Dom Marmion – Semaine Sainte

Source: District de Suisse

9 avril, Dimanche des Rameaux 

La Passion et la glorification du Christ Jésus

Le désir suprême de Dieu est de voir son Fils glorifié : Clarificavi et iterum clarificabo – Je l'ai glorifié, je le glorifierai encore : c'est une des trois paroles du Père éternel que le monde a entendues.

Il veut glorifier le Christ Jésus, parce que le Christ, son Fils, est son égal.

Mais il le veut aussi, parce que ce Fils s'est humilié : Semetipsum exinanivit... propter quod et Deus exaltavit illum – Il s'est humilié... voilà pourquoi Dieu l'a exalté.

C'est la parole de saint Paul. Le mystère des abaissements du Verbe fait chair plonge l'Apôtre dans une telle admiration qu'il n'a pas assez de termes pour proclamer la gloire qui doit, selon les pensées mêmes de Dieu, en revenir à Jésus. Écoutez ce qu'il dit : « Le Christ était Dieu ; et pourtant il n'a pas retenu avidement son égalité avec Dieu ; il s'est anéanti lui-même en se mettant dans la condition d'une nature créée, en se rendant semblable aux hommes; montrant en toutes choses qu'il était homme, il s'est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, jusqu'à la mort de la croix. C'est pourquoi aussi, propter quod, Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre, dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu son Père. »

C'est pourquoi, plus le Christ s'abaisse en se faisant petit enfant, en se cachant à Nazareth, en supportant celles de nos infirmités qui sont compatibles avec sa dignité, en subissant la mort du gibet comme un maudit, cum sceleratis, en se voilant dans l'Eucharistie ; plus sa divinité est attaquée et niée par les incrédules, — plus aussi devons-nous le placer haut dans la gloire du Père et dans notre cœur, nous livrer à lui dans un esprit d'intense révérence et de soumission entière à sa personne, travailler à l'extension de son règne dans les âmes.

Le Christ, vie de l'âme, p. 176.

Le Christ dans ses mystères, pp. 70-71.


Lundi Saint

La Passion, point culminant de la vie de Jésus

La Passion marque le point culminant de l'œuvre que le Christ Jésus vient réaliser ici-bas. Pour lui, c'est l'heure où il consomme le sacrifice qui doit donner une gloire infinie à son Père, racheter l'humanité, et rouvrir aux hommes les sources de la vie éternelle.

Aussi Notre-Seigneur, qui s'est livré tout entier au bon plaisir de son Père depuis le premier moment de son Incarnation, désire-t-il ardemment voir arriver ce qu'il appelle « son » heure, l'heure par excellence. Baptismo habeo baptizari, et quomodo coarctor usque dum perficiatur ! : « Je dois être baptisé d'un baptême – le baptême de sang, – et quelle angoisse me presse jusqu'à ce qu'il soit accompli ! » Il tarde à Jésus de voir arriver l'heure où il pourra se plonger dans la souffrance et subir la mort pour nous donner la vie.

Certes, il ne veut pas la devancer, cette heure ; Jésus est pleinement soumis à la volonté de son Père.

Mais, quand elle sonne, il se livre avec la plus grande ardeur, bien qu'il connaisse d'avance toutes les souffrances qui doivent atteindre son corps et son âme. Desiderio desideravi hoc pascha manducare vobiscum : « J'ai désiré d'un vif désir de manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir ma passion. »

Ce mystère de la Passion est ineffable, et tout y est grand, jusqu'aux moindres détails, comme d'ailleurs toutes choses dans la vie de l'Homme-Dieu. Ici, surtout, nous sommes aux portes d'un sanctuaire où nous ne pouvons entrer qu'avec une foi vive et une profonde révérence.

« Christus qui pro nobis passus est. — Venite adoremus – Le Christ a souffert pour nous ; venez, adorons-le. »

Le Christ dans ses mystères, p 278.


Mardi Saint

Oblation de Jésus. Oblation et prière de l'âme fidèle

Qui pourrait dire les sentiments du Cœur sacré de Jésus aux jours de sa Passion ?

Il devait répéter sans doute la parole qu'il avait dite en entrant en ce monde : « Père, vous ne voulez pas d'holocaustes d'animaux : ils sont insuffisants pour reconnaître votre sainteté... mais vous m'avez donné un corps : Corpus autem aptasti mihi. Me voici ! »

Jésus regardait sans cesse la face de son Père, et avec un incommensurable sentiment d'amour, il livrait, sous la motion de l'Esprit-Saint, son corps, pour réparer les insultes faites à la majesté éternelle, il s'abandonnait à ses bourreaux comme victime pour nos péchés.

