Interview avec le nouveau Supérieur du district d'Autriche
Monsieur l’abbé, depuis le début du mois de février, vous êtes responsable de l'Autriche en tant que supérieur de district, quelle a été votre première pensée lorsque vous en avez entendu parler ?
Pour être tout à fait honnête, ma première pensée a été : "Seigneur, pourquoi m'impose-t-on aussi ce fardeau, quelqu'un d'autre ne pourrait-il pas s'en charger ?" Tout est allé beaucoup trop vite pour moi. Je suis très heureux de mon travail pastoral, j'ai toujours voulu n'être qu'un simple pasteur qui exerce son ministère pour le Christ, pour la sainte Église, pour les âmes. Grâce à ma collaboration étroite avec l'ancien supérieur de district au cours des dernières années, j'avais acquis un aperçu profond de l'immense champ d'action lié à ce ministère et je doutais donc d'être à la hauteur de cette mission. L'entretien avec notre supérieur général m'a encouragé et m'a donné la confiance nécessaire. Un confrère qui me connaît bien m'a également encouragé et ces deux entretiens ont été une aide précieuse dans ma décision. Après avoir pris quelques jours pour peser ces choses devant Dieu dans la prière, j'ai accepté. Mon grand réconfort face à cette tâche est et reste la prière de très nombreux confrères, fidèles et amis.
Outre le travail quotidien très intense du supérieur de district, quels sont vos objectifs pour les années à venir, quels accents souhaitez-vous mettre et qu'est-ce qui est particulièrement important pour vous dans la pastorale ?
La jeunesse est l'avenir de l'Église et c'est pourquoi je lui accorde une importance toute particulière. Il s'agit ici d'investir beaucoup de temps et de travail dans un apostolat auprès des jeunes qui fonctionne bien. Ce que les générations précédentes ont reçu de la maison et de l'école, nous ne pouvons plus le supposer aujourd'hui, je pense ici aussi à une formation humaine et sociale. Une autre tâche essentielle pour chaque supérieur dans l'Église est celle des vocations et de l'étroite collaboration avec le séminaire. Enfin, je considère qu'il est de mon devoir d'être en contact avec les prêtres et les religieux dans les diocèses et les monastères, de les encourager. Ces ecclésiastiques ne veulent plus participer à l'œuvre de destruction de l'Église, à tout ce qui n'est plus catholique depuis longtemps, ils souffrent et se trouvent souvent dans de grandes difficultés et des conflits de conscience.
Dans la pastorale, nous devons encore mieux étudier les problèmes actuels de notre temps ; la pastorale aussi pour les personnes malades et souffrantes, les problèmes des jeunes et des familles. J'essaierai de promouvoir la traditionnelle "Pietas Austriaca" (ou Bohemica, Hungarica, etc. dans les autres pays que dessert notre district), de sorte que, grâce à une bonne piété populaire, la vie catholique soit à nouveau visible et perceptible dans le quotidien, après avoir été pratiquement effacée par le modernisme et les bouleversements qui ont suivi Vatican II. Il me tient particulièrement à cœur d’encourager les familles à la fréquentation quotidienne de la messe et la récitation du chapelet en famille. En tant que catholiques, nous devons sans cesse renouveler notre esprit romain, malgré tout ce que nous vivons depuis tant d'années, et notre fondateur nous en donne un merveilleux exemple.
Pour résumer, je dirais que nous devons prêcher la beauté de la foi catholique, la beauté de l'Église catholique, la vraie grandeur du sacerdoce catholique. Nous devons proclamer les vérités éternelles clairement et sans crainte, en chaire, mais aussi dans les entretiens personnels, au confessionnal, dans la direction des âmes. La plupart des gens, et même de nombreux ministres de l'Église, ne savent plus du tout ce qu'est l'Église catholique. Il s'agit pour nous de montrer à nouveau le chemin vers le Christ, le chemin vers l'Église. Nous avons récemment célébré le 400e anniversaire de la mort de saint François de Sales. Ce saint montre si clairement aux laïcs comment fonctionne une bonne vie chrétienne, comment être tout à fait normalement et simplement catholique et suivre son chemin vers le but ultime, sans aucune bizarrerie dans un sens ou dans l'autre.
