Le Carême avec Dom Marmion

Source: District de Suisse

La tentation du Christ - Cathédrale Saint Julien au Mans

1er dimanche de Carême 

La tentation du Christ, notre modèle et notre chef

Pour bien comprendre le mystère de la tentation de Jésus, il faut se rappeler que le Christ est semblable à nous en toutes choses, excepté le péché : Debuit per omnia fratribus similari, absque peccato.

Qu'on imagine à quel état de faiblesse serait réduit un homme qui, durant quarante jours, ne se serait accordé aucune nourriture. Jésus n'a pas voulu faire de miracle pour empêcher en lui les effets du jeûne ; aussi l'Évangile nous rapporte-t-il qu'après cette période, Jésus sentit la faim : Postea esuriit ; et le démon saisit occasion de son état d'accablement pour le tenter.

Si le Christ, Fils de Dieu, a voulu entrer en lutte avec l'esprit malin, nous étonnerons-nous que les membres de son corps mystique doivent suivre la même voie ?

Tant de personnes, même pieuses, croient que la tentation est un signe de réprobation. Mais, le plus souvent, c'est le contraire ! Devenus disciples de Jésus par le baptême, nous ne pouvons « être au-dessus de notre divin Maître ». C'est Dieu lui-même qui nous le dit : « Parce que tu m'étais agréable, il a fallu que la tentation t'éprouvât. »

Ne nous étonnons donc pas de la tentation : n'oublions jamais que le Christ, notre modèle en toutes choses, a été tenté avant nous, et même touché par l'Esprit des ténèbres.

N'oublions pas surtout que ce n'est pas seulement comme Fils de Dieu que Jésus a vaincu le diable, mais encore comme chef de l’Église ; en lui et par lui, nous avons triomphé et nous triomphons encore des suggestions de l'esprit rebelle. C'est, en effet, la grâce que nous a conquise notre divin Sauveur par ce mystère ; là se trouve la source de notre confiance dans les épreuves et les tentations.

Marmion, Le Christ dans ses mystères, pp. 207 et 211


Lundi de la 1ère semaine de Carême

Le Jugement dernier

Pour Notre-Seigneur lui-même, la charité envers le prochain sera le signe dont il se servira au jour du jugement pour distinguer les élus des réprouvés ; c'est lui qui nous le dit : écoutons-le, car il est la vérité infaillible.

Après la résurrection des morts, le Fils de l'homme sera assis sur un trône de gloire ; les nations seront assemblées devant lui; il placera les bons à sa droite et les méchants à sa gauche. Et s'adressant aux bons : « Venez les bénis de mon Père, leur dira-t-il, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès l'origine du monde ».

Et quelle raison en donnera-t-il ?

« J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli ; j'étais nu, et vous m'avez revêtu; j'étais malade, et vous m'avez visité; j'étais en prison, et vous êtes venus à moi. »

Et les justes s'étonneront, car jamais ils n'ont vu le Christ dans ces nécessités. Mais il leur répondra : « En vérité, je vous le dis, toutes les fois que vous l'avez fait à l'un des plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » : Mihi fecistis.

Il reprendra ensuite le même discours en s'adressant aux méchants : « Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et ses anges. »

Pourquoi ? — Parce que, eux, ne l'ont pas aimé dans la personne de ses frères.

Ainsi, de la bouche même de Jésus, nous savons que la sentence qui décidera de notre sort éternel sera établie sur l'amour que nous aurons eu pour Jésus-Christ dans la personne de nos frères.

Marmion, Le Christ, vie de l'âme, p. 432


Mardi de la 1ère semaine de Carême

Sagesse surnaturelle

Quand nous voulons juger de la valeur absolue d'une chose ou d'une œuvre, nous devons le faire en nous plaçant au point de vue de Dieu.

Dieu seul est la vérité. La vérité est la lumière, dans laquelle Dieu, Sagesse éternelle, voit toutes choses ; celles-ci valent ce que Dieu les estime.

Là est le seul critère infaillible du jugement ; hors de là, on est exposé à se tromper.

C'est une vérité qui nous est familière que notre sainteté est d'ordre surnaturel, c'est-à-dire au-dessus des droits, des exigences et des forces de notre nature. Tout ce qui se rapporte donc à cet ordre surnaturel, dont Dieu seul est l'auteur, surpasse, par sa transcendance, toutes nos conceptions humaines.

