Cet Enfant est le Roi des cieux
Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,
Au cours du chant des Matines de cette nuit, nous avons interrogé les bergers : Pastores quem vidistis ? Dicite, annuntiate nobis : Bergers qui avez-vous vu ? Dites-le nous. Apprenez-le nous.
En effet, y a-t-il pour nous une chose plus importante et plus pressante que de savoir qui ils sont allés voir, ce qu’ils ont vu, pourquoi sont-ils allés vers cet Enfant à Bethléem. Or, il me semble qu’ils nous répondent cette autre parole que nous avons chantées au cours de ces Matines : Hodie Rex cælorum dignatus est de Virgine nasci, ut hominem perditum ad cælestia regna vocat.
Voilà, je pense, ce que nous répondent les bergers : Aujourd’hui, le Roi des Cieux a daigné naître de la Vierge Marie, afin de reconduire au Ciel l’homme perdu. C’est là, il me semble, le résumé de ce que les bergers ont pu apprendre, apprendre des anges déjà, apprendre de la très Sainte Vierge Marie, de saint Joseph : Cet Enfant est le Roi des Cieux : Rex cælorum. Celui que le Ciel et la terre ne peuvent contenir. Celui-là est enfermé dans cette chair d’enfant : Le Roi des Cieux. De Virgine nasci dignatus est : Il est né d’une Vierge, Vierge toujours vierge. Manifestant ainsi à la fois son humanité et en même temps sa divinité.
Humanité, car Il est né comme tous les hommes sont nés, porté par la Vierge Marie dans son sein. Mais Il est né miraculeusement, laissant à la Vierge Marie, le privilège de sa virginité. Manifestant ainsi et son humanité et sa divinité.
Ut hominem perditum. L’homme perdu. Nous étions perdus. Nous étions damnés. Nous étions destinés à l’Enfer, par notre désobéissance à Dieu. Nous avions péché et nous ne pouvions plus espérer rentrer dans les Cieux.
Or, c’est pour cela qu’il est venu : Ut hominem perditum ad cælestia regna revocat, qu’il reconduit, car nous étions destinés au Ciel. Adam et Eve l’étaient avant leur péché. Et voici que par le péché, ils sont devenus avec toute leur progéniture, une humanité perdue.
Mais Jésus est venu sur terre. Dieu s’est fait homme dans le sein de la Vierge Marie, afin de nous reconduire : Ut reducat ad cælestia regna. Voilà ce que les bergers nous apprennent.
Et avec eux, nous irons vers cet Enfant. Et malgré les apparences si frêles, si petites, par rapport à ce que nous apprend notre foi, à ce que nous pouvions songer de la venue du Fils de Dieu sur la terre, nous croirons. Nous croirons à la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ ; nous croirons à son humanité ; nous croirons qu’il s’est incarné pour la Rédemption du monde, pour la Rédemption de nos péchés. Nous réciterons notre Credo face à tous ceux qui, au contraire, dès que l’Enfant est né, pensent à le faire disparaître.
Nous devons donc nous tourner vers Notre Seigneur Jésus-Christ et regarder et contempler sa naissance éternelle au sein de la Sainte Trinité, naissance de Verbe, c’est ce que vient de nous dire saint Jean dans l’Évangile que nous venons de lire, il raconte la naissance éternelle : Et Deus erat Verbum.
Une seconde naissance aussi que nous devons contempler en Notre Seigneur, c’est sa naissance comme homme. Et homo factus est. Et Verbum caro factum est. Notre Seigneur est né, ici-bas, sur terre, dans le sein de la Vierge Marie, Il fait partie désormais de l’histoire de l’humanité. Il l’a voulu. Il est le centre, Il est le cœur de toute l’histoire de l’humanité.
On ne peut rien comprendre à l’histoire de ce monde ; on ne peut rien comprendre à l’histoire des hommes si l’on ne juge pas toutes choses par Jésus-Christ, en Jésus-Christ par rapport à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et enfin, une troisième naissance que nous devons considérer de Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est la naissance de Jésus dans nos âmes – et je dirai que pour nous – c’est la plus importante. Car, en définitive, c’est celle qui nous fait participer à la naissance éternelle de Dieu, de Jésus comme Verbe. C’est celle qui nous fait participer à la naissance de Jésus ici-bas, à son Corps sacré, à son âme sainte. Il faut donc que nous naissions nous à Jésus-Christ et que Jésus en, quelque sorte, naisse en nous. C’est pour cela qu’il est venu. Il faut que nous renaissions.
Nisi quis renatus, fuerit ex aqua et Spiritu Sancto non intrabit in regnum caelorum : Si quelqu’un ne naît de l’eau et de l’Esprit-Saint, il n’entrera pas dans le royaume des cieux.
Il faut donc que nous naissions à Notre Seigneur Jésus-Christ et que nous ayons ce souci de faire croître la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ en nous, de garder la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ en nous. Et cela c’est tout l’esprit de l’Église catholique.
Demandons à la très Sainte Vierge, surtout, de nous faire comprendre ces choses et de nous faire participer à ces mystères. Car ce sont des mystères divins, mystère de notre nature, mystère de notre création, mystère de notre rédemption, mystère du péché, tous ces mystères.
Demandons à la très Sainte Vierge Marie pendant ce temps de Noël, demandons-lui de nous apprendre à comprendre le mystère de l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ et le motif de l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle écoutait certes les bergers et les louanges que les bergers faisaient : Maria autem conservabat omnia verba hæc, conferens in corde suo (Lc 2, 19) : La très Sainte Vierge gardait les paroles qui étaient dites dans son cœur et elle les redisait dans son coeur.
Comme cela est beau et comme cela nous fait apparaître la vie d’oraison de la très Sainte Vierge Marie.
Demandons à la très Sainte Vierge Marie de nous faire part de son oraison, de nous faire part des pensées qu’elle avait à ce moment, afin que nous puissions un jour participer à sa gloire.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
[Mgr Lefebvre, Noël 1975]