Saint François de Sales est donc un grand modèle pour moi dans la pastorale, tout comme mon saint préféré, saint Philippe Neri, saint Pie X, et bien sûr notre bien-aimé fondateur. Je voudrais encore mentionner tout particulièrement le grand évêque confesseur marial de mon diocèse natal de Linz, le vénérable serviteur de Dieu Franz Joseph Rudigier, un vrai pasteur au grand cœur. Ils sont tous d’excellents exemples pour chaque prêtre.
Avec l’acquisition de l’église des Frères mineurs (Minoritenkirche), la Tradition a trouvé un foyer au cœur de Vienne. Quel développement visez-vous pour ce centre spirituel dans les années à venir ?
Si Dieu le veut, l'église des Frères mineurs doit devenir un centre de l'authentique renouveau catholique de tous les pays que comptes notre district, et bien sûr avant tout de la ville de Vienne. La liturgie romaine traditionnelle, dignement célébrée, doit occuper la première place. Nous y avons mis quelques accents particuliers, par exemple en célébrant l'office traditionnel des cinq ministres de Vienne[1]. Un de mes grands souhaits est que l'église des frères mineurs redevienne une église dédiée aux confession et à la pastorale, tout à fait dans l'esprit de saint Clément-Maria Hofbauer, qui a travaillé quelques années dans cette église. Pour tout cela, nous avons urgemment besoin de plus de prêtres à Vienne ! Un prieuré de cinq prêtres, je le dis audacieusement, serait idéal et nécessaire pour cette merveilleuse église. Nous sommes éternellement reconnaissants à la vénérable Congrégation italienne, qui remonte encore aux jésuites du XVIIe siècle et qui a une grande histoire, de nous avoir confié l'église des Frères mineurs. Je tiens ici à remercier expressément Madame Daniela Panella pour cette démarche courageuse et gracieuse de la Congrégation mariale des Italiens à Vienne. Dans la tradition de cette Église, nous voulons mettre l'accent sur la pastorale des fidèles italiens. Il s'agit pour nous d'avancer au pas de Dieu, par amour pour l'Église et pour toutes les âmes.
D'une manière générale, quel est le développement de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X en Autriche ?
Le nombre de fidèles a fortement augmenté, surtout au cours des trois dernières années, il a doublé dans certains endroits. Actuellement, le district est composé de 6 pays et d'environ 38 lieux où nous sommes actifs. C'est une grande joie pour nous, mais nous avons beaucoup trop peu de prêtres ! Pour pouvoir mener à bien notre travail comme nous le souhaiterions, nous aurions besoin – de manière très réaliste – d'au moins six à sept prêtres supplémentaires et même avec ce nombre, nous ne pouvons pas encore envisager la création d'une école.
Au cours des cinq dernières années, sept jeunes gens du district ont été ordonnés prêtres, dont trois n'exercent malheureusement pas leur ministère dans le district, mais dans d'autres pays, où nous avons également besoin d'eux. Actuellement, il y a quelques séminaristes de nos pays. Nous devons être reconnaissants pour ce merveilleux développement apostolique, mais nous devons aussi prier pour d'autres vocations, et c'est donc avec confiance et joie que nous envisageons l'avenir.
Vous avez un parcours intéressant : vous avez exercé avec succès votre métier de scientifique dans le civil et vous avez eu du succès dans votre profession. Comment avez-vous ressenti l’appel de Dieu dans un tel milieu ?