« Ni les pensées, ni les conduites de Dieu ne sont les nôtres », il nous le dit lui-même : Non enim cogitationes meae, cogitationes vestrae : neque viae vestrae, viae meae, dicit Dominus ; « entre nos voies et les voies de Dieu, il y a l'infini » : Sicut exaltantur cæli a terra.

C'est pourquoi, pour connaître la vérité sur les choses du domaine surnaturel, nous devons les voir comme Dieu les voit, c'est-à-dire des yeux de la foi.

La foi est la lumière qui nous découvre les pensées divines et nous fait pénétrer dans les desseins de Dieu ; en dehors de cette lumière, il n'y a, sur les choses spirituelles, que ténèbres et erreurs.

Marmion, Le Christ, idéal du moine, pp. 390-391

Si nous vivons ainsi dans la foi, l'esprit du Christ envahira peu à peu notre âme pour la guider en toutes choses, pour diriger son activité dans le sens de l’Évangile ; l'âme, écartant les lumières purement naturelles de son jugement propre, voit toutes choses par les yeux du Verbe : Erit tibi Dominus in lucem.

Marmion, Le Christ dans ses mystères, p. 443


Mercredi de la 1ère semaine de Carême

Confiance et union à Dieu dans la tentation

Le Christ nous fait supplier notre Père céleste « de ne pas nous laisser succomber à la tentation, mais d'être délivrés du mal ».

Répétons souvent, en nous appuyant sur les mérites de la passion du Sauveur, cette prière que Jésus a voulu mettre sur nos lèvres.

Rien n'est plus efficace, en effet, contre la tentation que le souvenir de la croix de Jésus. — Qu'est venu faire ici-bas le Christ, sinon, en somme, « détruire l'œuvre du diable » ? Et comment l'a-t-il détruite, comment a-t-il « jeté le démon dehors », comme il le dit lui-même, sinon par sa mort sur la croix ?

Ne nous décourageons jamais à cause de la fréquence ou de l'étendue de la tentation ; veillons, sans doute, avec le plus grand soin, sur le trésor de la grâce, écartons les occasions dangereuses ; mais gardons toujours pleine confiance.

Le Christ est appelé dans l'Apocalypse « le lion vainqueur qui est sorti victorieux pour vaincre encore », parce que, par sa victoire, il a acquis à ses partisans le pouvoir de vaincre à leur tour. C'est pourquoi saint Paul, après avoir rappelé que la mort, fruit du péché, a été détruite par le Christ Jésus qui nous apporte l'immortalité, s'écrie : « Grâces soient rendues à Dieu qui nous a donné la victoire sur le démon, père du péché ; victoire sur le péché, source de mort ; victoire enfin sur la mort elle-même, — par Jésus-Christ Notre-Seigneur » : Stimulus mortis peccatum est... Deo autem gratias qui dedit nobis victoriam — per Dominum nostrum Jesum Christum.

Marmion, Le Christ, vie de l'âme, pp. 224, 226-227


Jeudi de la 1ère semaine de Carême

L'âme qui vit de foi devient l’objet des complaisances divines

La foi est si agréable à Jésus qu'elle finit par obtenir de lui ce qu'il n'était pas dans ses intentions premières d'accorder. Nous avons de cela un exemple frappant dans la guérison demandée par la Chananéenne. Jésus est si touché de la foi de cette femme qu'il ne peut s'empêcher de la louer et de lui accorder aussitôt ce qu'elle sollicite : « Ô femme, votre foi est grande ; qu'il vous soit fait selon votre désir ».

Tant que nous sommes ici-bas, il entre dans le plan divin que Dieu soit pour nous le Dieu caché ; Dieu veut être connu, adoré et servi dans la foi; — et plus cette foi est étendue, vive et pratique, plus nous sommes agréables à Dieu.

Marmion, Le Christ, vie de l'âme, p. 163 et suiv.

Rien n'est plus agréable à Dieu que la foi et la confiance inébranlables au milieu des ténèbres. Exercez-vous beaucoup aux actes de confiance, même quand vous ne sentez rien. C'est juste dans ces moments de sécheresse et de ténèbres que ces actes sont les plus méritoires, les plus agréables à Dieu et les plus utiles à votre âme.

