sujets à leur bien et à leur perfection. « Chez les justes, écrit saint Augustin, ce n’est pas la passion de dominer qui leur fait commander, mais la mission qu’ils ont de pourvoir au bien : voilà ce que prescrit l’ordre naturel, voilà l’homme tel que Dieu l’a créé. » (Cité de Dieu, XIX). Et saint Pierre appelle chacun à user saintement des dons reçus : « Chacun selon la grâce reçue, mettez-vous au service les uns des autres comme de bons intendants de la grâce de Dieu» (I Pet. IV, 10).
Ce n’est pas pour autre chose que St Paul commande aux femmes de se taire dans les assemblées (I. Cor. 14,34) ou qu’il écrit à Timothée : « Je ne permets pas à la femme d’enseigner dans l’Eglise, ni de prendre autorité sur l’homme » (I. Tim. 2, 12).
Quant aux diaconnesses de l’Eglise primitive, elles n’ont jamais été des ministres de l’autel, mais des femmes pieuses, veuves ou vierges, qui se consacraient à aider les prêtres dans leur ministère, par exemple dans les cérémonies du baptême des femmes.
Conclusion
Le nouveau catéchisme avait atténué considérablement la place du prêtre dans l’Eglise, le réduisant au rôle de collaborateur de l’évêque. Le sacerdoce y a été laminé et pasteurisé. La hiérarchie de l’église conciliaire ne compte donc plus que deux catégories : les évêques et les laïcs. Par ailleurs, hommes et femmes y sont déclarés parfaitement égaux. Le même catéchisme proclame que c’est toute la communauté qui célèbre. Dès lors, on ne voit plus très bien pourquoi on refuserait à l’un ce que l’on accorde à l’autre. Tout est logique et se déroule selon un processus implacable, et tous les obstacles à la montée des femmes à l’autel disparaissent peu à peu.
Aujourd’hui, la secte moderniste permet aux femmes de servir à l’autel. Elle nous dit, bien sûr, que cela n’a rien à voir avec un sacerdoce des femmes auquel personne ne pense, mais tout s’inscrit en faux pour dévoiler l’impiété de ses intentions.
Faisant cela, la secte va au-delà de ce qu’avait vu et prédit saint Pie X. Le saint pontife n’avait annoncé que l’abolition du célibat ecclésiastique, sans aller plus loin. Cette abolition se prépare doucement, et nous y serons bientôt. Mais ceux qui veulent aller plus loin travaillent à leur ruine, car ils vont au-delà de la permission divine, dont Dieu avait révélé et réservé le secret à saint Pie X. Dieu ne permettra pas à ses ennemis d’aller jusqu’à ce point d’impiété que de renverser l’ordre de la nature, après avoir renversé tout l’ordre de la grâce.
La victoire de Dieu et de l’Eglise est donc proche, car Satan dans son aveuglement d’orgueil perd toute mesure. Faisant cela, il hâte lui-même l’heure de sa défaite, car l’heure où la femme montera à l’autel sera celle où « La Femme », la Vierge Immaculée, reviendra pour l’en empêcher, écraser à jamais la tête de Satan et préparer le retour de son Fils dans sa gloire sur une terre purifiée de ses ennemis.
« Etiam venio cito. Amen. Veni, Domine – Voici que je viens bientôt. Amen. Venez, Seigneur ! »

Article de M. l'abbé Simoulin dans Controverses n° 76, de mai 1994