J'ai ressenti la vocation au sacerdoce bien plus tôt, dès mon plus jeune âge après ma première communion, je me sentais attiré par l'autel, par le sacerdoce. Quand j'ai eu 16 ans, j'ai commencé à aller à la messe tous les jours et à mener une vie spirituelle. Dans mon enfance, j'ai encore pu faire l'expérience d'une vraie vie catholique, d'excellents prêtres, d'une vraie piété populaire, d'une bonne catéchèse. Au lycée, j'ai eu de très bons professeurs et certains de mes camarades de classe sont devenus prêtres. Mon confesseur, un jésuite, un prêtre âgé et très bon, m'a beaucoup marqué, à côté de quelques autres très bons prêtres. Ce confesseur, le père Kuno Zerlauth SJ, m'a fait comprendre avant le baccalauréat qu'il valait mieux que je n'entre pas dans un séminaire moderne ou dans un ordre religieux malade du modernisme, cela pourrait ne pas bien aller. Il me fallait dans un premier temps suivre mon penchant envers les sciences naturelles, plus tard Dieu me montrerait le chemin concret vers le sacerdoce. Au lycée, j'ai découvert très tôt mon amour et mon enthousiasme pour la biochimie, la microbiologie mais aussi l'entomologie. J'ai donc suivi ses conseils, mais pendant toutes ces années d'études, le désir de devenir prêtre ne m'a jamais quitté.
Après mon service militaire, j'ai rejoint à 19 ans, en tant que numéraire (membre célibataire), la prélature personnelle de l'Opus Dei, à laquelle j'ai appartenu pendant 13 ans, où j'ai également fait des études philosophiques et théologiques et où j'ai été directeur de centres de formation ou de maisons d'étudiants. Sur le plan professionnel, j'ai également travaillé dans le secteur pharmaceutique, ce qui m'a ouvert les yeux à bien des égards sur ce qui se passait réellement dans la société. Mais j'ai compris, par la grâce de Dieu et de bons amis prêtres, que le chemin continue. Je suis arrivé à Zaitzkofen en 2014, je suis entré dans la Fraternité le 8 décembre 2015 et j'ai été ordonné prêtre le 30 juin 2018. Pendant deux ans, j'ai pu servir comme vicaire au prieuré Saint-Clément-Marie Hofbauer à Vienne, et depuis 2020, j'étais prieur du Katholisches Bildungshaus de Jaidhof, très volontiers aussi aumônier scout, actif dans le travail avec les jeunes et aumônier du Tiers-Ordre de la Fraternité. Depuis l'automne 2018, je pouvais m'occuper des fidèles de Carinthie le week-end dans ma chère paroisse traditionnelle de St. Hemma à Klagenfurt.
Que souhaitez-vous pour le district d'Autriche dans les années à venir ?
D'abord et avant tout : un approfondissement constant dans le mystère de la Sainte Messe, notre plus grand trésor sur terre ! Toute bonne pastorale catholique part de l'autel et va vers l'autel. Prions pour les vocations sacerdotales et religieuses et pour de bonnes familles catholiques. Mais efforçons-nous aussi de nous aider vraiment les uns les autres, de nous soutenir vraiment les uns les autres, même dans tous les problèmes humains. Les temps ne deviennent pas plus faciles, il faut une solide cohésion à tous les niveaux, ne laissons personne seul ! Soyons aussi plus reconnaissants, nous l'oublions malheureusement trop souvent !
Depuis longtemps déjà, différents courants incompatibles avec la foi ont fait leur entrée dans l'Église et, bien souvent, sa véritable mission s'en est trouvée diluée. Car dans l'Église, il ne s'agit pas de gauche ou de droite, dans l'Église, il doit s'agir de haut et de bas, de catholique ou de non-catholique. Il s'agit de l'Église, il s'agit de la vérité, il s'agit de Jésus-Christ, il s'agit de Dieu ! Nous voulons servir l'Église catholique, servir la vérité, qui est là où se trouve Dieu !
S'il vous plaît, priez beaucoup pour moi ! Que Dieu vous le rende !
[Source : District d'Autriche]
[1] Alors que l'on connaît partout la grand-messe avec diacre et sous-diacre, à Vienne, la messe dite à cinq ministres a survécu à toutes les réformes liturgiques. Les ministres supplémentaires occupent une position intermédiaire entre le diacre et le sous-diacre et les acolytes, avec des fonctions précisément prescrites, comme par exemple la tenue des deux coussins de missels (généralement courants en Autriche en de nombreux endroits) pendant l’encensement de l'autel, le service directement à l'autel, qui n'est pas exercé à Vienne par ce qu'on appelle l'assistance blanche (les acolytes). Lors de l'octave de Pentecôte, nous avons enfin eu la joie de célébrer cette messe solennelle, pour la plus grande gloire de Dieu et l'édification de nos fidèles.