Rien n'est si glorieux pour Dieu ni si utile pour nos âmes que d'unir l'offrande absolue et sans condition de nous-mêmes à celle qu'a faite Jésus au moment où il s'abandonnait aux bourreaux pour être dépouillé de ses vêtements et attaché à la croix « afin de nous rendre, par son dénuement, les richesses de sa grâce ».

Cette offrande de nous-mêmes est un véritable sacrifice ; cette immolation à la volonté divine est le fond de toute la vie spirituelle.

Mais pour qu'elle acquière toute sa valeur, nous devons l'unir à celle de Jésus, car « c'est par cette oblation qu'il nous a tous sanctifiés In qua voluntate sanctificati sumus. »

Ô mon Jésus, agréez l'offrande que je vous fais de tout mon être, joignez-la à celle que vous avez faite à votre Père céleste, au moment où vous êtes arrivé au Calvaire ; dépouillez-moi de toute attache à la créature et à moi-même! « Ut et qui vivunt jam non sibi vivant, sed ei qui pro ipsis mortuus est – Que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort pour eux. »

Le Christ dans ses mystères, p. 313.


Mercredi Saint

Le Christ Rédempteur, solidaire de l'humanité

Se substituer volontairement à nous comme une victime sans tache, pour payer notre dette et nous rendre, par son expiation et ses satisfactions, la vie divine : telle est la mission que doit accomplir le Christ, la carrière qu'il doit parcourir. « Dieu a placé sur lui », homme comme nous, de la race d'Adam, juste pourtant, innocent et sans péché, « l'iniquité de nous tous ».

Parce qu'il est devenu, pour ainsi dire, solidaire de notre nature et de notre péché, le Christ a mérité de nous rendre solidaires de sa justice et de sa sainteté. Dieu, selon l'expression si énergique de saint Paul, « en envoyant pour le péché son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché, a condamné le péché dans la chair ». Et avec une énergie plus étonnante encore : « Le Christ, qui n'a point connu le péché, Dieu l'a fait péché pour nous. » Quelle vigueur il y a dans cette expression : peccatum fecit. L'Apôtre ne dit pas : peccator, « pécheur », mais bien : peccatum, « péché ».

Le Christ, de son côté a accepté de prendre sur lui tous nos péchés, au point de devenir, en quelque sorte, sur la croix, le péché universel, le péché vivant. Il s'est volontairement mis à notre place, et, pour cette raison, il sera frappé de mort : « Notre rançon sera constituée par son sang. » L'humanité sera rachetée « non par des choses périssables, de l'argent ou de l'or, mais par un sang précieux, celui de l'Agneau sans défaut et sans tache, le sang du Christ, qui a été désigné dès avant la création du monde ».

Oh! ne l'oublions pas : « nous avons été rachetés d'un grand prix... »

Le Christ, vie de l'âme, pp. 62-63.


Jeudi Saint

Le Christ s'est livré par amour

C'est avant tout l'amour pour son Père qui pousse le Christ à accepter les souffrances de la passion, mais c'est aussi l'amour qu'il nous porte.

A la dernière cène, quand va sonner l'heure d'achever son oblation, que dit-il à ses apôtres réunis autour de lui ? « Il n'est pas d'amour plus grand que celui de donner sa vie pour ses amis. » Et cet amour qui surpasse tout amour, Jésus va nous le montrer, car, dit saint Paul, « c'est pour nous tous qu'il s'est livré ». Quelle marque plus grande d'amour pouvait-il nous donner ? Aucune.

Aussi l'Apôtre ne cesse-t-il de proclamer que « c'est parce qu'il nous a aimés que le Christ s'est livré » : « à cause de l'amour qu'il m'a porté, il s'est donné pour moi. »

« Livré », « donné » dans quelle mesure ? Jusqu'à la mort : Semetipsum tradidit.