C'est le propre des âmes que Dieu appelle à une union, à une familiarité plus intimes avec Lui, de s'obstiner à espérer en lui malgré toutes les apparences qui tendraient à les faire douter des promesses divines. Ces âmes disent à Dieu : « Votre Fils Jésus nous a dit que vous êtes notre Père, que vous nous aimez, et que vous ne nous refusez jamais ce que nous demandons en son nom. Mon Dieu, je crois tout ceci, et bien que le monde, le diable, tout l'enfer me disent le contraire, je crois votre parole, simplement parce que vous l'avez dit. »

N'oubliez jamais que la foi est le commencement, le progrès et la consommation de la perfection !

Marmion, L'union à Dieu, pp. 140-141


Vendredi de la 1ère semaine de Carême

Le Christ Jésus affirme et prouve sa filiation divine

Quand nous lisons l'Évangile, nous voyons que le Christ parle et agit non seulement comme homme, semblable à nous, mais aussi comme Dieu, élevé au-dessus de toute créature.

Aussi se déclare-t-il le Législateur suprême, au même titre que Dieu. Comme Dieu donnait la Loi à Moïse, ainsi établit-il le code de l'Évangile : « Dieu dit aux Anciens... Et moi, je vous dis... » c'est la formule qui revient dans tout le sermon sur la montagne.

Il se montre tellement le maître de la Loi qu'il y déroge de sa propre autorité, quand il lui plaît, avec une indépendance entière, comme étant celui qui l'a instituée et qui en est le maître souverain.

Voici, par exemple, que Jésus guérit un paralytique, lui disant d'emporter son grabat ; c'était le jour du repos.

Aussitôt, les Juifs, scandalisés, reprochent au Sauveur de ne pas observer le sabbat.

Pour montrer qu'il est, au même titre que son Père, le maître suprême du sabbat, Notre-Seigneur réplique aux pharisiens : « Mon Père agit jusqu'à présent, et moi aussi, j'agis comme lui et avec lui. »

Les auditeurs comprennent si bien que, par ces paroles, il prétend être Dieu, qu'ils cherchent à le faire mourir ; parce que « non content de violer le jour du repos, il disait que Dieu était son Père, se faisant par là son égal ». Loin de les contredire, Notre-Seigneur confirme leur interprétation : « En vérité, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire de lui-même, il peut seulement ce qu'il voit faire au Père ; et tout ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement. Car le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu'il fait... »

En lisant la suite et le développement de ces paroles, vous verrez avec quelle autorité le Christ Jésus se proclame en toutes choses l'égal du Père, Dieu avec lui et comme lui.

Marmion, Le Christ dans ses mystères, pp. 221-222, 225


Samedi de la 1ère semaine de Carême

Le Christ Jésus veut affermir la foi de ses disciples par sa Transfiguration

Notre-Seigneur prévoyait que ses apôtres ne supporteraient pas ses abaissements, que sa croix serait pour eux une occasion de chute. Ces trois apôtres qu'il choisissait pour assister à sa Transfiguration, il devait les prendre encore, de préférence aux autres, pour être dans quelque temps les témoins de sa faiblesse, de ses angoisses et de son immense tristesse, dans son agonie au jardin des oliviers. Il veut les prémunir contre le scandale que causera alors à leur foi son état d’humiliation ; il veut affermir cette foi par sa Transfiguration.

Voici que, sur la montagne, Pierre, Jacques et Jean le voient transfiguré : la divinité rayonne, toute-puissante, à travers le voile de l’humanité ; la face de Jésus resplendit comme le soleil, « ses vêtements éclatent d'une blancheur telle, dit saint Marc, qu'aucun foulon n'aurait pu en produire de semblable ».

Les apôtres comprennent, par cette merveille, que ce Jésus est vraiment Dieu ; la majesté de la divinité les remplit; la gloire éternelle de leur Maître leur est révélée tout entière. Moïse et Élie apparaissent aux côtés de Jésus pour converser avec lui et l'adorer... la Loi et les Prophètes venaient, en ces personnages, attester que le Christ est bien le Messie figuré et prédit ; qu'il respecte la Loi et est d'accord avec les prophètes; il est bien l'Envoyé de Dieu, celui qui doit venir.

Enfin, pour mettre le comble à tous ces témoignages, pour manifester avec évidence la divinité de Jésus, la voix du Père éternel se fait entendre. Dieu le Père proclame que Jésus est son Fils, est Dieu comme lui.

Tout se réunit ainsi pour consolider la foi des apôtres en celui que Pierre avait reconnu comme le Christ, le Fils du Dieu vivant.

Marmion, Le Christ dans ses mystères, pp 262-264