Ce qui rehausse infiniment cet amour, c'est « la liberté souveraine avec laquelle le Christ Jésus s'est offert » : Oblatus est quia ipse voluit Il s'est livré parce qu'il l'a voulu. Ces deux mots nous disent combien spontanément Jésus a accepté sa Passion. N'avait-il pas dit un jour, en parlant du bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis : « Mon Père m'aime parce que je donne ma vie, pour la reprendre (le jour de ma résurrection). Personne ne me la ravit de force, mais je la donne de moi-même, j'ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre. »

Cette liberté, avec laquelle Jésus se livre, est un des aspects de son sacrifice qui touchent le plus profondément notre cœur humain. « Dieu a aimé le monde à ce point qu'il lui a donné son Fils unique » ; le Christ a aimé à ce point ses frères qu'il s'est spontanément livré tout lui-même pour les sauver.

Le Christ dans ses mystères, pp. 281, 282.


Vendredi Saint

Perfection du sacrifice du Christ

Tout est parfait dans le sacrifice de Jésus ; et l'amour qui l'inspire, et la liberté avec laquelle il l'accomplit. Parfait aussi dans le don offert : le Christ s'offre lui-même, tout lui-même : son âme et son corps sont broyés par les douleurs ; il n'en est pas que Jésus n'ait connues.

Il avait pris sur lui toutes les iniquités des hommes, il s'en était comme revêtu, et au jardin des Oliviers, pendant la terrible agonie, il sentait peser sur lui toute la colère de la justice divine. Il prévoyait que pour beaucoup d'hommes son sang serait inutilement versé, et cette vue portait à son comble l'amertume de sa sainte âme.

Si vous lisez attentivement l'Évangile, vous verrez que les souffrances de Jésus ont été disposées de telle sorte que tous les membres de son corps sacré fussent atteints, que toutes les fibres de son cœur fussent déchirées par l'ingratitude de la foule, l'abandon des siens, les douleurs de sa mère ; que sa sainte âme dût subir toutes les avanies et toutes les humiliations dont un homme puisse être accablé.

Mais le Christ a tout accepté.

Il a bu le calice jusqu'à la lie, il a réalisé jusqu'au dernier iota, c'est-à-dire jusqu'au moindre détail, tout ce qui était prédit de lui.

Aussi, quand tout est accompli, qu'il a épuisé le fond de toutes les douleurs et de toutes les humiliations, peut-il proférer son Consummatum est. Oui, « tout est consommé » ; il n'a plus qu'à remettre son âme à son Père : Et inclinato capite, tradidit spiritum – Ayant incliné sa tête, il rendit son esprit.

Prosternons-nous ; adorons ce crucifié qui vient de rendre le dernier soupir ; il est vraiment le Fils de Dieu : Deus verus de Deo vero.

Mais, « élevé de la terre, il attire tout à Lui... »

Le Christ dans ses mystères, p. 282 et suiv.


Samedi Saint

Le tombeau du Christ, image de la fontaine baptismale

Joseph d'Arimathie ayant descendu de la croix le corps de Jésus, l'enveloppa d'un linceul, et le déposa dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne n'avait encore été mis.

Saint Paul disait que le Christ devait nous être « semblable en toutes choses » : Debuit per omnia fratribus similari ; jusque dans sa sépulture, Jésus est l'un des nôtres : « On l'ensevelit, dit saint Jean, à la manière des Juifs, avec des linges et des aromates. » Mais le corps de Jésus, uni au Verbe, « ne devait pas souffrir la corruption ». Il restera à peine trois jours dans le tombeau ; par sa propre puissance, Jésus en sortira triomphant de la mort, resplendissant de vie et de gloire, et « la mort n'aura plus d'empire sur lui. »

L'Apôtre nous dit que « par notre baptême nous avons été ensevelis avec le Christ, pour mourir au péché » : Consepulti enim sumus cum illo per baptismum in mortem. Les eaux du baptême sont comme un sépulcre où nous devons laisser le péché, et d'où nous sortons, animés d'une nouvelle vie, la vie de la grâce.

La vertu sacramentelle de notre baptême dure toujours. En nous unissant par la foi et l'amour au Christ déposé dans le tombeau, nous renouvelons cette grâce de « mourir au péché afin de ne vivre que pour Dieu ».

Seigneur Jésus, que j'ensevelisse dans votre tombeau tous mes péchés, toutes mes fautes, toutes mes infidélités ; par la vertu de votre mort et de votre sépulture, donnez-moi de renoncer de plus en plus à tout ce qui m'éloigne de vous, à Satan, aux maximes du monde, à mes amours-propres ; par la vertu de votre résurrection, faites que, comme vous, je ne vive plus que pour la gloire de votre Père !

Le Christ dans ses mystères, pp. 316, 317